Charmante, élégante, Sokona Gakou est aujourd”hui l”une des animatrices qui se battent pour la promotion de la musique mandingue. Cette dame de fer anime depuis ses débuts l”émission phare d”Africable, "Grand Sumu". Dans l”entretien qu”elle a bien voulu nous accorder, Sokona nous parle de cette émission et de ce qu”elle déteste dans la vie, la méchanceté et le harcèlement sexuel. rn
Bamako-Hebdo : Qui est Sokona Gakou ?
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Sokona Gakou : Je suis journaliste et présentatrice de télé. Vous savez, je suis à moitié sénégalaise parce que ma mère, Fatou Thiam, vient de ce pays. Mon père est malien. Il est de Banamba, une ville que j”adore. C”est la ville que je connais le plus au monde. C”est là que j”ai passé une bonne partie de mon enfance.
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Je fais beaucoup d”animation à la télé. Je ne sais pas comment cela est arrivé, mais c”est un truc qui m”a collé à la peau dès mes débuts. En réalité, j”ai une maîtrise en anglais, obtenue à l”Ecole Normale Supérieure. Je suis donc professeur d”enseignement secondaire. Par hasard, je me suis retrouvée à la télé. J”ai commencé ma carrière à l”ORTM, comme téléspeakerine pendant longtemps. J”ai changé, par la suite, pour faire de l”animation. J”animais l”émission "Samedi Loisirs" qui marchait beaucoup à l”époque. J”ai également travaillé à la Radio Télévision Sénégalaise (RTS) sous contrat. D”abord avec Ibrahima N”Diaye, qui était à l”époque le directeur de la RTS (télévision) et qui avait une émission qui traitait d”art. Nous parlions de l”art en général, de la peinture, de la musique etc. J”ai fait quelques émissions avec lui.
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J”ai ensuite créé l”émission "Tempo Africa". C”est une émission qui a rencontré beaucoup de succès, ce qui m”a étonné moi-même. C”était une sorte de mini portrait que je faisais de l”artiste, avec des séquences de musique. J”ai travaillé ainsi pendant six ans au Sénégal.
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Comment est née l”idée de "Grand Sumu" que vous animez sur Africable?
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Vous savez, juste au moment où je devais commencer à présenter le journal télévisé, en 1999, j”ai décroché mon contrat avec la RTS. Quand je suis revenue au Mali, j”ai eu la chance de rencontrer le PDG d”Africable, Ismaël Sidibé, que je salue en passant. C”est un directeur remarquable, qui se bat beaucoup. On ne peut pas imaginer tout ce que cet homme fait pour cette télévision. Comme il y avait déjà une émission que j”animais, "Rencontres", mon directeur m”a proposé une émission à grand public, une sorte de Sumu. J”ai accepté tout de suite. Nous avons gardé l”appellation Sumu, qui est originale et, parce que c”est un mot mandingue, bien ancrée dans la culture malienne. Nous y avons donné plus de valeur en faisant un Grand Sumu. C”est parti comme ça. On n”y croyait pas trop au départ, mais ça a marché tout de suite. J”ai conçu cette émission avec au centre un invité principal, autour duquel gravitent d”autres vedettes qui enrichissent l”émission. L”artiste invité répond aux questions essentielles que je lui pose.
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L”invitée de la première émission était Sadio Kouyaté. Franchement, elle a beaucoup donné ce jour-là. Elle avait à ses côtés Nafi Diabaté dite Mari Mar, Kaniba Oulé Kouyaté. Ce sont ces trois cantatrices qui ont démarré le Grand Sumu. Et les gens ont adoré. Du coup, c”est parti !
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Quel est l”objectif visé par cette émission ?
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Nous voulons tout simplement revaloriser notre patrimoine culturel. Vous savez, la première question que je pose à chaque invité principal, c”est de m”expliquer ce qu”est un Grand Sumu. Grâce aux différentes explications, je suis arrivée à comprendre. Cela s”est ajouté à mes propres connaissances, à l”histoire. Je pense que n”importe quel Malien sait ce qu”est le Sumu.
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En fait, au temps des grands hommes comme Soundiata Kéîta, ce sont les griots qui exhortaient les Mansas à la bravoure. C”était leur façon de les distraire. C”était une manière de discuter des choses réelles concernant la vie de tous les jours, la vie de l”Empire en ce temps-là. Ils en profitaient pour mettre l”Empereur " sur les rails ". C”était une rencontre entre les griots et leurs jatigui. En retour, ceux-ci leur donnaient tout ce qu”il pouvaient.
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Comment choisissez-vous vos invités ?
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Je me demande, pour chaque émission, qui je peux prendre qui puisse cette fois-ci me donner ce que je veux, comme invité principal d”abord. Parce que je tiens à ce que l”invité principal soit vraiment un artiste remarquable. Qui puisse interpréter des chansons qui appartiennent réellement au patrimoine culturel mandingue. Il faut que l”artiste connaisse bien des morceaux comme "N”Taara", "Soundiata" ou encore "Janjon". Des chansons qui marquent la tradition mandingue. Il faut aussi que ce ne soit pas dans un style moderne. Quand j”approche l”artiste, la première chose que je lui dis c”est "bon, je voudrais que tu sois mon invité principal. Cela signifie que je veux que tu me sortes tout ce que tu as. Je suis fatiguée d”entendre ce que tu fais tout le temps. Cette fois-ci, je veux te voir en tant qu”artiste, je veux que tu montres ce que tu vaux". Dieu merci, jusqu”ici, je pense que les artistes invités ont donné au public et à moi également.
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Peut-on savoir déjà le contenu du prochain Grand Sumu ?
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Vous savez Grand Sumu est une émission enregistrée de façon mensuelle. On la diffuse tous les quinze jours. Chaque fois que je conçois une émission, mon directeur me laisse une entière liberté. C”est moi qui propose la date et les artistes. Ensemble, de concert, nous mettons les choses au point.
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Cette fois-ci, j”ai envie de tenter une expérience. J”ai peur même de la dévoiler dès maintenant. Je pense que ce n”est pas une chose très facile. Vous savez, entre les artistes, comme dans n”importe quel métier du monde, il y a des rivalités féroces. Il n”est pas facile de mettre certains artistes sur un même plateau. C”est très très difficile. Pour cela, je remercie vivement tous les artistes. Franchement je ne sais pas qu”est-ce que j”ai fait pour les artistes, mais ils m”adorent. En sens, c”est eux qui me donnent ce que j”attends d”eux. Dès que j”invite un artiste, respectueusement, ce qu”on me dit c”est "Sokona, moi je t”appartiens. Là où tu es, je suis. Je les remercie vivement". Vous savez, je suis très audacieuse.
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Des fois, je tente de choses dont moi-même j”ai peur. Dieu merci, avec la bénédiction de mes parents et de tous les téléspectateurs, jusqu”ici on s”en est bien sorti. Pour la prochaine émission, je veux tenter un grand coup. Je vais d”abord discuter avec les artistes, parce que ce que je veux faire n”est pas une chose facile. Je veux mettre sur le même plateau les grands artistes de la même génération. Par exemple une Amy Koïta, une Tata Bambo Kouyaté, une Kandia Kouyaté, une Aïcha Koné sur la même scène, parce que nous avons soif de cette musique mandingue.
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L”émission qu”on vient de faire avec Adja Soumano était vraiment à la hauteur. Je suis pressée que les téléspectateurs la voient. J”ai invité des artistes qui m”ont donné tout ce qu”elles pouvaient. Personnellement, j”éprouve une grande satisfaction par rapport au rendement musical des artistes. Chaque fois que je fais une émission, on me dit " Sokona, celle-là était meilleure que celle d”avant ". Professionnellement parlant, je me dépense beaucoup. Après un Grand Sumu, je ne peux rien faire pendant au moins une semaine. Je me suis que le public qui se déplace pour venir nous regarder a droit à une émission de qualité. Je pense que les Maliens ont soif de cette véritable musique mandingue qui reste encore peu jouée.
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Comment cela se passe-t-il entre vous et les artistes ?
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Dieu a fait que les artistes m”acceptent. Dès que je vais vers l”un d”entre eux, que ce soit un artiste du Mali et d”ailleurs en Afrique, on me dit " Sokona, quand tu veux à priori ". Généralement, les artistes et moi évitons de formaliser les choses. Peut-être avons-nous plutôt envie de conserver ce côté humain entre nous. Nous avons envie de le préserver. Je ne peux pas dire qu”on établit de véritables contrats. Je ne peux pas le dire, parce que nous partons sur la base du fait que c”est une émission de télé, non un spectacle ou un concert.
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Vous savez, les premières émissions que nous avons faites étaient gratuites. Les billets étaient gratuits parce que les salles où nous faisions l”émission, comme le Platinium, n”étaient pas louées. J”en profite pour remercier Jackson, qui me donnait le Platinium gratis. Grand Sumu est une émission qui coûte cher à Africable. C”est à grand budget. Les artistes étrangers, on leur envoie un billet d”avion et souvent ils demandent à venir avec deux ou trois danseurs, eux aussi pris en charge par Africable.
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Dans le Grand Sumu, nous acceptons que les artistes chantent des louanges. C”est le giottisme qui est mis en exergue dans cette émission. Je dis à mon directeur qu”il faut qu”on permettre aux artistes de chanter leurs chansons.
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Beaucoup de gens estiment que le prix du ticket, 10 000 FCFA par personne, est un peu cher ?
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D”habitude, nous ne fixons pas de prix quand nous ne payons pas la salle. Grand Sumu coûte énormément cher à Africable qui le finance sur fonds propres avec l”aide de quelques partenaires. Permettez-moi de le dire, nous n”avons pas de gros sponsors en matière d”émissions de télé. Il faut aussi du matériel. Si, aujourd”hui, nous avons fixé un tarif, c”est parce que, tout simplement, nous louons les salles.
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On s”est dit qu”il valait mieux vendre des billets pour pouvoir continuer l”émission et alléger nos dépenses. Le nombre de billets que nous vendons est juste suffisant pour payer le local. Ce n”est pas un concert pour faire de l”argent.
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Nous avons une émission que voulons qu”elle reste pérenniser. C”est une obligation pour nous de vendre des tickets pour payer la salle où nous enregistrons l”émission. Si la salle était gratuite, nous ne le ferions pas. Vous savez aussi, Grand Sumu n”est pas une petite émission. Raison pour laquelle nous insistons sur la qualité.
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Quel est l”artiste préféré de Sokona ?
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Vous savez que les artistes m”aiment beaucoup. Je n”ai pas de préféré, parce que j”aime tous les artistes. Je peux peut-être avoir plus d”affinités avec certains qu”avec d”autres. Cela dépend. Moi, dès que je fais une émission avec un artiste, on devient les meilleurs amis du monde. C”est Dieu qui a fait ça. La musique, c”est comme une drogue pour moi.
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Quelles sont vos relations avec Babani Koné ou Adja Soumano ?
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Pourquoi particulièrement Babani Koné ou Adja Soumano.
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Parce que, à chaque fois, vous parlez de Babani ou de Adja ?
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Ce sont mes amies. Babani est une grande amie à moi. On s”est connues il y a très longtemps. Nous étions dans le même groupe de dames qu”on appelait les " Belles dames ". Depuis, nous avons gardé d”excellentes relations.
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Adja Soumano est aujourd”hui l”artiste qui ne peut pas passer une journée sans m”appeler ou sans me voir. Elle peut m”appeler cinq fois par jour. Je crois que j”ai particulièrement de bonnes relations avec tous les artistes. Toute ma vie tourne autour d”eux.
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Quelle est votre force ?
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Je ne sais si on peut appeler une force, mais je suis perfectionniste. Je suis excessivement exigeante dans le boulot, avec moi comme avec les autres. Dès qu”il s”agit du travail, je ne vois que le résultat que je veux atteindre. Ce qui fait qu”on a tendance à me croire un peu marginale. Je me frotte quand même assez souvent avec les gens. Aujourd”hui, je n”ai pas envie de décevoir mon public.
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Qu”est ce que Sokona aime dans la vie ?
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J”aime les gens. J”aime la personne humaine.
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Qu”est ce vous n”aimez pas?
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Je n”aime pas la méchanceté, parce que j”en ai beaucoup souffert. Je n”aime pas le harcèlement sexuel. Je déteste. Je trouve que c”est le plus grand frein qui soit dans la vie professionnelle d”une femme. Je ne peux dire que j”ai été victime de harcèlement sexuel, mais je sais que c”est un grand frein pour toutes les femmes, de manière générale. Moi, avec la détermination professionnelle que j”ai, peut-être que si j”avais été un homme j”aurais pu aller au delà de tout ce que je fais aujourd”hui. Une femme, dès qu”elle veut s”épanouir un peu professionnellement, tout de suite on l”habille de tous les mauvais qualificatifs possibles. Ce qui nous handicape beaucoup. J”aurais souhaité travailler librement, avoir beaucoup plus de liberté, pouvoir mieux m”épanouir. Mais c”est souvent difficile.
rnAlou B HAIDARA“