Arrestation de quatre directeurs de journaux : Un poignard dans le dos de la presse

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Jamais au Mali, la presse n’a connu pareille situation ! Quatre (4) directeurs de publication interpellés et aussitôt envoyés en prison. L’émotion était à son comble. Hier vers coups de 19 heures, au tribunal de la commune II, une voiture de police embarque les quatre. Destination : la Maison d’arrêt de Bamako. L’émotion était jusqu’au bord de l’hystérie pour certains qui se demandaient comment est-ce possible, qu’au Mali, les plus hauts responsables d’organe de presse puissent être mis aux arrêt. Entassés, comme dans une boîte à sardines, à l’arrière d’une voiture.

Le moins que l’on puisse affirmer, déjà à cette étape, est que la volonté d’humilier est manifeste. Cueillis, pour la plupart d’entre eux, jusque dans leurs rédactions respectives, ces directeurs de journaux ont été, pendant trois bonnes heures, entendus par le procureur Sombé Théra. Il s’agit de MM. Sambi Touré directeur du quotidien Info-Matin, Alexis Kalambry, directeur du quotidien Les Echos, Biram Fall, directeur du quotidien Le Républicain et enfin Mahamane Hamey Cissé, directeur de l’hebdomadaire Le Scorpion et codirecteur de Le Courrier.

De l’avis de leurs avocats qui étaient présents à l’audition, ils ont été arrêtés dans le cadre des enquêtes en cours sur l’affaire du journaliste Seydian Oumar Diarra dit SOD qui, lui, avait déjà été mis sous mandat de dépôt depuis le 14 juin 2007. Il leur est reproché d’avoir repris, en le publiant dans leurs organes respectifs, l’article de presse incriminé dans le cadre de ladite affaire. Donc, selon toute vraisemblance, nos confrères sont poursuivis, eux aussi, pour «offense au chef de l’Etat».

C’est dire donc que le procureur Théra a considéré le fait de reprendre l’article incriminé comme une défiance à sa personne et à l’Etat qu’il représente en fait.

C’est dire aussi qu’il n’est pas encore au bout de ses peines quand on sait qu’il est fort possible que d’autres organes de presse reprennent le même article. Autrement dit, la liste des victimes est appelée à s’allonger de jour en jour. Et chaque fois, ce sera les plus hauts responsables d’organes qui risquent d’être mis sous les verrous.

Les enseignements d’une cabale

Avec l’interpellation et l’emprisonnement hier de quatre directeurs de publication de journaux bien connus de la place, c’est bien la réputation du Mali, pays pionnier en Afrique en matière de liberté de presse, qui prend un sérieux coup.

Un coup de massue dont elle ne se relèvera de si tôt. Tant il est vrai que ceux qui viennent d’être envoyés en prison ont en commun d’avoir été critique, souvent à tort et souvent à raison la personne du président ATT et son régime. Et pour cause, nous sommes dans un Mali où, aujourd’hui, que ce soit à propos de cette affaire ou d’autres choses, les journalistes maliens ont pris le parti de mener le combat des politiciens en leur lieu et place. Sans qu’on ne le leur demande d’ailleurs. Sauf à continuer à prendre les Maliens pour ce qu’ils ne sont pas, c’est-à-dire des naïfs crédules, tout le monde sait aujourd’hui quel journaliste est de quel bord politique.

Alors, quel sens donner, dans les médias, aux notions républicaines de libertés de presse et d’opinion ? On en est arrivé là, parce que, certainement, aujourd’hui plus qu’hier, la presse malienne est devenue incapable de balayer devant sa propre porte. Alors, encore alors, si tel est le cas, il ne faut pas s’étonner du zèle que la justice met à le faire. Sinon que de séminaires, que de sessions de formation et autres rencontres au cours desquels, le reproche que la presse se faisait à elle-même frisait l’auto-flagélation. Mais, la presse malienne a, malgré tout, une très mauvaise presse. En dépit de sa liberté de ton et de sa précarité devenue chronique. De là dire que c’est la presse malienne qui a, elle-même, jeté aux chiens sa notoriété et sa crédibilité, il n’y a qu’un pas.

Le journalisme est un métier. Et comme tous les métiers, il s’apprend. L’inique fonds commerce à fructifier, dans ce métier fait de rigueur, de responsabilité et de don de soi, c’est la crédibilité. Quand le commun des citoyens doute de ce que dit la presse, fut-elle une presse d’opinion alors, il y a péril en la demeure du journaliste.

Au moins trois des journalistes qui viennent d’être interpellés ne sont pas que des journalistes. Ils sont aussi des responsables d’organisations de journalistes. Que le procureur Théra ne se méprenne point : il a à faire avec des hommes qui ont blanchi sous le harnais. Que la solidarité de l’ensemble de la presse soit mise à l’épreuve, à leur profit, ne serait que justice. Pour d’abord leur parcours et ensuite pour leur notoriété. Alors enfin et vraiment, le procureur n’avait-il pas d’autre choix que de les humilier ainsi? De les arrêter «pour les besoins de l’enquête», comme des malfrats ?

Belco TAMBOURA

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