L’assassinat de Claude Verlon et de Gislaine Dupont au nord du Mali a suscité une vive émotion dans le monde. Idem pour la disparition de Birama Touré qui laisse une famille dans l’impossibilité de faire son deuil.
Plusieurs années après l’ouverture des enquêtes, les circonstances et les auteurs de ces forfaits demeurent toujours un mystère et cela malgré la détermination des proches et collègues des victimes. Après l’émoi, il ne reste plus aux proches, parents et collègues de Claude Verlon, Gislaine Dupont et de Birama Touré qu’une longue attente dont seuls les Dieux connaissent la fin si l’on en croit par l’insignifiance des progrès réalisés.
Lumière sera-t-elle faite un jour ?
Au regard du nombre de cadavre de journalistes mis au frais dans les placards, il est plus que probable que ces récentes victimes vont rallonger la liste des âmes dont Norbert Zongo et le journaliste Saoudien froidement assassiné en Turquie pour ne citer que ceux-ci. A cause de l’instrumentalisation des appareils judiciaires et autres collusions d’intérêts, ces nombreuses âmes arrachés à l’affection des leurs, attendrons certainement longtemps avant que justice leur soit rendu. La lenteur des enquêtes et l’ambigüité entretenue par les autorités de la république suscitent des interrogations. La démocratie serait-elle plus sensible aux intérêts inavoués des Etats et puissants au détriment de la protection des droits humains ? La gestion de l’assassinat des deux journalistes Français au nord du Mali et de la disparition du journaliste Malien Birama Touré conjugué aux nombreuses procédures judiciaires pendantes pousse à s’interroger sur la démocratie.
Conçue et présentée comme la barrière entre la population et les abus ainsi que l’arbitraire sous toutes ses formes, la démocratie perpétue aujourd’hui les actes dignes des pires dictatures auxquelles l’on a reproché le silence face aux violations et atteintes graves aux droits de l’homme. La démocratie de nos jours a tendance à s’accommoder des mauvaises pratiques des dictatures en se servant des annonces d’ouverture d’enquêtes et de procédures judiciaires sans fin pour légitimer l’impunité et la protection des intérêts inavoués. Il ne serait pas exagéré de dire que comme sous les dictatures, dans l’ère démocratique, on tue froidement son semblable sans être véritablement inquiété pour les sanctions. La récurrence des peines légères, des procédures judiciaires politisées, des enquêtes approximatives, des libérations en catimini et des ingérences à répétition du sommet de l’Etat dans les affaires judicaires inclinent à penser que la démocratie se nourrit elle aussi de ses fils. Le cumul des affaires pendantes et l’indifférence des instances et autorités face aux violations et aux atteintes graves aux droits fondamentaux de l’Homme rappelle à bien des égards les heures sombres des dictatures féroces qui se sont illustrées par l’impunité et la violation des droits humains. La gestion du flux migratoire et les expulsions dans des conditions humiliantes ainsi que la modestie de l’aide aux réfugiés par les plus vieilles démocraties constituent aujourd’hui cet autre visage de la démocratie dont les « grands » du monde semblent s’accommoder. Au regard de l’ampleur des violations des droits humains sous tous les cieux, on est en droit de se poser des questions sur l’utilité des arsenaux juridiques et de la multitude d’associations de défense des droits et liberté. Face aux crimes les plus odieux « disparition forcée, assassinat ciblé ou de masse… » la communauté internationale se tait derrière des communiqués de condamnations ou gèle des avoirs et les cours et tribunaux nationaux et internationaux tiennent des parodies de procès dont les verdicts sonnent comme des libérations déguisées pour justifier leur existence auprès d’une opinion désabusée et trahie. Au regard du nombre croissant des marches colorées « gilets jaunes, chemise rouge, marche blanche … » des citoyens pour réclamer la justice, il y’a lieu de s’interroger sur le sens de l’état de droit prôné par la démocratie. En attendant que la justice retrouve ses lettres de noblesse, la citation « que l’on soit riche ou pauvre, la justice vous rendra blanc ou noir » une vaine aspiration des peuples opprimés.
Bouba Sankaré