…Ce que «Jeune Afrique» a écrit

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Bamako, un quartier de Hamdallaye, le 12 juillet, à 21 heures. Le doyen des journalistes maliens, Saouti Haïdara, 62 ans, directeur de la publication du quotidien L’Indépendant, vient de boucler son journal. Il quitte son bureau et s’apprête à monter dans son véhicule. Trois hommes armés, cagoulés, habillés en civil mais portant des rangers lui intiment l’ordre de les suivre. Le journaliste refuse et exige de voir leur mandat. Ils commencent à le malmener. Des jeunes du quartier tentent de venir à son secours. Peine perdue.

D’autres molosses arrivent à bord de deux véhicules tout-terrain. L’un d’eux arrose d’une rafale de kalachnikov la façade de l’immeuble du journal. Nous sommes à quelques encablures du camp de Djicoroni, où se sont déroulés les combats fratricides entre bérets rouges et bérets verts, le 1er mai. Haïdara est embarqué dans un 4×4. Son fils, présent sur les lieux, tente de suivre le convoi des assaillants. En vain. Il perd leur trace sur la route de l’aéroport.

La suite est rapportée par le patron de presse : “Ils m’ont mis un sac sur la tête puis roué de coups dans la voiture. Une fois sortis de la ville, ils m’ont descendu sans ménagement du véhicule et jeté à terre en m’assénant des coups de pied et de crosse de fusil. Je les suppliais d’épargner ma vie. Ils continuaient à frapper. Quand ils m’ont menacé de revenir si je portais plainte, j’ai compris qu’ils me laissaient la vie sauve“. Saouti Haïdara s’en sort avec une fracture à l’avant-bras, quelques côtes fêlées et une dizaine de points de suture.

Le lendemain, la télévision publique diffuse des images du supplicié sur son lit d’hôpital, le gouvernement condamne, la sécurité d’État assure que l’agression ne restera pas impunie. Son directeur général, le lieutenant-colonel Sidi Alassan Touré, diligente une enquête. Cela ne calme pas la profession.

Le 17 juillet, Bamako vit son premier  jour sans presse depuis le coup d’État. Un imposant cortège de journalistes, d’artistes et d’homme politiques se dirige vers la primature. Arrivés sur place, ils font face à des grilles fermées et à un imposant dispositif des forces de sécurité. “C’est une marche pacifique que vous empêchez, où  étiez-vous quand DioncoundaTraoré a été agressé  au palais de Koulouba ?” crient les manifestants

Pendant ce temps, le Premier ministre poursuit sa visite des capitales qui l’a mené successivement à Niamey, Dakar, Paris et Ouagadougou. Une tournée d’explication. Après le sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique d l’Ouest (Cedeao) les 6 et 7 juillet, Cheick Modibo Diarra a annoncé le lancement “d’une large concertation” pour constituer le gouvernement d’union nationale demandé par les pays voisins avant le 31 juillet.

Mais à Bamako, les uns refusent que les partis politiques “complices d’ATT” soient associés à la gestion des affaires publiques, les autres exigent le départ du Premier ministre. “Pas question ! réplique l’intéressé. Je ne lâcherai pas. Ni l’hostilité de la presse ni l’animosité de la classe politique ne me feront reculer. Je ne partirai pas“. Méthode Coué ou volonté farouche de poursuivre une laborieuse remise sur les rails d’un pays au bord du gouffre?

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