Une fois l’an, en l’espace d’une journée ou d’une semaine, la communauté internationale consent à célébrer la presse. A l’occasion de cette journée pompeusement baptisée Journée Mondiale de la Liberté de la Presse, les organisations professionnelles de la presse et, en général, quelques associations de défense des droits de l’Homme descendent dans l’arène pour organiser conférences, concours, assemblées, soirées mondaines… Bref, toutes activités qui visent à rappeler à ceux d’en face qu’il y a un 4ème pouvoir et que celui-ci était plus que jamais déterminé à le rester. L’édition 2016 que nous vivons toujours au Mali puisqu’ayant été déclinée en Semaine Nationale de la Liberté de la Presse (SNLP), ne déroge pas aux précédentes. La Presse est d’autant plus fondée à faire son show annuel que le thème de la présente célébration l’y incite fortement : « Accès à l’information et aux libertés fondamentales – C’est votre droit ! ». Selon la petite histoire, le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la vingt-sixième session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991. Pour nous africains, on retiendra que cette Journée est la réponse à l’appel de journalistes africains qui, en 1991, ont proclamé la Déclaration de Windhoek sur le pluralisme et l’indépendance des médias. Au-delà de l’évènementiel, quel est le but de cette célébration ? Selon l’UNESCO, la Journée mondiale de la liberté de la presse «permet de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, d’évaluer la liberté de la presse à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession ». Quelle belle profession de foi qui tranche outrageusement avec le vécu de la profession et de ses acteurs dont, en Afrique, plusieurs sont réduits à une quasi indigence qui les pousse dans les bras des pouvoirs politiques et d’argent. Maigre consolation, à l’occasion de la JMLP, l’UNESCO et le Gouvernement de la Finlande remettent un prestigieux Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano à une consœur ou à un confrère. Cette année, ce prix doté d’un montant de 25.000 dollars, va à la journaliste azerbaïdjanaise Khadija Ismayilova, journaliste indépendante et collaboratrice au service azerbaïdjanais de Radio Free Europe. Elle est détenue dans son pays et purge une peine de sept ans et demi de prison pour abus de pouvoir et évasion fiscale. Là aussi, il faut rappeler que le Prix a été créé en l’honneur de Guillermo Cano Isaza, journaliste colombien assassiné à l’entrée des bureaux du journal, El Espectador, à Bogotá, le 17 décembre 1986. Il est financé par la Fondation Cano (Colombie) et la Fondation Helsingin Sanomat (Finlande). Selon le Secrétaire Général des Nations Unies, M. Ban ki-moon, « Au cours de la décennie écoulée, plus de 600 journalistes ont été tués – dont au moins 120 – au cours de l’année écoulée. Des centaines d’autres ont été emprisonnés. Les dangers ne sont pas seulement physiques : qu’il s’agisse de cyberattaques ou de tentatives d’intimidation, les puissants ne reculent devant rien pour empêcher les médias de révéler leurs méfaits au grand jour ». Sur tous les continents, il y a manifestement un recul notoire de la liberté de la Presse. Reporters Sans Frontières (RSF) et de nombreuses autres associations ont beau alerter, condamner et crier, mais rien n’y fait. Les prédateurs sont à l’œuvre et instrumentalisent toutes les causes, dont la lutte contre le terrorisme, pour sévir et pour mettre la presse sous coupe réglée. Sur le continent, les restrictions et violations massives de la Liberté de la presse sont, ces dernières années, le fait de Chefs d’Etat qui aspirent à se maintenir indéfiniment au pouvoir. Ceux-là tripatouillent les Constitutions et utilisent tous les artifices possibles pour assouvir leur funeste dessein. Et gare aux journalistes prompts à dénoncer leurs projets ! Pour terminer cette chronique, je me suis amusé à ressortir le dernier classement mondial de Reporters Sans Frontières pour notre sous-région. Sans verser dans le catastrophisme, ils sont peu glorieux même si certains pays ont fait des efforts notables :
Ghana (26ème), Cap-Vert (32ème), Burkina Faso (42ème), Niger ( 52ème), Sénégal (65ème), Bénin (78ème), Sierra Leone (83ème), Côte d’Ivoire (86ème), Togo (88ème), Liberia (93ème), Guinée (108ème), Nigeria (116ème), Mali (122ème), Gambie (145ème). Comme l’année dernière, la dernière de la classe mondiale reste africaine, l’Erythrée, qui est scotchée au 180ème rang sur 180.
Serge Di Meridio