La décision du procureur Sombé THERA de faire écrouer notre confrère Seydina Oumar DIARRA en écartant l”application de la loi sur la presse nous mène tout droit à l”arbitraire tous azimuts. SOD, qui a été incarcéré, il y a tout juste une semaine, l”a été sur la base d”un délit politique, à savoir l”offense au chef de l”Etat.
En tout cas, il l”est ainsi dans toutes les démocraties civilisées. Comme pour dire que le second mandat du président ATT à la tête du pays débute avec l”envoi dans les geôles du régime d”un journaliste pour des raisons politiques.
Depuis plus de dix ans, soit depuis l”instauration de la démocratie multipartisane dans notre pays, c”est pour la première fois qu”un journaliste, dans le cadre de l”exercice de son travail, passe près de sept jours en prison. Une telle dérive autoritaire, qui se réalise sur fond d”habillage juridique, frappe en réalité un journaliste dans l”exercice de sa profession, lequel homme de presse, loin d”être inculpé sur la base de la loi spéciale qui régit la matière, l”est plutôt à partir du droit commun.
Pourtant, point de doute là-dessus, dans la citation directe qui a été adressée au journaliste, en détention préventive, qui l”invite à comparaître à l”audience du 26 juin prochain, date du procès, le procureur a bien spécifié qu”il s”agit " des écrits et imprimés vendus ou mis en vente ou exposés dans les lieux publics par le moyen du journal " Info-Matin " n° 2182 du 1er juin 2007 aux pages I et IV sous le titre " La Maîtresse du président de la république ". C”est partant de ce constat que le parquet, en l”espèce, a instruit le dossier par l”offense à la personne du chef de l”Etat.
Choix procédural controversé
L”article 147 du code pénal visé par le procureur Sombé qui fixe le chef d”inculpation, était le seul moyen, en sa possession, d”envoyer le journaliste et l”enseignant en prison. Ça, il l”a fait en prenant royalement ses libertés par rapport à l”application de la loi sur la presse qui prévoit, en République du Mali, la même infraction. Pourquoi alors manifestement le procureur s”est-il écarté de cette procédure judiciaire qui lui donnait d”ailleurs une certaine liberté d”appréciation ?
L”amalgame dans ce dossier est patent : la preuve est produite par le procureur lui-même que la matière visée dans ce dossier est bien celle de la presse : " écrits et imprimés vendus ou mis en vente ou exposés dans les lieux publics par le moyen du journal " Info-Matin ". Voilà, c”est bien clair que l”affaire concerne bel et bien la presse.
Le procureur le sait d”autant plus que dans la même citation, la mention est faite à la profession " journaliste " du prévenu qui est expressément notée. Dans ces conditions, on le voit, l”application de la loi spéciale sur la presse aurait donné à ce procureur plus de capacité d”appréciation pour l”instruction judiciaire de ce dossier. Il s”en est détourné pour s”engouffrer dans une disposition contraignante (la loi pénale est d”interprétation restrictive) ; c”est-à-dire le droit commun, pour la bonne raison que c”est à travers celle-là seulement qu”il pouvait arrêter et emprisonner le journaliste et l”enseignant, tous deux impliqués dans une bien banale affaire partie d”un sujet de composition donné à des élèves de 10ème lettres dans un lycée privé et qui a provoqué l”ire d”un chef de famille, lequel est accouru à Bamako, retrouver le siège du journal Info-Matin, pour se plaindre du contenu controversé du sujet soumis à l”examen des adolescents.
La volonté d”emprisonner le journaliste est réelle dans ce dossier d”instruction judiciaire au seul constat de l”application du code pénal qui, lui, contrairement à la loi spéciale sur la presse, permet au procureur d”aller dans une telle extrémité jusqu”à priver deux chefs de famille de leur liberté, lesquels passent, depuis près d”une semaine, leurs nuits en prison pour un délit qui ne peut être catalogué, dans une démocratie digne de ce nom, comme un délit politique.
Manifestement, il est reproché aux deux prévenus un crime de lèse-majesté. D”où la logique d”écarter l”application de la loi sur la presse dans une matière qui ne relève que de la presse et dont l”un des prévenus est de surcroît de ce monde de la presse.
Où est l”offense ?
Du point de vue de droit, on retient que le délit d”offense au chef de l”Etat, qui n”est ni plus ni moins qu”un délit politique, s”opère lorsque certaines conditions sont réunies : l”offense, en tout état de cause, doit être publique et directe. Le procureur ne se trompera pas sur ce terrain. Il a pris la précaution de convoquer le journaliste emprisonné à comparaître et se trouver le 26 juin prochain et jours suivants, s”il y a lieu, à l”audience et devant le tribunal correctionnel de la commune III de Bamako séant au Palais de la justice de ladite commune pour y être jugé, conformément à la loi.
Selon les propres observations du procureur Sombé THERA, le journaliste sera jugé comme prévenu pour avoir à Bamako, courant juin 2007, en tout cas depuis le temps non couvert par la prescription, par " des écrits et imprimés vendus ou mis en vente ou exposés dans les lieux publics par le moyen du journal " Info-Matin "n° 2182 du 1er juin 2007 aux pages I et IV sous le titre " La maîtresse du président de la république ", a offensé la personne du chef de l”Etat ".
L”incarcération de notre confrère SOD, comme cela a été déjà dit, est intervenue au moment où tous les professionnels des médias ont reconnu l”absence de faute professionnelle ni légale dans le traitement de l”article incriminé.
Là où le bât blesse, c”est le caractère direct de l”offense qui ne ressort ni dans le sujet de dissertation proposé par l”enseignant à ses élèves, ni dans l”articlé écrit du journaliste. Dans ce dossier judiciaire, aucune allusion directe n”a jamais été faite à un quelconque chef de l”Etat, encore moins au président en exercice du Mali. D”ailleurs, pour le cas qui nous concerne, comme on l”a déjà évoqué, il est également constant, que le procureur, qui a poursuivi le journaliste, s”est lui-même abstenu de faire allusion au chef d”Etat actuel du Mali.
De quel chef d”Etat s”agit-il dans la citation du procureur Sombé THERA envoyée à SOD pour comparaître à l”audience du 26 juin prochain ? Il ne le dit pas expressément, jetant tout le monde, y compris les deux personnes emprisonnées, dans la pure confusion. Comme si une procédure judiciaire digne de ce nom devait se contenter d”une telle imprécision sur le fond même de l”affaire. Cela est d”autant plus intéressant à faire souligner aujourd”hui, à ce stade de la procédure judiciaire, qu”on ne connaît pas exactement le vrai plaignant dans cette affaire.
Quel est le chef d”Etat qui s”est véritablement senti offensé par le sujet du professeur de littérature et l”article de notre confrère SOD ? On le voit, les malentendus qui entourent ce dossier, loin de se dissiper, ne font que créditer davantage la thèse l”emprisonnement politique dans cette affaire.
Par Sékouba SAMAKE
Info-Matin ne capitulera pas
Les intimidations, agressions et violences faites sur la personne des journalistes ayant montré leurs limites face à la détermination de la presse à défendre son droit quel que soit le prix à payer, l”heure est donc venue au Mali, depuis le jeudi 14 juin dernier, de passer à la phase opérationnelle du processus de liquidation des libertés individuelles et collectives. La preuve est administrée par l”embastillement d”un confrère du journal Info-Matin, Seydina Oumar DIARRA-SOD. Une manière d”intimider ou de taire à jamais le Quotidien des sans voix ? Si tel est le résultat escompté, le régime se goure parce que les hommes et les femmes qui animent ce journal ne se laisseront ni ébranler ni intimider encore moins n”accepteront de s”aplatir devant qui que ce.
" Je me réjouis que sous mon mandat il n”y a jamais eu de journalistes incarcérés dans une prison ". Voila en substance en quels termes le régime actuel s”était glorifié en son temps pour manifester son attachement à la liberté d”expression et de presse garantie par la loi fondamentale de notre pays, la Constitution.
Le changement de cap
Qu”est-ce qui a changé entre ce jour et celui de l”arrestation de notre confrère qui a ainsi vu le régime en place d”enfiler son costume de régime policier où toutes les contradictions à la vision du Prince du jour sont interprétées comme des crimes de lèse-majesté autrement dit des offenses à Président. En tout cas, de sources proches de certaines éminences grises depuis la hauteur de Koulouba que le temps de " Info-Matin " est désormais compté. " Laissez -les dire tout ce qu”ils veulent. Après l”investiture du Président de la République, on va nous occuper personnellement d”eux. Et désormais ils vont bien se tenir sur le fil du rasoir comme une aiguille ". Telle est ainsi résumée la nouvelle résolution adoptée par les courtisans du régime. D”où justement la mise en branle du plan de liquidation du journal Info-Matin concocté et mis en œuvre à travers l”instrumentalisation du pouvoir judicaire.
C”est dans cette logique que se situe l”arrestation de notre confrère, Seydina Oumar DIARRA, suite à un article portant sur un sujet de fiction, donc tombant sous le coup de la loi sur la presse et de délits de presse, mais inculpé et incarcéré par le procureur de la commune III sur la base de l”article 147 du code pénal pour offense à la personne du chef de l”Etat. Une manière délibérée du régime de traîner dans la boue l”honneur et la dignité de notre confrère pour avoir (ironie du sort) bien fait son travail, selon les règles de l”art. Mais surtout dans le seul dessein de jeter le discrédit sur le journal et l”ensemble des hommes et des femmes qui l”animent. Autant dire comme la Fontaine " Que vous soyez riches ou pauvres, les jugements de la Cour vous rendra noir ou blanc ". Qu”est-ce qui explique cette aversion du régime d”ATT de la contradiction et de la critique ?
La question a toute son importance lorsqu”on sait que selon une certaine conception du pouvoir dans notre pays " être chef, c”est accepter être la place publique que tout le monde ; c”est être le grand arbre sur lequel tous les oiseaux se reposent ; c”est être le grand fleuve où chacun fait sa lessive, c”est être un dépotoir où tout le monde jette ses ordures ". Autant dire qu”un régime qui ne tolère pas une réflexion contraire ne saurait être assimilé qu”à un régime dictatorial dans lequel il sera partout fait obligation d”uniformité de pensée et d”action, un régime où toutes libertés seront étouffées par des brimades, des intimidations. En est-on arrivé à ce stade sous ce régime ATT ? Il ne serait pas exagéré de répondre par l”affirmative au regard du sort réservé à notre confrère pour une affaire aussi banale qui lui a coûté la confiscation de sa liberté.
Le délit d”opiner
Si opiner sur la marche de la société et des maux qui la gangrènent devient sous l”ère d”ATT un crime lèse-majesté et constitue une raison première pour s”attaquer à un journal, à travers un de ses membres, alors nous l”assumons devant le peuple et devant l”histoire. Car, à Info-Matin, nous assumons nos choix éditoriaux et rédactionnels. Mais à aucun moment, nous ne nous sommes jamais donnés comme mission d”abattre, comme ont prétendu les éminences grises du Palais, un régime quelconque et le traîner gratuitement dans la boue.
Nous avons été, nous sommes et resterons critiques envers ceux qui ont en charge notre commune destinée, parce que nous pensons, avec humilité et respect, que le chef, quel que soit son niveau de responsabilité, n”est pas au-dessus de critiques, de conseils et de vérité.
Et comme on ne saurait construire et consolider une nation forte sur du mensonge, nous avons pris le parti de la vérité (quel que soit son goût pour certains) pour apporter notre modeste contribution de journaliste à la construction du Mali démocratique. Cette ligne rédactionnelle ne date pas du régime ATT et il n”y a rien de personnel contre qui que ce soit.
Mais qu”il soit clair que nous n”avons et n”aurons aucune compassion pour tous ceux qui tremblent dans la perspective d”être éclaboussés par un scandale. Nous sommes désolés et au regret de ne pouvoir leur donner un certificat de tranquillité et d”absolution. Info-Matin est un journal d”informations générales, d”analyses, mais aussi et surtout d”investigations. Et il entend le rester quoiqu”il advienne. Car, pour les hommes et les femmes qui animent ce journal, c”est un challenge, un défi constant et sans cesse renouvelé d”honorer ce contrat moral qui les lie aux lecteurs dont la confiance et la fidélité n”ont jamais fait défaut.
Qu”on ne s”y méprenne surtout point, par confusion de genres. Ceux qui pensent et caressent l”espoir secret ou même qui savourent déjà leur victoire au motif que le Quotidien des sans voix, s”affaissera, s”aplatira ou se laissera emporter par cette spectaculaire arrestation et cet emprisonnement d”un de ses journalistes, nous leur disons qu”ils ont tout faux. Nous sommes et serons des Maliens qui ne marchanderont pas leurs âmes et convictions. Nous sommes et serons de cette race de journalistes qui ne négocient point leurs honneurs et leurs dignités. Et nous ne nous laisserons jamais intimider par les pressions et chantages.
Par Mohamed D. DIAWARA
Quand chasse aux journalistes remplace lutte anti-corruption
Ayant lamentablement échoué dans sa mission de poursuivre les délinquants financiers et économiques qui gangrènent l”économie nationale, le juge anti-corruption de la commune III, Sombé THERA, cible désormais les journalistes qui sont ainsi traqués pour des peccadilles . Pour avoir défendu les respect des mœurs à l”école dans un article intitulé : " Lycée Nanaïssa SANTARA : la maîtresse du président de la République ", notre confrère Seydina Oumar DIARRA se retrouve, depuis jeudi dernier, à la maison centrale d”arrêt de Bamako pour " offense au chef de l”Etat ".
Une semaine seulement après son investiture, pour un second et dernier mandat à la tête de l”Etat, le président de la République, Amadou Toumani TOURE, inscrit à son actif un fait d”arme peu glorieux, à savoir l”emprisonnement d”un journaliste qui n”a fait que son devoir d”informer l”opinion. Cet acte d”emprisonnement de journaliste, qualifié de dérive totalitaire ou du moins figurant parmi ses signes avant-coureurs, sous d”autres cieux, est aujourd”hui une victoire pour un juge anti-corruption d”un pays, pourtant fièrement présenté par ses dirigeants comme un exemple de démocratie à travers le monde.
Ce qui est arrivé à notre confrère Seydina Oumar DIARRA dit SOD est assimilable à une dérive totalitaire digne d”un régime autocratique et dictatorial d”autant que la charge qui a été retenue contre le journaliste n”est autre que le délit d”offense au chef de l”Etat, une infraction purement rangée dans les placards judiciaires en ces temps modernes et qui était jadis cataloguée comme crime de lèse-majesté dont on répondait à l”époque même si on n”était pas d”accord avec le roi. Dans la République donc il n y a de crime de lèse-majesté.
Ce qui est encore grave dans ce dossier, c”est le journaliste qui a été embastillé sur la base du code pénal et non à partir de la loi spéciale régissant la presse. Quel amalgame pour ces professionnels du droit ! Champion dans la ratification des conventions internationales sur les Droits de l”Homme, et prompt à vanter la gloire, aujourd”hui usurpée, d”une image démocratique moderne, notre pays, qui dispose d”une loi sur la presse, vient de prendre un coup sérieux quant à sa respectabilité par un tel amalgame judiciaire qui ne vise qu”à faire taire un journaliste. En toute démocratie, soucieuse de la dignité humaine, l”application d”une loi spéciale est privilégiée par rapport au droit commun quand il s”agit d”une faute professionnelle, même supposée.
Unique dans son genre, depuis l”avènement du processus démocratique au Mali, cette forme d”embastillement de journaliste, aux relents de règlement de compte policier, sous habillage juridique, donne matière à réfléchir sur l”avenir de la presse dans notre pays. C”est suite à une simple convocation de la gendarmerie, dont l”objet n”était pas précisé, que le confrère Seydina Oumar DIARRA a été conduit au parquet, jeudi dernier, où il a été soumis à plus de trois heures d”interrogation avant d”être placé par la suite sous mandat de dépôt à la maison centrale d”arrêt de Bamako par le procureur Sombé THERRA.
Le mystère ne manque pas autour de ce dossier. Et pour cause. Après cinq jours de détention, l”on ignore encore qui est derrière cette interpellation du journaliste et ce qui est reproché réellement à l”article de SOD. Tout cela se déroule au moment où les professionnels de médias, à l”unanimité, reconnaissent que le journaliste embastillé n”a commis ni faute professionnelle ni faute légale dans son article qui a été du reste travaillé dans les règles de l”art.
Par ailleurs, la présence d”un juge anti-corruption sur le terrain de la liberté de la presse suscite aujourd”hui beaucoup de commentaires dans notre pays et ailleurs. En fait, ce dernier est beaucoup plus attendu sur le terrain de la criminalité économique où les dénonciations ne manquent pas dans cette même presse et sur lesquelles c”est le silence tombal qui est entretenu. Au grand dam de l”intérêt public. Le juge anti-corruption a-t-il échoué dans sa mission de poursuite des délinquants financiers ? L”emprisonnement du journaliste, dans ce contexte, peut être une manière bien singulière de camoufler cet échec afin de rester dans les bonnes grâces du prince du jour.
Par Sidi DAO
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