Induire des changements nécessite de communiquer avec ceux qui ont le pouvoir, les moyens et les capacités de les induire et de les conduire.
Qui sont-ils dans ce cas ?
D’abord les citoyens qui demandent à être informés de ce que font leurs dirigeants et où ils veulent les mener. Ils demandent aussi à être entendus de ces dirigeants. Cette dialectique renforce la citoyenneté et la transparence dans la gestion de la cité.
Ensuite les dirigeants: ils ont besoin de communiquer leur vision, leur projet de société dans lequel ils veulent engager les citoyens et les moyens d’y arriver. Ceci garantit l’efficacité des politiques publiques et leur acceptation par les bénéficiaires.
Enfin les détenteurs des moyens et outils de communication et les professionnels qui collectent, traitent et diffusent l’information en toute objectivité, tout en préservant leur droit de commentaire quand ils le souhaitent.
Ces derniers sont des vecteurs essentiels pour la diffusion de l’information d’intérêt général.
Ces derniers jouent un rôle crucial aux yeux de celui qui veut mener une campagne, du fait de leur positionnement dans le dispositif, la géographie et l’analyse du pouvoir qui lui permettront de tenir le bon bout, le bon levier pour induire le changement.
Ces derniers sont décrits sous le vocable de « Propriétaires et gestionnaires de médias » !
Cette description peut prêter à confusion pour celui qui veut mener une campagne. D’où la nécessité de lever l’ambigüité s’il doit les soumettre au test des « Principes » et s’ils devront porter le changement d’attitudes et de comportements qui sous-tendent la bonne gouvernance, l’éthique, la déontologie, la transparence, l’imputabilité qu’appellent « les Principes ».
Durant les campagnes pour la liberté d’expression que j’ai eu à mener, notamment celle pour la dépénalisation des délits de presse, il m’a maintes fois été répété par des citoyens ordinaires mais aussi des dirigeants qu’ils ne comprenaient pas qu’on veuille soustraire les journalistes du champs de la loi et ne rien recevoir d’eux en retour comme gage et engagement.
Notre argument de campagne a toujours été de dire que le journaliste – comme le magistrat -faisait son travail au nom et pour la société. A ce titre il avait besoin de protection et de liberté pour remplir correctement sa mission.
Si cette liberté -du journaliste- devait être réduite ou contrôlée, elle ne doit l’être qu’à postériori et c’est au tribunal civil de le faire en plaçant la barre des peines à un niveau qui ne doit jamais menacer la mission et l’outil de travail du journaliste pour satisfaire l’intérêt général.
Hors de ce cadre, nous n’avons eu de cesse de « marteler » que les seuls censeurs du journaliste ne devraient être que l’éthique journalistique, la sanction de ses pairs, la sanction de son public et des instances d’(auto)régulation auxquelles il aura délégué cette capacité.
Angélisme ? Naïveté ? Que nenni !
AMI a fait de ce crédo sa mission et cherche à le vivifier en proposant des « principes de leadership et de gouvernance » qui vont faire l’objet de délibérations durant deux jours (23-24 août 2012) à Ouagadougou par les dirigeants des médias eux-mêmes.
AMI dans sa démarche a ciblé les dirigeants des médias en leur proposant de codifier ce que les autres acteurs –les citoyens, les décideurs et leurs employés- leur demandent en contrepartie de leur demande de licence ; à savoir « l’instauration et l’amélioration d’une culture de l’éthique au sein des échelons supérieurs de la gestion des médias… visant à développer une culture de la transparence, de la bonne gouvernance et de l’imputabilité » dans l’entreprise de presse.
Difficile de dire non à de tels principes ! D’autant plus qu’ils sont conçus sur le modèle « des codes de déontologie internes à l’intention de leurs employés ».
C’est certainement la meilleure réponse -en termes de campagne- quand les premiers acteurs du changement, les propriétaires et dirigeants de médias, s’offrent en exemple en impulsant et en portant eux-mêmes le changement, en veillant à ce que leurs actes soutiennent leurs propos.
« Les Principes » assurent que c’est « la meilleure défense contre les entraves à la liberté de la presse et la base la plus sure du développement des médias»… car un tel développement serait adossé à « la confiance de leurs publics, tout en contribuant réellement à la démocratie et au développement de nos pays ».
Les autres avantages que les promoteurs des Principes perçoivent de leur adoption ne sauraient non plus laisser un dirigeant indifférent. Il s’agit entre autres de:
– l’affirmation publique de la bonne foi du secteur en tant qu’ensemble d’entreprises de médias indépendants ayant une valeur unique, de grande envergure pour la société ;
– l’augmentation des performances et de la crédibilité ;
– l’amélioration de la confiance du public ;
– la protection contre les contraintes illégitimes ;
– un accès accru aux investissements et autres formes d’appui et de ressources ;
– une plus grande convivialité dans les lieux de travail et une plus grande efficacité de l’entreprise.
Les principes directeurs –comme les codes de conduite- n’ont de force que celle que leurs rédacteurs, promoteurs et signataires voudront bien leur donner. Ils ne sont pas contraignants mais n’en ont pas moins une force morale. Leur acceptation par les professionnels est un gage d’engagement citoyen et de probité.
C’est pourquoi AMI a aussi formulé, à l’attention des signataires, quelques mécanismes de cogestion de la mise en œuvre et de l’effectivité des Principes.
Les signataires sont invités, entre autres à :
– Mettre en place des mécanismes internes de conformité avec ces principes ;
– Diffuser largement les principes sur toutes leurs plateformes ;
– Communiquer et discuter ces Principes avec les employés, les partenaires, les actionnaires et la société civile.
– Faire parvenir toute réaction à AMI.
C’est tout cela qui donnera force et vie aux « Principes » de AMI dans une Afrique et un monde qui en ont bien besoin…maintenant !
Bon vent aux « Principes pour le Leadership et la Bonne gouvernance à l’usage des propriétaires et gestionnaires de médias en Afrique »!
Par Amadou KANOUTE
Amadou C. KANOUTE est le Directeur de CICODEV Afrique, l’Institut panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement. Il est/a été aussi conseiller en campagne de plusieurs organisations qui luttent pour la liberté d’expression et celle de la presse dont ARTICLE XIX, WAN IFRA, IFEX TMG et AMI. Il est co-rédacteur des « Principes » de AMI.