Le journalisme est-il toujours un métier noble au Mali ? C’est la question qu’on est en droit de se poser à l’observation aussi partielle soit- elle de ce métier, tel que pratiqué au Mali. Depuis la nuit des temps, le journalisme, le vrai, est à tout point de vue un métier noble au regard des grandes exigences tant morales qu’intellectuelles qu’il impose, à l’origine aux hommes et aux femmes qui ont décidé de l’exercer dans les règles de l’art. Notre pays n’est plus une référence.
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Et la crise née de l’Affaire dite SOD est une belle occasion de panser les plaies béantes de notre profession. Et Dieu sait que la tâche est loin d’être facile, car comme a dit l’autre, « le pouvoir de la presse malienne ne repose plus sur la confiance ou le respect de ses lecteurs, mais sur la crainte qu’il inspire et le bénéfice qu’il en tire des autres pouvoirs »
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Le respect de l’éthique et de la déontologie est le fondement sur lequel repose ce métier dont l’exercice n’est pas donné à qui le veut. En clair, n’importe qui ne devient pas journaliste, mais plutôt qui le peut. Autrement dit, outre la prédisposition, les connaissances requises, il faut a priori savoir rester dans le « carcan » de l’éthique et de la déontologie.
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Loin de s’ériger en donneur de leçon ou de prétendre détenir l’exclusivité de la vérité et le monopole de la raison, le journalisme à la sauce malienne suscite aujourd’hui beaucoup d’effroi et d’émoi, tant les dérapages et les atteintes graves aux principes fondateurs du métier ont atteint un niveau qui se passe de tout commentaire.
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Cependant, ne mélangeons pas les torchons et les serviettes. La presse malienne regorge toujours des plumes de qualité, des hommes et des femmes qui prouvent à suffisance à travers leur exemplarité, qu’ils n’ont pas parachuté dans le métier aux fins d’échapper aux dures règles du chômage. Ces hommes et ces femmes, aussi rares soient-ils, sont des références qui imposent le respect. Ils sont dans l’ombre et trépasseront peut être un jour dans l’anonymat parce que leur mérite n’est pas la vertu la mieux partagée.
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A côté de ces oiseaux rares, il y a ceux qui exercent le métier « au nom du père, du fils et du business ». La morale ? L’éthique ? La déontologie ? On s’en moque. Le seul instinct qui les anime c’est le « dieu argent ». Peu importe sa couleur, peu importe la façon dont cet argent est gagné. L’essentiel c’est de l’avoir. Et pour l’avoir, le chantage, la diffamation, la mendicité, la prostitution intellectuelle, le déni de soi, la calomnie et j’en oublie, sont le principal sentier qui permet à cette nouvelle race de journalistes d’assouvir sa cupidité.
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Des hommes désormais sans crédit, des associations sans autorité
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Il faut reconnaître que les hommes de média au Mali ont perdu tout crédit depuis qu’ils sont des porte-parole des hommes politiques, des hommes d’affaires et même des malfrats. On a vu ici certains participer aux assises de partis ou monter des coups les uns contre les autres. Les journalistes ont été au centre des différentes crises connues par les politiques, le monde des affaires et les syndicalistes. Contre quelques billets, ils épient les uns pour informer les autres et vice-versa. Désormais, tout est à monnayer, les informations, notre dignité, notre honneur et celui de nos camarades. Certains confrères, notamment les plus anciens, qui président les organisations de la presse, ont décidé de jouer aux mercenaires.
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En plus de publier des articles anonymes au détriment de ceux qui refusent de faire l’objet de chantage, ils font chaque matin le tri des journaux qui traitent de contentieux pour proposer leur médiation aux personnes concernées. La publication du dernier rapport du Vérification général n’a fait qu’aiguiser l’appétit de nos maîtres chanteurs. Les directions administratives et financières ont été prises d’assaut et ceux qui ont refusé de mettre la main à la caisse ont été sérieusement savonnés. Comme conséquence des interminables d’intérêts, des changements sont d’ailleurs annoncés au niveau des différentes associations dont l’ASSEP et l’ODEP.
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Tous ces agissements font qu’aujourd’hui, la presse privée manque cruellement de références morales. Et les associations créées pour réguler la profession n’ont aucune autorité car dirigées par des gens loin d’être exemplaires. Qu’il s’agisse du Conseil supérieur de la communication, de la Maison de la presse, de l’Association des éditeurs de la presse privée ou de l’Observatoire pour le respect de l’éthique et la déontologie qui n’existe finalement que de nom, la crédibilité est la chose la moins courante. Pour ne rien arranger à la situation, celles-ci ferment les yeux sur l’exploitation des journalistes, qui popur la plupart ne sont pas payés ou sur les magouilles dont se rendent coupables les patrons de presse quand il s’agit de fournir les pièces pour être éligibles à la subvention de l’Etat.
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Les conséquences sont incommensurables tant sur la démocratie que sur l’opinion publique qui plutôt que d’être informée est désinformée.
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Il urge de redéfinir le journalisme en lui redonnant ses lettres de noblesse pour le salut de la nation et de la mémoire.
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Nous sommes tous interpellés, journalistes et patrons de presse en passant par les autres acteurs. Extirper de la presse ses mauvaises graines est un devoir historique. Faut-il organiser les états généraux de la presse ? En tout cas, il y a urgence.
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Abdoul Karim Maïga
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