Arrêté arbitrairement par la sécurité d’État le 6 mars dernier puis transféré à la brigade d’investigation judiciaire (BIJ) et à la maison centrale d’arrêt de Bamako, le Directeur de publication du Journal Le Républicain, Boukary Daou, a obtenu une liberté provisoire le 02 avril dernier. Le jugement au fond de l’affaire devrait se dérouler hier 16 avril 2013 mais avant d’entrer proprement au fond débat, les avocats ont évoqué la nullité de la procédure.
Aguibou Sogodogo
Ils ont dit lors de l’audience de Boukary Daou
* Madiambal Diagne, directeur de publication du journal Le Quotidien au Sénégal, membre du forum des éditeurs africains / « Le combat est ailleurs, il faudra qu’on laisse nécessairement les journalistes travailler »
Nous sommes ici au tribunal dans le cadre d’une délégation africaine initiée par l’ONG article 19 (Ndr, de la déclaration universelle des droits de l’homme) basé à Londres spécialisé dans la défense de la liberté d’expression. Nous sommes présent ici à Bamako aux cotés de notre confrère pour apporter notre soutien d’amitié, de confraternité à l’endroit du journaliste Boukary Daou qui fait l’objet de poursuite. Nous sortons de cette audience avec un grand espoir. L’espoir de voir la procédure initiée arbitrairement contre notre confrère annulée parce que nos avocats ont soulevé des exceptions qui montrent l’illégalité de la détention, de la poursuite de nos confrères. Mais le fait que la poursuite avait été initiée aux antipodes des dispositions légales en vigueur en matière de droit de la presse au Mali. Le débat a été intéressant, instructif. Nous avons même pu constater que même le procureur de la République qui a été à l’origine des poursuites semble manquer des arguments devant la pertinence des remarques faites par nos avocats. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré et nous osons espérer que de ce délibéré sortira un verdict d’annulation de la procédure. Nous attendons avec impatience le délibéré. Ces derniers jours, la liberté de presse est fortement menacée au Mali. Les journalistes ont été tabassés surtout le cas de Saouthi qui a fait l’objet d’une violence inacceptable, l’arrestation de Boukary Daou pendant plus de trois semaines sur des bases totalement arbitraires et d’autres journalistes ont été menacés et entendus par les services de sécurité. Nous pensons que ce sont des menaces auxquelles il faut faire face mais aussi nous devons attirer l’attention de l’opinion publique nationale et internationale sur ces menaces qui ne sont pas tolérables. Le Mali n’a pas besoin de cela mais de sérénité, d’unité, de démocratie poursuivie et approfondie. Le Mali a besoin qu’on laisse la presse faire son travail, de relayer une information juste, équitable et véridique. C’est le seul gage pour rassurer les gens et c’est le seul gage pour retourner à la paix. Nous pensons que le combat est ailleurs, il faudra qu’on laisse nécessairement les journalistes travailler et nous sommes là pour çà.
* Fatou Jagne Senghore, représentante de l’ONG article 19 basé à Dakar pour le bureau de l’Afrique de l’Ouest / « Quant on prive quelqu’un de ses droits, il faut des motifs valables. Ces motifs n’ont pas été valables et la procédure a été bâclée »
Nous sommes ici dans le cadre du procès de Boukary Daou pour observer et pour soutenir le journaliste Daou. Nous avons espoir pour le délibéré après avoir écouté l’argumentaire des avocats notamment sur la procédure, le caractère arbitraire même de la détention, le manque de respect de certaines dispositions. Le droit doit être respecté. Le parquet n’a pas pu démontrer vraiment l’acte incriminé avec les détails nécessaires pour priver quelqu’un de sa liberté qui est un droit fondamental. Quand on prive quelqu’un de ses droits, il faut des motifs valables, ces motifs n’ont pas été valables et la procédure a été bâclée. Encore nous avons estimé qu’il y’a eu de l’arbitraire. L’état de droit doit être préservé et donner l’espoir à tous les citoyens maliens de retrouver la démocratie. Nous espérons que cette décision donnera le ton pour le reste surtout que les élections s’approchent. Nous espérons bientôt que la crise va être éradiquée et ça doit l’être aussi sur le fond d’une justice parce que sans justice il n’y’a pas de paix. Quand on cible les communautaires et ceux qui donnent l’information ça pose problème. Donc l’intérêt du public doit toujours primer. Au Mali, les journalistes ont toujours été à l’avant-garde des combats et la preuve aujourd’hui quand le confrère a été malmené, ses droits ont été bafoués, la profession s’est mobilisée. Nous sommes venu du Sénégal avec une délégation ça montre que nous avons confiance à nos collègues parce qu’on sent qu’ils sont mobilisés et ils travaillent malgré la difficulté dans le pays pour que la liberté de la presse qui est le pilier de la protection des droits humains soit respectée. Il y’a des pays dans le monde qui ont fait des progrès en matière de la liberté de la presse mais d’autres traînent toujours. Nous sommes venus aujourd’hui pour le cas du Mali et malgré la difficulté politique la liberté d’expression était quelque chose qu’on avait trouvé ancrée dans le jeu démocratique du Mali et il faut que cette liberté soit préservée. L’information doit être circulée, le besoin de sécurité doit être aussi équilibré pour éviter certaines dérives. Je pense que la liberté d’expression doit primer parce que c’est une liberté fondamentale sans laquelle les citoyens seront ignorants de ce qui se passe dans le pays. Les mesures d’urgences doivent êtres toujours vérifiés et ne doivent pas être abusives. Ça doit être au cas par cas. Même en matière de crise, il faut qu’il y’ait de la diligence, du discernement pour éviter les abus. En matière de crise, c’est toujours dire qu’on ne peut pas donner cette information parce que ça créera le chaos mais souvent c’est en donnant cette information que les populations vont être avisées et ça rendrait beaucoup de service au pays que de cacher cette information qui pourrait être au détriment des populations.
* Birama Fall, directeur de publication du journal Le Prétoire / « Le parquet a voulu résister à un moment donné, il s’est rendu compte qu’il n’était pas dans le bon chemin et il est revenu dans le bon chemin ».
C’est le domaine du droit. C’est ce que nous journalistes avons toujours demandé depuis l’incarcération de Boukary à la sécurité d’État. On n’a jamais demandé à ce qu’il ne soit pas jugé. Nous avons toujours demandé à ce que le dossier soit transmis à la justice parce que nous étions confiants de notre bon droit. On s’est battu ferme, ils ont transmis le dossier à la justice, ils l’ont mis en liberté provisoire et ils ont voulu le juger en catimini sans le citer et nous avons dit non. Les deux chefs d’inculpation qui lui ont été posés ont été faits sur la base de la loi sur le délit de presse. Et dans la loi sur le délit de presse, le prévenu doit être cité 20 jours avant le jour du procès mais malheureusement comme vous avez pu suivre le débat, le procureur n’a pas voulu accéder à cette demande. Donc dès l’entame du procès, on a soulevé l’exception. Avec tous les arguments du droit, nous avons démontré que la procédure était illégale à tous points de vue et qu’il fallait annuler. Le parquet a voulu résister à un moment donné, il s’est rendu compte qu’il n’était pas dans le bon chemin et il est revenu dans le bon chemin. Donc c’est un grand triomphe pour la presse malienne, c’est un grand triomphe pour la consolidation de l’état de droit. On garde plus qu’espoir, on ne demande pas de rectification on demande purement et simplement l’annulation de la procédure prévue le 23 avril prochain. Le délibéré pour le 23 n’était même pas la peine, le président pouvait statuer mais il ne l’a pas fait car il a ses raisons. La presse malienne ne va plus se laisser faire, c’est sur le terrain du droit qu’on va se battre désormais et tous ceux qui ont été victimes d’exactions et de tortures, nous allons prendre des initiatives dans ce sens devant la cour de justice de la Cedeao. Nous sommes en train de mener des enquêtes avec nos avocats qui nous ont défendu brillamment aujourd’hui, et vous allez en entendre parler. Nous gardons plus que l’espoir.
Propos recueillis par Aguibou Sogodogo
Accueil Nation