La Fondation Friedrich-Ebert-Stiftung a présenté le rapport du Baromètre des Médias africains (BMA) dont l’édition 2021 a été consacrée au Mali. De l’analyse des experts qui ont contribué à l’élaboration du rapport, il ressort que les acteurs se démènent beaucoup dans un environnement quelques fois hostile. Ce qui sous-entend que les hommes de la plume, du micro et de la caméra s’efforcent à exercer leur métier.
C’est à Ségou que les analystes, composés d’experts du secteur des médias et de la société civile, se sont réunis du 14 au 16 mai 2021 pour évaluer les médias nationaux ainsi que l’environnement dans lequel ils évoluent. Leur travail a concerné 4 secteurs du paysage médiatique malien que sont : la liberté d’expression, le paysage médiatique, la réglementation sur la diffusion et l’application des normes professionnelles.
Evoquant la liberté d’expression, le rapport indique que son exercice demeure relatif et diffère selon les régions du pays et qu’il est plus facile d’exercer la liberté d’expression dans les grandes villes que dans les petites villes ou dans les zones rurales pour diverses raisons notamment sécuritaires. « Depuis 2012, le Mali est en proie à des agitations des groupes terroristes à partir du nord du pays. La dégradation de la situation sécuritaire qui impacte tous les niveaux de la vie nationale provoque un climat d’autocensure : notamment chez les professionnels des médias surtout à l’intérieur du pays. Les radios locales dans les zones allant de Ségou (centre) jusqu’au grand Nord font très attention aux termes utilisés ou refusent systématiquement certaines émissions, de peur d’être pris à partie ou de voir leurs installations attaquées. On note parfois des enlèvements de journalistes qui sont souvent libérés après des tractations secrètes avec la sécurité d’état. Les menaces et pressions sur les journalistes et les médias ne viennent pas que des acteurs étatiques. Les personnes citées dans des articles d’investigation usent parfois des méthodes spécieuses pour intimider les journalistes », peut-on lire.
En ce qui concerne le paysage médiatique, il reste spacieux et quelques fois muselé malgré la garantie de la liberté d’expression par la constitution et protégée par d’autres lois ainsi que le nombre officiel, à la limite, pléthorique de 107 radios commerciales, 222 radios non commerciales, 25 télévisions commerciales et 5 télévisions non commerciales. « Rarement l’Etat restreint l’accès aux médias nationaux et internationaux. Mais il arrive que lors des manifestations ou des élections, l’accès aux réseaux sociaux soit dégradé ou bloqué pour empêcher les organisateurs de mobiliser le grand public. L’Agence malienne de Presse et de Publicité (Amap) qui appartient à l’Etat produit cinq journaux dont le quotidien national l’Essor en français. L’indépendance rédactionnelle de l’Amap n’est pas garantie : l’autorité publique nomme les directeurs et contrôle les finances. Cette mainmise donne à l’autorité publique une influence certaine sur le contenu rédactionnel », fait savoir le Baromètre.
En ce qui concerne la réglementation sur la diffusion, le rapport indique que la concurrence est réglementée par une loi de portée générale au Mali. Néanmoins, il soutient que le gouvernement ne promeut pas un paysage médiatique diversifié avec des organes de presse économiquement viables et indépendants. « Le monopole de la publicité de l’État détenu par l’Amap ne profite qu’à quelques organes de presse qui accompagnent la communication officielle. L’aide à la presse est insuffisante, la presse en ligne n’en reçoit pas. Les contrats publicitaires du gouvernement sont attribués de façon à influencer le contenu rédactionnel. Il s’agit de contrats trimestriels pour maintenir la pression maximale sur les médias. Le marché de la publicité n’est pas suffisamment grand pour alimenter la diversité d’organes de presse », argumente-t-il.
En fin, pour ce qui est de l’application des normes professionnelles, de l’avis général des analystes, le niveau de traitement de l’information par les médias au Mali n’est ni exact ou équitable malgré l’existence du code d’éthique, de déontologie et des chartes régulant la profession. Dans une situation de précarité, il ressort que les conditions salariales sont généralement inappropriées et que la convention collective existante est difficilement applicable. « La sécurité des journalistes et des acteurs des médias n’est pas garantie. Les journalistes et autres professionnels des médias sont organisés en syndicats et en associations professionnelles qui défendent leurs intérêts. Toutefois ces groupements corporatifs ne s’engagent pas effectivement pour l’amélioration de la situation matérielle des journalistes, notamment les conditions salariales. Dans un tel contexte, l’intégrité morale reste un défi majeur pour les journalistes et les entreprises de presse qui sont plutôt prédisposés à la corruption, et qui pratiquent l’autocensure pour des raisons socioculturelles, religieuses, familiales, Économiques, sécuritaires et autres. Malgré tout, il y a encore des journalistes », conclut le rapport.
Alassane Cissouma
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