"Si tu fais honnêtement et consciencieusement ton métier, tu deviendras un homme célèbre et respecté et tu finiras par récolter le fruit de ton travail bien fait. Mais vouloir faire du mal pour le plaisir de faire du mal, n’aboutira qu’à une chose : l’intolérance et la violence, voilà la leçon que nous enseigne un journaliste géologue connu pour sa rigueur. Ibrahim Famakan Coulibaly, Président de l’Union des Journalistes de l’Afrique de l’Ouest (UJAO) et de l’Union Nationale des Journalistes du Mali (UNAJOM).
Natif de Djidjan, dans le cercle de Kita, spécialité géologue. L’idée lui est venue de se tourner vers d’autres études parce qu’à l’époque, les perspectives d’emploi n’étaient pas très bonnes au Mali dans le secteur minier. Il s’inscrit alors à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Paris, où il reprend ses études à zéro, pour obtenir le diplôme supérieur en journalisme, avec mention honorable et félicitations du jury. Encore étudiant, Ibrahim Famakan a créé deux titres, dont il garde toujours les récépissés valables de 99 ans. Le premier s’appelait "Miriya" et le second "La voix des travailleurs maliens en France".
Pour la petite histoire, alors qu’il était encore à l’université, la Voix du Nord, à l’époque le plus grand quotidien de France, avait besoin d’un étudiant compétent pour un poste de remplacement pendant un mois. Il y avait au moins mille postulants, toutes nationalités confondues, d’Europe, des Etats-Unis, d’Amérique Latine, d’Asie. Seule l’Afrique n’était pas représentée. Un Gabonais, voisin de Ibrahim Famakan Coulibaly, l’a poussé, talonné pour qu’il se présente, au nom de l’Afrique.Arrivé en salle, il a levé nonchalamment la main et le sélectionneur l’a choisi du coup en disant qu’il avait trouvé le candidat idéal à cause de son serieux dans le travail. A son arrivée à la rédaction de la Voix du Nord à Valenciennes, le rédacteur en chef l’a soumis à un test qu’il a réussi sans aucune difficulté.
Agé aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, l’homme est marié et père de sept enfants, y compris des jumeaux, qui tous étudient en France et en Allemagne. Brin, selon ses intimes, se rappelle de cette expression d’un de ses collègues géologue qui disait "qu’il est le meilleur journaliste lorsqu’il est avec les géologues et le meilleur géologue quant il se trouve avec les journalistes ". Il profite aujourd’hui pour décerner une mention spéciale à ses encadreurs géologues. Il a eu la chance, grâce à ces personnes et à la COGEMA (Compagnie générale des matières nucléaires) de découvrir le gisement d’uranium du Mali, à Faleya, cercle de Kéniéba, il s’agit notamment de Ibrahim Sissoko, Madani Diallo et Mory Kané.
En 1985, Brin entre à la Radiodiffusion Télévision du Mali. Durant le temps où il a servi à la RTM, il a créé et animé des émissions et présenté des journaux à la radio et à la télévision. Il a ensuite été nommé responsable de la section grands dossiers, grands débats à la télé, jusqu’à son arrivée en 2002 à la tête de l’UJAO. Il bénéficiera d’un détachement afin de mener au nom du Mali sa mission sous-régionale. En tant que Président, donc premier responsable de l’UJAO, il veille particulièrement à la mise en œuvre des missions qui lui sont assignées, à savoir la formation des journalistes , la défense des interêts des travailleurs des médiais et de la liberté de la presse dans l’espace UJAO. Aujourd’hui grâce au Docteur Soumana Sacko, qui s’est énormément investi à travers le projet ACBF l’espoir est permis pour les journalistes.
Se prononçant sur le paysage médiatique malien, Brin estime qu’il n’est pas différent de celui des autres pays d’Afrique de l’Ouest. Il déclare que le journalisme, avant, menait à tout mais qu’aujourd’hui, tout mène au journalisme. "Tout le monde vient au métier. Ceux qui viennent d’écoles de journalisme, ceux qui sont sortis d’autres écoles. Comme c’est une profession libérale, cela est accepté. Il faut que les textes soient correctement appliqués par tous. Définir qui est journaliste et qui ne l’est pas. Ceux qui ne sont pas journalistes de formation, il faut que les autres les apûient par la formation en ce moment, il y’aura moins de dérapages.
Les citoyens souffrent de nos écrits, de nos paroles et nos images. Nous devons arrêter cela, prendre conscience " selon le président de l’UJAO. Sa mission est aussi de veiller sur les acteurs de presse de notre pays, où la liberté de presse est une réalité tangible par rapport à beaucoup d’autres pays. A propos de la "crise" actuelle, Ibrahim Famakan la considère juste comme une perturbation et non comme une crise. La solution qu’il propose ? " Nous nous connaissons, il est très facile de s’asseoir, de discuter et de décider de quelque chose pour le bien de tous ". Mais, hélas, certaines personnes profitent de cette situation. Des gens qui n’ont rien à y faire se trouvent au centre de la perturbation. Brin est persuadé que la presse malienne est obligée de se remettre en cause pour mieux rebondir.
Sa satisfaction est d’avoir quitté la géologie pour le journalisme, qu’il voit plutôt comme un travail de relations publiques. Sa notoriété en provient. A chaque fois qu’il marche en ville, quelqu’un s’arrête et l’accompagne à destination. C’est dire qu’il doit tout au journalisme.
Il nous conte une mésaventure qu’il a vécue dans ce métier. Pendant la Transition, en 1991, lors de la Conférence Nationale, le journaliste a interpellé un ministre afin de comprendre pourquoi la conférence allait à l’échec et d’alerter l’opinion publique et les autorités pour qu’elles se corrigent. Lorsqu’il a voulu interviewer le ministre, celui-ci a voulu l’humilier Ibrahim Famakan en refusant de lui accorder l’interwiev dans un premier temps. Lorsqu’il lui a accordé un peu de son temps, le journaliste lui posera cette question " Mr le ministre, de part votre incompétence, la Conférence Nationale est sur la voie de l’échec…". Le ministre n’en revenait pas. Furieux, il ne dira que deux mots et le journaliste le remerciera. Il a "balancé " ensuite l’élément comme tel, à la télé et, le lendemain, le ministre a été débarqué du gouvernement. Quatre mois plus tard, l’ex-ministre essaiera de le tuer avec sa voiture, en fonçant droit sur lui alors qu’il marchait tranquillement sur le trottoir. Grâce à l’intervention des uns et des autres, tout est rentré dans l’ordre. Aujourd’hui, Brin est satisfait de son travail, que les gens, à l’époque, ont apprécié.
A l’ORTM, sous le régime de Alpha, Brin animait l’émission " Grands dossiers". Un jour qu’elle avait pour thème le secteur de bâtiment et travaux publics, car à cette époque les gens construisaient de façon anarchique dans Bamako, notre journaliste a été filmer un bâtiment, sur la route de Koulikoro, construit jusque sur un pont et sur la voie il a attaqué les autorités dans l’émission. Quelques jours plus tard, la maison a été démolie. " Cela prouve que l’émission était suivie et que le journaliste a un pouvoir qui peut aller très loin " conclura Ibrahim Famakan.
Il se rappelle aussi que, suite à la demande du président français Jacques Chirac, qui venait pour parler des problèmes du continent, aux chefs d’Etat africains au Sénégal, Alpha avait refusé de s’y rendre. Conséquence, le séjour en france devenait insupportable pour nos compatriotes, Brin a réalisé avec l’Ambassade de France une émission spéciale qui a permis de faire la lumière sur les milliards investis dans les projets au Mali par la France, cela lui a valu une lettre de félicitation de la France.Concernant la grave situation des immigrés, toujours en France et à la faveur des expulsions, Brin a réalisé un autre dossier qui avait comme invités feu Alioune Blondin Bèye, Me Kassoum Tapo, Mohamed Salia Sokona, et Mangal Traoré pour parler de la situation.
A la suite de cette émission Me Tapo a été nommé président de la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI), parce qu’il avait été éloquent et a convaincu. Mohamed Salia Sokona, nommé ministre de la Défense et des Forces Armées. Alioune Blondin Bèye avait la dimension internationale que chacun sait et Mangal Traoré se trouve aujourd’hui à la Présidence. Même si ce n’est pas uniquement dû à leur participation à l’émission, elle leur a permis de se faire remarquer positivement du grand public. Une autre émission sur l’insertion des immigrés au pays natal, le visionnage de la cassette de l’émission a entraîné la visite au Mali du Premier ministre français de l’époque, Lionel Jospin, sur les conseils de Charles Josselin. " Cela m’a été rapporté par l’ambassadeur de France de l’époque, qui m’a félicité pour mon travail. Ce jour là, j’étais très fier" affirme Ibrahim Famakan.
Lors d’un reportage sur la rébellion, Ibrahim Famakan avait rappelé que des intervenants avaient affirmé que " la rébellion a toujours existé, mais que c’est sous Alpha qu’elle est arrivée à Bamako ". Il a été sanctionné pour ces propos et la presse malienne tout entière s’est mobilisée pour le soutenir. Suite à cette sanction, le colonel Birama Siré Traoré l’a appelé pour le réconforter et lui témoigner sa sympathie.
"Si les Maliens connaissaient ta valeur, cette rébellion n’allait pas aller loin. Ton reportage a convaincu, les Maliens de l’extérieur ont copié et distribué par milliers la cassette ". Maître Mountaga Tall alors député l’avait bien soutenu aussi pourque la sanction soit nulle.
Le peu de temps libre dont dispose Ibrahim Famakan, il le consacre à ses enfants, qui sont ses copains, comme il les appelle. Sa référence principale reste son père, qui était un grand marabout. A 3 heures du matin, son papa le réveillait pour distribuer des vivres aux familles du village, en pleine nuit, pour que les gens ne soient pas au courant. "Je préfère suivre les traces de mon père, aider les pauvres, aimer les enfants».
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