Belco Tamboura, Directeur de publication de «l’Observateur» : «J’ai été le premier journaliste malien emprisonné début 1991»

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Belco Tamboura est un grand de la presse, qui a débuté depuis le régime dictatorial. Il connaît donc très bien le milieu, pour être, depuis seize ans, le Directeur de  publication du bi-hebdo L”Observateur.  Aimable et très courtois, cet humaniste a été le premier journaliste emprisonné de l’ère néo-démocratique au Mali, en 1991,  à une époque où ce n”était pas du tout facile d”exercer ce métier. Cela ne l”a pas découragé. C’est pour cela qu”il condamne sans appel l”arrestation arbitraire récente de cinq de nos confrères. Belco a bien voulu recevoir Bamako Hebdo à son bureau, à Hamdallaye.rn

Peulh, originaire de  Konsa, dans la région de Mopti où le brassage culturel est une réalité, Belco Tamboura est un enfant de l’immédiate après-indépendance, ce qui fait de lui aujourd”hui un adulte de 47 ans.

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Il a commencé son cursus scolaire à l”école de son village natal, avant d’intégrer l’école fondamentale de Konnan puis d”être orienté à Bamako après le Diplôme d”études fondamentales. Il est ensuite retourné au lycée moderne de Sévaré, où il a décroché le bac, série Philo Langues, ce qui le conduira à l”Ecole Nationale d”Administration (ENA) en 1981, section Droit Public.

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Quatre ans plus tard, il obtient sa maîtrise en droit et embrasse une carrière de journaliste qui l”a mené tout d’abord à l”université de Montréal, dont il  est diplômé en journalisme. Cet amour pour la communication remonte à loin, en témoigne le sujet de son mémoire à l”ENA: "L”état de démocratie nationale: sur l”application au Mali ".

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A l’époque, le débat politique battait son plein au Mali et la lutte pour l’avènement de la démocratie amorçait son dernier virage. Cela a coïncidé avec la naissance de la presse privée. "Je me suis dit que, peut-être, à travers la presse, j”avais quelque chose à dire aux Maliens" l” rappelle Belco. Ce qui l’a amené à approcher le groupe Aurore.            

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A Aurore, il a d”abord exercé en tant que reporter, pour devenir ensuite rédacteur en chef adjoint, sous le régime du général Moussa Traoré. Il a aussi été, pendant longtemps, correspondant de plusieurs organes de presse internationaux, notamment la BBC et la lettre Afrique Extension du groupe Moniteur. A partir de 1991, il sera correspondant de Reporter sans frontières au Mali. L”homme a beaucoup évolué dans le mouvement associatif de la presse privée, de sa création, c”est à dire après les évènements de mars 1991, à nos jours.

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Belco Tamboura est marié depuis 1999 et père de deux jolis enfants, une fille et un garçon, qu’il adore. Belco possède de multiples surnoms, puisqu”il en a un selon chacun de ses domaines d’activité, les situations, les occasions et selon les rapports qu’il entretient avec l’interlocuteur, mais le plus populaire est «Tambour battant», en tout cas dans le domaine journalistique.

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En tant que professionnel, Belco estime que le paysage médiatique d’aujourd”hui n”inspire pas très confiance en l”avenir des médias, essentiellement la presse privée, au Mali.. " Comme vous l’avez constaté, il y a une floraison de textes. Quelque part je suis aussi un peu déçu de la quantité des titres, qui n”est pas toujours synonyme de qualité. Je pense que les Maliens n”ont pas besoin d”autant de titres dans le cadre de la presse privée, franchement.

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Par contre, il n”y aura jamais trop de radios, mais il faut des radios sérieuses. Chacun est dans son petit coin. Nous parlons tous au même titre, ce qui fais que je suis sceptique quant à un regroupement de certains titres un jour"  affirme-t-il. Pour ce qui est de la presse publique, aux dires de l”homme, c”est la loi créant ses structures qui leur assigne leurs missions.

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S”agissant de l”arrestation arbitraire des confrères dans l”affaire dite de " La maîtresse du président " l”opinion du Dirpub de L”Observateur est que, sous aucun prétexte, des journalistes ne doivent être placés ni sous mandat de dépôt ni en détention préventive pour des prétendus besoins de l”enquête, comme s”ils étaient des délinquants.

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Il a son opinion personnelle sur l”article lui-même, sur le journal qui l”a publié, mais «je dis que l”emprisonnement n”est certainement pas la meilleure approche». En plus de cela, ajoute-t-il «celui qui a été embarrassé, ce n”est pas nous les journalistes, c”est le Président de la République lui-même, en l’occurrence ATT, que s’est retrouvé dans une supposée affaire de mœurs qui ne le concernait pas. Il a peut être été mal conseillé.

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En tout cas, ceux qui ont tiré l”affaire jusqu”à ce niveau ont desservi la personne de ATT, l”image du Mali et l”image de la démocratie malienne. Car, ne l”oublions pas, si aujourd”hui nous faisons objet d’autant d”attention, d’autant de considération, d’autant de respect pour un pays pauvre comme le nôtre, c’est grâce à l’avènement de la démocratie. Donc, par conséquent , cet incident ne fait pas honneur à notre combat collectif»

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En fait, l”homme estime que cette histoire a représenté une entrave majeure à l”exercice de la liberté de la presse au Mali. Par ailleurs, l”ASSEP, selon l’analyse de Tambour battant, a connu scs derniers temps quelques soubresauts dûs à de petits malentendus.

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Si les problèmes étaient restés au niveau de l”ASSEP, elle aurait pu trouver une solution à l’interne, dit-il. "Mon plus grand regret est que la situation s”est répercutée sur l”ensemble des structures de la presse et celles en charge de la presse. C”est pourquoi l”ensemble de la presse a ressenti le coup, parce qu”il s”agit quand même des acteurs de la presse. C”est malheureux. Jusqu”au jour d”aujourd”hui, le feu n’est pas définitivement éteint et la plaie s’est refermée sur le pus. Je crains que ça ne redémarre".

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Ainsi, l”ASSEP est aujourd”hui divisée autour de deux bureaux, celui de Belco Tamboura d”un côté et de l”autre celui de Sambi Touré Dirpub de Info-Matin.

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La plus grande satisfaction de Belco, en temps que pionner de la presse privée malienne, est de voir ces nombreux jeunes de toutes catégories sociales, de toutes origines et de toutes spécialités venus à la presse: «cela démontre tout l”intérêt de la communication. Certes, il y a eu beaucoup de choses et il reste beaucoup de choses à faire pour cette immense masse de jeunes, surtout dans le cadre de la formation». 

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Des déceptions, oui, comme dans tout autre profession, il y a des hauts et des bas. Dans l”exercice du métier "on a quelquefois le sentiment de n”avoir pas été compris et ça m”est arrivé souvent, mais pas au point de me décourager" propos de Belco.

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L”homme ne milite dans aucun parti politique, pour mieux faire exercer son métier de journalisme, qui n”autorise pas cela, même s’il a été approché plusieurs fois par les hommes politiques. "Aussi longtemps que j”exercerai ce métier, je ne ferai pas de politique. Le jour où je déciderai d”être militant d”un parti, je cesserai d”être journaliste, car on ne peut pas se prévaloir d”une mission aussi noble et être surpris en flagrant délit de connivence ou bien de compromission avec un homme politique"  a martelé notre interlocuteur. Par contre, la vie associative, Belco Tamboura connaît bien!

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Dans tous les domaines, l”homme a des références, mais le parcours d’hommes comme Me Abdoulaye Wade, bardé de diplômes et politicien émérite,  ou Nelson Mandela force son respect. «Ce sont des gens qui n”ont pas vécu pour rien». Lui aussi ne veut pas vivre pour rien. 

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Ses passe-temps favoris sont surtout la lecture et les causeries entre amis, mais pas dans les grins, qu”il n”aime pas du tout. Son principal défaut c”est sa patience, qui souvent lui porte tort, tandis que sa qualité première est qu”il n”est pas un homme impulsif.

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L”homme garde des terrains de reportage un souvenir vivace. En 1991, alors jeune reporter, Belco était le plus présent sur le terrain avec feu  Adama Traoré des Echos, avec tous les risques que cela pouvait comporter à l’époque.

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Pour la petite histoire, un jour il a eu la malchance de tomber, d”être repéré, intercepté et jeté en prison. Ce qui fait de lui le premier journaliste malien emprisonné à l’aube de l’ère démocratique. Il était suivi à chaque reportage par les agents de la sécurité d”Etat et fut même une fois laissé pour mort.

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Fatoumata Mah THIAM DOUMBIA

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