A Monsieur le rédacteur en chef du journal L’Indicateur du Renouveau

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Je me fais le devoir d’user du droit que me confère la tradition journalistique universelle et les textes réglementaires sur les médias, au  nom de ma communauté et de l’association TEMEDT née du Forum historique de Menaka des 10 et 11 et 12 Août 2006, et avec tout ce que cela inclut pour une rédaction, pour répondre à un papier de Ibrahima Koïta paru dans votre livraison du 24 octobre 2007 et rencontré sur le site maliweb.net. Le Titre de l’article est « Qu’est ce qu’un Tamacheq ?».

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Je n’ai pas l’intention d’entrer dans les débats de maliweb pour des raisons qui me sont personnelles. Etant professionnelle de l’information, j’estime que l’espace qui a été réservé au papier de Ibrahima Koïta dans votre journal suffit à publier ce droit de réponse qui représente pour nous les responsables de la communauté des Kel Tamasheq noirs une réaction pas tout épidermique mais légitime afin d’éclairer certains aspects de notre société que le journaliste semble ne pas maîtriser. Certains mots, lorsqu’on rédige un article, doivent être soupesés, retournés et évalués dans tous les sens pour ne pas heurter les susceptibilités des uns et des autres. Or il me semble que mon confrère Ibrahima Koïta ne s’est pas donné la peine de bien se creuser les méninges pour écrire le passage « président Moussa avait, lors de la sécheresse de 1976, appelé les populations sinistrées du nord à venir s’installer dans la région de Sikasso à condition d’y travailler, c”est-à-dire sans leurs Bellas (esclaves noirs) ».

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A mon avis, Monsieur Koïta ignore certaines vérités historiques et attribue à Moussa des propos qui lui sont totalement étrangers. En 1976, il n’y a pas eu de sécheresse dans notre pays. Au contraire c’était une année faste pour le Sahel avec une pluviométrie abondante. Un tour aux services météo aurait permis à mon confrère d’éviter ces types de bavures intellectuelles. L’autre aspect de ce passage concerne le terme « Bellah ». Monsieur Koïta s’est-il une seule fois interrogé sur ce que cela signifie ? Pour nous la réponse est assurément négative. A moins que notre confrère ne se laisse glisser dans l’erreur qui a conduit les auteurs du Dictionnaire Universel (Nouveaux Horizons) que des Sénégalais et des Français ont rédigé pour l’Afrique, le parent pauvres des théories de la culture. Aussi, faut-il rappeler à Monsieur Koïta que les « Bellah » ne se reconnaissent pas eux-mêmes dans ce terme. Et que si le mot « Bellah » signifie «esclave », comme il le laisse entendre, nous pouvons lui présenter des Bellah qui possèdent leurs esclaves. Comment les appeler alors ? C’est un premier point.

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Nous invitons Monsieur Kôïta à se rendre au Nord et s’enquérir de l’origine de certaines tribus « Bellah » et comment celles-ci ont eu maille à partir avec les populations touaregs après la dislocation du Royaume de Gourziguey. Comment certains villages comme l’actuel Gossi, les plaines des Hamniganda, les mares des Banzena ont eu leur nom actuel. Qu’il demande à des acteurs neutres qui sont les Ikorchatan, les Kel Agaïs, les Iborman, les Kel Témachert, les Iboguilitan et j’en passe. Ainsi seulement il se souviendra pour toujours que n’est pas esclave tout locuteur de la langue Tamasheqt, soit-il noir. C’est le deuxième point.

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Troisièmement : Monsieur Koïta ignore une vérité historique. Nous avons appris qu’un peuple  peut prendre sa culture et adopter celle d’un autre de différentes manières. Le voisinage sur une longue période par exemple, la dépendance économique (je vous serre, pour être plus proche de vous, je m’efforce de vous ressembler jusqu’à perdre ma personnalité et d’identifier à vous). Je n’oublie pas aussi que la domination politico-militaire et une acculturation soigneusement préparée, planifiée et exécutée est susceptible de faire perdre à un peuple son âme. C’est le cas que vit l’Afrique actuelle dont tout est négatif pour nos maîtres blancs qui ont régné sur nous pendant des siècles. En guise de conclusion de cette partie, je dis qu’il existe des Bellah esclave, comme des Bamanan Djon, des Rimaïbé etc. Mais tous ne le sont pas et ont eu à combattre ce que nous craignons aujourd’hui plus qu’une bombe atomique. Vous savez de qui je parle.

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« Si l’indépendance du Mali a été ressentie comme une nouvelle colonisation par les Tamasheqt (aux dires de M Sidi Mohamed Ag Ichrach) ce ne fait sûrement pas le cas chez les Bellah, qui pouvaient espérer un affranchissement réel, n’ayant pas bénéficié du mouvement des villages « Libérté » créés par le colonisateur réel, n’ayant pas voulu, puisqu’ils se prennent pour des « Tamasheqt noirs ». Au risque de me répéter, je dirai encore à mon confrère d’aller demander ce que signifie « Iderfane » ou « Eguéwalane ». Décidement Monsieur Koïta ne parle pas Tamsheqt et ne connaît rien de l’histoire des Kel Tamasheqt Noirs. Autrement il aurait cité Ishalakhan qui a combattit toute sa vie l’armée des Igawadaren, les Touaregs du Gourma pour les contraindre à signer un pacte de paix quelques mois seulement avant la fin de la Grande Guerre. Il aurait cité Baïssa, celui qui a mis fin aux jours du chef des Imghad de Gossi. Il aurait cité Dawa, celui qui s’est nourri pendant un mois des foies des Raguibat lorsqu’il ont fait une excursion dans le Gourma à la recherche d’enfants à voler et à asservir. C’était au début des années 1920. Lorsqu’on ne connaît pas un peuple, la prudence doit être de mise. C’est un conseil de confrère.

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Gamer A. Dicko

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Secrétaire à la communication de Temedt  

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MISE AU POINT

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Je m’excuse de mon ignorance sur les Bellas, dont l’image, que vous confirmez, est celle de braves parmi les braves et de gros travailleurs. Pour moi, ils sont des Tamashek à part entière, comme les Arabes noirs, les Américains noirs, sont des Arabes et des Américains comme les autres. De même, il y a, par le fait du brassage ethnique que vous décrivez si bien, des Soninké bambaras à Ségou, des Peul malinkés au Wassoulou, qui se réclament indifféremment et à juste titre de l’une ou l’autre des deux ethnies. Mon but était d’accuser certains Tamashek de n’avoir pas, par racisme, intégré les Tamashek noirs dans leur rébellion. Je ne me suis sûrement pas trompé sur ce point, et M. Gamer Dicko, secrétaire à la communication de l’association Temedt  (des Tamashek noirs), m’écrit un droit de réponse très critique à l’endroit de ceux que je critique, et dont j’attends, fraternellement, une réponse. Le président Moussa Traoré n’a pas invité les Tamashek à venir s’installer dans la région de Sikasso « à condition de travailler » ? Cela, je le maintiens et vous invite à consulter les archives d’une certaine année de sécheresse 197…, en confessant une erreur possible sur le millésime. Très confraternellement et très fraternellement,

rnIbrahima KOÏTA
26 octobre 2007

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