Ce n’est pas comme ce professeur chinois (de la Chine qui fut jadis celle de Mao-tsé-Toung et des gardes rouges) qui, il y a quelques mois se mit à poil en plein amphithéâtre pour illustrer un cours d’anatomie. On se souvient de la réprobation des propres étudiants de ce monsieur, appartenant pourtant à une génération censée plus libertine, devant l’impudeur se donnant les apparences de la pédagogie. Chez nous, au lycée Nanaïssa Santara, c’est l’Ignorance qui se pare des plumes de la Connaissance, ce qui est plus grave.
Un mauvais sujet
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Si ce professeur (de surcroît censeur) en était un vrai, il n’y aurait pas eu de scandale. Point n’est besoin d’être un spécialiste pour savoir que ce sujet est mauvais. Le texte n’est pas signé, et la faute de français de la dernière phrase montrerait à souhait que l’auteur pourrait n’être que l’examinateur lui-même. En effet, on ne demande pas en mariage la main d’une femme ! On dit : « demander une femme en mariage » ou « demander la main d’une femme ».
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On a été surtout scandalisé par le thème même du texte : un chef d’Etat malien (l’article défini et le nom propre de femme « Dily » suffisent à le montrer) aux mœurs dissolues. Les auteurs du XVIIIe siècles avaient des astuces pour critiquer le roi ou les prélats catholiques sans les nommer : en situant notamment les histoires en Orient, en faisant semblant de critiquer l’Islam là où on visait en réalité le christianisme. C’était notamment la méthode de Voltaire. De toutes les façons, on n’a pas le droit de se transformer en écrivain pour ses seuls élèves et d’ailleurs tous les écrivains n’ont pas l’honneur ou la chance de figurer dans les programmes scolaires.
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Enfin, il est fort possible que ce professeur dit de lettres soit en réalité un socio-anthropologue, un géographe, un angliciste ou un juriste réduit à enseigner et recruté dans cet établissement privé parce qu’il n’y a pas sur le marché de titulaires du diplôme.
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Quand la médiocrité atteint les professeurs
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On déplore, il est vrai, une baisse de niveau grave chez les jeunes, qui s’explique par la perte de prestige de la connaissance, sans valeur à leurs yeux dès qu’elle ne fait pas accéder son détenteur à un poste bien rémunéré. C’est le conseil que feu Jeli Baba (paix à son âme) donna un jour à des élèves de 10e qu’il avait été invité à entretenir de la tradition orale. Ces enfants ne sont pas des enfants de bêtes ! s’étonnait aussi, lors d’une conférence, Victor Sy, professeur de Physique-Chimie et surtout grand combattant de la cause de la dignité nationale. Voire ! Ne sont-ils pas plus intelligents que leurs pères, selon les critères de ces deux personnalités nationales, ces enfants qui s’y connaissent en affaires et qui réparent nos portables et nos téléviseurs ? Il en résulte que le déficit intellectuel qu’on déplore existe principalement en français et en philo, les matières les moins techniques et les moins payantes, conduisant automatiquement à l’enseignement, qui, aujourd’hui, passe pour un sot métier. Depuis bientôt trois décennies, le programme de la principale série littéraire est réduit à sa plus simple expression, de sorte qu’un élève peut y obtenir son baccalauréat avec les notes obtenues en langues vivantes I et II et en philo, c’est-à-dire en étant médiocre, voire nul en français !
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Il faut aussi incriminer le phénomène de la fraude. Autrefois impossible en français, on la rencontre aujourd’hui au lycée parce que les professeurs dictent aux élèves des cours que les élèves apprennent par cœur et récitent en guise de dissertation ! On le sent bien au libellé du sujet de dissertation du professeur Minta, qui semble rédigé de façon à calquer les grands points d’une leçon. C’est transformer l’épreuve de français en épreuve d’histoire-géographie du 2e Cycle . Un sujet de dissertation doit proposer un jugement d’auteur (encore !) sur une œuvre ou un phénomène littéraires. Après celle des élèves, le moment est venu de mettre en cause la formation des professeurs formés après des réformes si laxistes.
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Feinte indignation de la société
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A cette catastrophe vient de s’ajouter le repêchage abusif au baccalauréat, auquel on peut désormais passer avec une moyenne de 8,5 sur 20. Aucun parent d’élève n’a, à l’instar de celui du lycée Nanaïssa Santara, élevé la moindre protestation contre ces diplômes dévalorisés qu’on sert à leurs enfants comme pour se débarrasser d’eux à peu de frais. De même on observe une coupable indulgence à l’endroit de nombreuses écoles privées, riches ou modestes, dont la pratique est loin des normes pédagogiques reconnues. Les cris pour dénoncer la baisse de niveau ou l’indiscipline caractérisée sont-ils alors une feinte pour cacher une indifférence réelle ? Ce serait grave.
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Ibrahima KOÏTA
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