Détournement au ministère de la Santé : Des maîtres chanteurs qui veulent museler la presse

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Depuis que nous avons commencé à relater les faits de détournements présumés et des arrestations opérées dans le cadre de l’affaire dite du Fonds Mondial, c’est la première fois que nous sommes saisis par une structure, en l’occurrence le Cabinet du ministre de la Santé, nous intimant l’ordre d’arrêter à défaut de  voir compromettre le contrat de prestation que le journal a avec ledit département dans le cadre de la promotion de la santé. Comme si ces gens-là avaient peur de quelque chose.

Une telle réaction épidermique, émanant de personnalités qui ont, peut-être, quelque chose à se reprocher, ne saurait nous museler. Au contraire, elle nous encourage à tremper la plume dans la plaie de la corruption et des détournements des ressources destinées à la santé de la population. Le contrat qui existe entre votre quotidien préféré et le ministère de la Santé n’a pas pour objet que journal se taise quand il y a présomption de cas de délinquance financière à dénoncer. Au contraire, nous apprécions ce contrat tant qu’il permet de faire la promotion de la santé et de vulgariser, auprès des populations, des actions positives allant dans ce sens. Et non pas de couvrir des supposés délinquants, ou des détourneurs de ressources destinées au financement de la santé. Que les maîtres chanteurs se détrompent donc pour avoir, en plus de la grossièreté de leur démarche, tapé à la mauvaise porte. Comme le dit si bien le dicton : " Que ceux qui se sentent morveux se mouchent ". Au lieu de chercher à hypothéquer, à travers des nègres de service, le droit du public à l’information en voulant s’attaquer à la liberté de la presse si chèrement acquise.

Ne pas perdre son sang-froid

Dénoncer des gens supposés avoir bouffé des deux mains des deniers publics ne saurait être un crime. Et ce n’est point divulguer un secret d’Etat que de dire pourquoi des gens ont été écroués. Ce n’est pas la presse qui a arrêté et mis sous les verrous les présumés coupables de malversation, de faux et usages de faux (des faux ordres de mission, des faux billets d’avion, des faux séjours à l’extérieur…) exerçant au département de la Santé. Ce sont Sombé Théra et ses hommes, les juges anticorruption, qui ont mis le grappin sur ces présumés voleurs à col blanc qui continuent à fouiner à la recherche de gros requins dans les profondeurs de cette eau trouble. Qu’il se trouve des voix autour du ministre de la Santé, Oumar Touré, nous intimant l’ordre de cesser de rendre compte de cette affaire de détournement au Fonds Mondial, cela relève d’une atteinte grave à la liberté d’expression, telle que garantie par la Constitution, et au droit du citoyen à l’information. Le Mali n’est pas une République bananière. Ne perdez pas votre sang-froid. Surtout qu’il y a des gens, parmi ceux qui sont en prison et dont certains semblent vouloir protéger l’image, qui n’ont plus aucun crédit ni aucune crédibilité auprès de l’opinion publique. Ceux-ci ne peuvent éviter ni l’humiliation ni l’opprobre. Et cela quelle que soit la décision que la justice rendra.

Les disques durs ont parlé

Au vu de l’ampleur des dégâts causés, le peuple, en son âme et conscience, a déjà tranché dans cette affaire de détournement au Fonds Mondial. Il souhaite maintenant qu’immunité ne soit pas impunité. Dans cette affaire de détournement à grande échelle, en plus du préjudice et matériel et financier subi, il faudra  redorer le blason du Mali dont la bonne image a été écorchée voire ternie.

Avec 5500 pièces versées au dossier, il y a à parier que la partie ne sera pas si facile comme certains veulent bien le faire croire. Avec le contenu des disques durs des ordinateurs de la Direction nationale de la santé (DNS), de la Direction administrative et financière (DAF), du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), de la Cellule sectorielle de lutte contre le sida du ministère de la Santé (CSLS) et des structures régionales, il y a une belle moisson qui permet au Fonds Mondial de rendre ses conclusions aux plus hautes autorités du pays. Maintenant, avec ces pièces, il appartiendra à la justice de faire son travail en toute sérénité. Mais assez vite pour que le Mali ne soit pas éliminé du financement ultérieur du Fonds Mondial. En tout cas, quel que soit le montant incriminé, le Mali devra rembourser totalement cette somme…Un milliard, trois milliards ou six milliards FCFA ? Personne ne le sait pour le moment.

Si le Coordinateur adjoint du Programme national de lutte contre la tuberculose, Mohamed Berthé, a préféré prendre la clef des champs, c’est que les montants  détournés sont très importants. Le risque est donc grand pour le Mali de perdre le financement du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Alors pourquoi avoir sous-estimé, dans un premier temps, cette affaire de détournement? Les 5500 pièces produites par les inspecteurs et les spécialistes en cybercriminalité du Fonds Mondial sont déjà disponibles. Après le dépôt du rapport, c’est le Fonds Mondial qui décidera, in fine, de l’avenir de son partenariat avec notre pays.

Ce n’est donc pas la presse qui mène les enquêtes, qui arrête ou qui emprisonne. Elle ne fait que relater les faits. Tel est son travail. Le travail de limier est l’œuvre notamment du Procureur anticorruption Sombé Théra et de ses hommes rompus dans la traque des présumés délinquants. Surtout que les instructions des plus hautes autorités, dans l’affaire du Fonds Mondial comme dans d’autres cas, ont été claires et nettes : " Tous ceux qui ont eu à carotter, ne serait-ce qu’un petit morceau, du Fonds Mondial, devront répondre devant la justice ".

Dans ce cas, que les uns et les autres gardent leur sang-froid. Quant à la presse, elle fera, contre vents et marées, son travail d’information du public. Que cela plaise ou non à ceux qui, par le biais du chantage, cherchent à museler les médias du haut de leur piédestal. Vaine tentative. Le combat de la presse, c’est pour le Mali, pour le confort de sa démocratie. De ce fait, il n’est dirigé contre personne. 

     Mamadou FOFANA

 

Chroniqueur politique

 

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