L”invité de cette semaine, Ibrahim Maïga, est un homme moderne, qui aime la vie et est très jovial. C”est un homme de média en même temps qu”un homme politique, puisqu”il est le Secrétaire chargé à la communication du Bureau politique national du Rassemblement pour le Mali (RPM). Il ne partage donc pas l”avis répandu dans notre profession qui consiste à dire que le journaliste, par éthique et par déontologie, ne doit aucunement prendre position vis-à-vis de la politique. Il déclare que pour lui, "qu”on le veuille ou pas, la politique est incontournable. Si l’on n”en fait pas, c”est elle qui nous fera".
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Sonrhaï originaire du cercle d”Ansongo, dans la boucle du Niger, à quelques encablures du Koukia, Ibrahim est né d”un père instituteur, Abdoulaye Maïga, très connu à l”époque dans la région. Il est issu d”une famille relativement moyenne, quelques frères et une sœur, et est affectueusement appelé Kalhil par sa maman, ce qui est une autre appellation pour Ibrahim. D”ailleurs, dans son village, son prénom Ibrahim est méconnu de tous.
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Pour la petite histoire, à chaque fois que les résultats des examens étaient proclamés, ses frères disaient "Kalhil n”a pas passé", oubliant que c”est Ibrahim qui était inscrit. L”homme est né le 12 mars 1964 à Ansongo. Il a effectué un cycle fondamental normal, bouclé par un diplôme d”études fondamentales (DEF) obtenu à Niono.
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Les deux parties du Bac, série sciences humaines obtenues au lycée de Markala, il arrive à l”Ecole Normale Supérieure (ENSUP). Il y étudiera de 1985 à 1989 et décrochera une maîtrise en philosophie, mention bien, avec un mémoire intitulé "Essai de critique marxiste de l”idéologie révolutionnaire de Ahmed Sékou Touré". Il se tournera rapidement vers la presse, considérant que la philosophie est une discipline connexe. Après l”ENSUP, comme le marché de travail était saturé, l”homme a décidé de faire un tour de la sous-région, au Niger, au Burkina Faso et au Togo, histoire d”élargir un peu ses connaissances.
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A son retour au pays, il rencontre Toumani Djimé Diallo, "un monsieur d”une très grande intelligence" qui, à l”époque, dirigeait un journal appelé la Nation et s”apprêtait à lancer un second hebdomadaire "Le Démocrate malien", pour lequel il était à la recherche de journaliste. C”est ainsi qu”Ibrahim commencera sa carrière dans la presse en 1992 et travaillera avec les journalistes comme Nouhoum Keita de radio Kayira, feu Abdoul Kassim Coulibaly et Moustaph Soro Tall. Après le Démocrate, Maïga fera un passage au Républicain.
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En 1998, il est recruté à la Fonction publique comme professeur d”enseignement secondaire option philosophie, Il enseignera dans certains lycées de la place. Quand Nacoman Keita est nommé ministre de l”Environnement et de l”Assainissement, en 2003, il lui fait appel, en tant que camarade du RPM, pour s”occuper du volet communication du ministère. Son séjour au ministère a duré cinq ans, jusqu”à l”arrivée de l”actuel ministre Alassane Ag Aghatan. Kalhil est, en effet, l”un des membres fondateurs du RPM, ce qui lui fait dire "je fais de la politique au plus haut niveau. Le fait d”être politicien ne m”empêche pas d”être journaliste, au contraire.
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Je trouve que c”est une façon de mettre fin à une hypocrisie ambiante qui consiste à dire que le journaliste ne doit pas faire de la politique. Tel n”est pas mon avis. Je pense qu”un journaliste peut avoir une coloration politique, dès lors qu”il applique des principes aussi clairs que l”objectivité et l”honnêteté. Dans mon cas, je dirai que l”objectivité est une quête pratiquement inaccessible, mais je crois pouvoir être honnête dans mon approche des questions politiques. La politique n”a pas d”effets sur ma façon d”exercer le métier".
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L”homme estime que politiquement aujourd”hui "on est dans un schéma iconoclaste. A mon avis, on a des institutions qui sont un peu orphelines, en ce sens que ces institutions n”ont pas d”assise politique".
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L”homme laisse entendre que les partis politiques, qui auraient pu être des instruments d”expression démocratique, sont, malheureusement, dans le creux de la vague, choses que l”on peut expliquer historiquement, sociologiquement et par des calculs d”intérêts. "Aujourd”hui, le schéma politique est un peu à l”envers".
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Le RPM, selon Ibrahim Maïga, est aujourd”hui à la croisée des chemins et, de 2002 à maintenant, ses résultats ne sont pas très significatifs. De 47 députés, ils sont passés à 11 présentement, ce qui traduit un certain malaise. "Mais le parti se repositionne. Peut-être n”avons-nous pas fait le bon choix au bon moment".
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Ibrahim Maïga est marié à une dame peulh de Djenné depuis 1997. Elle est actuellement étudiante dans un institut de la place et lui a donné deux enfants, une fille qui fait le CEP cette année et un garçon qui vient juste d”entrer à l”école.
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S”agissant de la presse malienne, il pense qu”il faut lui tresser des lauriers. "Elle a beaucoup de qualités, même si elle a aussi des défauts". Selon lui, c”est une maladie liée à sa jeunesse, mais de façon générale, "cette presse évolue sur le plan infrastructures. La technologie a beaucoup avancé, si nous regardons de 1990 à aujourd”hui". Ce qu”il déplore, c”est le mauvais comportement de certains journalistes. "Ne fais pas à quelqu”un ce que tu ne voudrais pas qu”on te fasse. Comme journaliste, on doit s”interdire des propos diffamatoires. La vérité doit être dite, mais la façon de la dire peut être plus ou moins gênante ".
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Aujourd”hui, "on remarque que, malheureusement, les jeunes confrères commencent par les éditos et les commentaires. C”est un peu une inversion de la démarche professionnelle. Les faits sont sacrés, il faut donc d”abord faire des reportages et relater les faits avant de passer aux commentaires et aux éditos". C”est un domaine complexe "que veulent dire l”éthique et la déontologie pour quelqu”un qui va en reportage sans avoir son prix de carburant ou de quoi manger à la maison quand il se rend à la rédaction ? Telle est la tentation. Qui peut résister face à cette précarité ? Des mesures doivent être prises pour sécuriser les journalistes dans l”exercice de leur métier".
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En définitive, Maïga déplore la qualité rédactionnelle et la démarche actuelle sur la question de l”abolition de la peine de mort. L”homme se souvient comme si c”était hier de l”interview que lui a accordée le défunt président nigérien Ibrahim Barré Maïnassara en 1996.
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A l”époque, Kalhil était reporter au Républicain. Maïnassara venait de faire son coup d”Etat et personne au Mali n”avait compris pourquoi le Niger évoluait ainsi. Il a débarqué à Niamey sans rendez-vous. "Comme journaliste, déjà, c”était une première expérience qu”il fallait tenter". Avec de la persévérance, il a pu rencontrer le président Maïnassara à qui il a pu librement poser ses questions. Celui-ci lui a répondu crûment sur ce qu”il pensait à l”époque, sa vérité politique pour son pays.
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L”état de fait l”a fortement marqué, car le président, ensuite, à chaque fois qu”il venait au Mali, se donnait la peine d”appeler Ibrahim, ne serait-ce que pour un bonjour. Les circonstances dans lesquelles il est mort l”ont beaucoup affecté, à cause de la complicité qui s”était instaurée entre eux.
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Autre déception, c”est la mort de Tiéoulé Mamadou Konaté, le leader de l”US RDA et de ses compagnons sur l”axe Ségou-Niono. Il était l”un des premiers sur les lieux à interroger les témoins qui avaient vu le corps encore chaud de l”homme politique ainsi que le chauffeur, "qui gardait une forte lucidité malgré l”accident". Il était hospitalisé à l”hôpital de Markala sous une surveillance qui était telle que les gens ne pouvaient pas le voir.
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Dans la vie, Ibrahim a été impressionné par son professeur de philo, en la personne de Boubacar Nianan Camara, qui lui a donné envie de faire des études de philosophie. Autres références, feus les professeurs Kari Dembélé et Mamadou Lamine Traoré qui laissaient rarement indifférent. Comme journaliste, il cite Toumani Djimé Diallo, un ingénieur agronome qui a su s”imposer dans la presse.
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Son plus grand défaut, c”est qu”il est un noctambule. Il reste tard à travailler et c”est un défaut qui peut déranger l”entourage. Sa principale qualité, c”est qu”il tient beaucoup à l”amitié, car il a toujours eu des amis qui l”ont soutenu socialement et humainement. "La relation que l”on a avec un ami, on l”a difficilement avec un parent" estime t-il.En bon sonrhaï, à la différence du Facohoye, son plat préféré est le Alabadja, qu”il trouve succulent. En bon journaliste, l”interlocuteur garde un rapport de convivialité avec tous les confrères qu’il a eu à côtoyer, sans exception, dans l”exercice de sa profession. Il en profite pour tirer son chapeau à ceux qu”il a connu à ses débuts. Il s”agit, en l”occurrence d”Amadou Beïdy Haïdara, Sambi Touré, Alexis Kalambry, Tiégoum Boubèye Maïga, Boubacar Dabo et Cheick Hamalla Sylla.
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Fatoumata Mah THIAM DOUMBIA
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23 novembre 2007
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