“23 ans après mars 1991 : Quel bilan pour notre démocratie ?“. Tel était le thème de l’émission de débat de la radio “Klédu“ de ce jeudi 20 mars 2014. Autour du présentateur, Kassim Traoré, hommes politiques et militants de la société ont croisé leur regard. Décryptage.
D’entrée de jeu, le président du Parti socialiste “Yélen Kura” (porte-parole du FDR), a rappelé les péripéties qui ont marqué l’avènement de la démocratie dans notre pays. Pour Amadou Koïta, les acquis sont indiscutables avec le vent de liberté et de démocratie dont le peuple avait besoin. “Une démocratie se construit, et les difficultés ne peuvent justifier le coup d’Etat du 22 mars 2012”, a déclaré M. Koïta qui a rendu hommage au président déchu Amadou Toumani Touré, chassé du pouvoir par une mutinerie menée par l’ex-capitaine Amadou Haya Sanogo.
Pour le président du Collectif des patriotes (Copa), cette mutinerie n’est que la résultante d’une culture d’impunité entretenue depuis de nombreuses années par les dirigeants. “La révolte populaire était donc inévitable, car les Maliens n’en pouvaient plus”, analyse Makan Konaté qui s’incline devant la mémoire des dizaines soldats maliens égorgés en janvier 2012 à Aguelhok et dans plusieurs autres localités du pays.
Dramane Diarra est de ceux qui estiment que le coup d’Etat du 22 mars 2012 a consacré une rupture constitutionnelle. Pour le président de l’Alliance des générations démocratiques, ce coup d’Etat restera une tache noire de l’histoire de notre démocratie. Aussi, l’invité du débat a rendu un vibrant hommage aux précurseurs de la lutte démocratique marquée par l’engagement, dira-t-il, d’hommes et de femmes de conviction. “Nous devons travailler à renforcer nos acquis démocratiques”, a recommandé le militant de la société civile, qui a salué “les avancées notables”.
“La démocratie des nouveaux milliardaires“
Si Dr. Etienne Fakaba Sissoko partage ces acquis (liberté d’expression, syndicale, multipartisme, etc.), il regrette en revanche que 23 ans après, les mêmes revendications sociales soient encore d’actualité au Mali. Car, argue le représentant du parti Sadi, le niveau de vie du Malien moyen peine à s’améliorer à cause de l’extrême pauvreté, du manque d’accès à une éducation de qualité, aux soins de santé, l’insécurité alimentaire qui frappe des foyers, la difficulté pour l’Etat malien d’exercer la plénitude de sa souveraineté sur toute l’étendue du territoire, etc.
En clair, explique Etienne Fakaba, le sacrifice du 26 mars nous impose de faire face à ces multiples défis. “On ne peut pas se satisfaire du bilan actuel en sachant qu’une personne meurt chaque jour du fait de l’insécurité alimentaire. Et que 100 000 jeunes sortent chaque année de nos grandes écoles et se retrouvent dans la rue sans emploi, etc.”, dénonce Dr. Sissoko qui s’insurge que depuis mars 1991, les indices de développement ne soient pas favorables au Mali.
Pour preuve, il s’appuie sur le classement de l’Indice de développement humain (DH) du PNUD en 1990-1991 qui classait le Mali 174e pays le plus pauvre au monde sur 177 pays classés. “Le drame est que la situation s’est empirée”, constate-t-il, car en 2011, le même classement donne le Mali 175e pays le plus pauvre sur 177. Economiste de formation, Etienne Fakaba rappelle que ce classement prend en compte les secteurs sociaux de base (éducation, santé, sécurité alimentaire, etc.) Bref pour lui, cet indice s’appuie sur des indications sur le niveau de vie de la population. “Les chiffres parlent et prouvent que nos conditions n’ont pas changé du tout”, constate-t-il.
Selon le commissaire aux relations extérieures de la jeunesse Sadi, cet anniversaire du 26 mars doit donc être l’occasion d’une remise en question à partir d’un certain nombre de constats d’échec. Ce constat, précise-t-il, est établi après les menaces sur les libertés, l’amplification du phénomène de la corruption avec de nouveaux milliardaires nés sous la démocratie.
“Il est inadmissible que c’est sous la démocratie qu’il y ait de nouveaux riches, et paradoxalement plus de pauvres. Ceci pose véritablement la problématique de la gouvernance économique dans notre pays et la répartition équitable des ressources nationales. La croissance économiques sont là, mais les Maliens sont de plus en plus pauvres… Quel paradoxe !”, s’exclame Dr. Sissoko, qui renchérit que l’un des principes essentiels de la démocratie demeure la bonne gouvernance.
“Malheureusement, le Mali est loin d’être un champion”, tranche Etienne Fakaba, interpelle le régime actuel face à la nécessité de mettre l’accent la lutte contre l’impunité, et d’accroitre le développement humain durable à travers les secteurs prioritaires tels l’éducation, la santé, la sécurité alimentaire, etc.
Tony Camara