3 mai 2013 Le grand rendez-vous de la presse malienne

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Les journaleux du Mali se sont  fortement mobilisés le 3 mai dernier, dans les locaux du CICB pour célébrer la journée mondiale de la liberté de la presse. La cérémonie d’ouverture de cette Journée a été présidée par le ministre de la Communication, porte-parole du gofernement, Manga Dembélé. Le discours du Président de la Commission d’organisation Sambi Touré et la réponse du Ministre de Tutelle ont édifié les participants sur les enjeux de la Journée. L’occasion a été aussi belle pour que les hommes et femmes  de médias  célèbrent dans la solennité  les  fondamentaux de la liberté de la presse que la Constitution malienne de 1992 consacre et garantit.

Le thème de la journée international ainsi libellé ” parler sans crainte : assurer la liberté d’expression dans les medias ” a été adapté par les professionnels maliens et décliné en ces termes : ” sécurité des journalistes et des professionnels des médias et  entreprises de presse face  aux défis  nationaux : Quelle presse après la crise “.

Les journaleux dans leur ensemble ont commémoré, ce 3 mai 2013, la 20e Journée internationale de la liberté de la presse. L’organisation de l’événement est le fait de l’Association des éditeurs de presse privée (ASSEP)  l’Union des radios et télévisions libres du Mali (URTEL), et le Groupement patronal de la presse(GROUPE) de concert avec la maison de la presse, l’AMAP et L’ORTM. En plus des journaleux, la journée a mobilisé aussi la société civile, ainsi que, les membres du gofernement et des experts étrangers.

L’objectif visait à mettre en place une plate-forme professionnelle et publique pour favoriser le dialogue et les échanges sur la liberté d’expression et la liberté de la presse en tant que piliers fondamentaux d’une société démocratique. Il s’agissait aussi d’établir un état des lieux de la liberté d’expression au Mali, une année après les événements de mars 2012 et l’envahissement des régions du Nord du pays par des fous de Dieu, des narcotrafiquants et des terroristes. Deux conférenciers ont été choisis pour animer 2 Panels à travers des thèmes plus d’actualité.

Le premier thème : ”Paix, dialogue et réconciliation nationale : rôle de la presse”, a été présenté par le doyen, Tiona Mathieu Koné. Pour lui, l’une des caractéristiques essentielles des populations maliennes est l’attachement au terroir, à la simplicité du mode de vie, à la cadence des  activités pastorales, agricoles, artisanales et commerciales. L’exposant a mis en exergue le caractère du Malien qui, à ses dires, cultive la paix et la tolérance dans son comportement au quotidien, malgré la pauvreté et l’hostilité de la nature. ” Partout, à cause même de la pluviométrie qui rythme l’essentiel des activités dans cet espace soudano-sahélien, avec l’adversité d’une nature peu généreuse, les hommes ont vite appris à cultiver le goût de la mesure, le sens de la solidarité et le respect de la personne humaine “.

Il trouve que de façon cyclique, les 6ème, 7ème  et 8ème  régions sont le théâtre de rebellions,  d’actions meurtrières de groupes armés venus généralement de l’extérieur. ” Chacun des cinq présidents du Mali indépendant, de Modibo Kéita au Pr. Dioncounda Traoré en passant par les généraux Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré et l’historien Alpha Omar Konaré a eu à gérer une rébellion “.

Pour Tiona Mathieu Koné, la présente crise qui a commencé début 2012 a véritablement créé un climat d’insécurité généralisé visant essentiellement la déstabilisation, la partition du pays et la reconversion forcée des citoyens à une pratique religieuse contraire à leur foi sur cette vieille terre d’islam.

De sa communication, on retient que tous les témoignages recueillis sur la présente crise, attestent qu’elle est l’œuvre de groupes armés hétéroclites aux motivations diverses puisque l’on y compte des jihadistes, des narcotrafiquants et beaucoup d’éléments militaires venus de la Libye où le système du colonel Kadhafi venait de s’effondrer sans oublier les nombreux déserteurs de l’armée régulière.

Le doyen Koné est pour une démarche de paix qui, à ses yeux, commence par l’identification sincère des points de rupture qui ont abouti à l’état de belligérance. ” Il nous faut accepter de bien diagnostiquer sans complaisance les causes ou sources des fragilités et de rupture de la concorde, de l’unité nationale “, a-t-il souligné avant d’ajouter que lorsque la maladie est bien diagnostiquée, le traitement devient possible.

” Le Mali d’aujourd’hui est effectivement à la recherche d’un ordre qui tienne compte de la justice, de la vérité, de l’expression démocratique, la presse libre faisant partie des fondations, de l’honneur et de la dignité de chacun et de tous “.les débats ont confirmé la que presse doit être le principal médiateur de cette crise et en favorisant le dialogue et la réconciliation  en vue de ramener la paix et la concorde.

Le second thème : “Médias et pouvoirs ” a été développé par le Docteur et doyen Cheick Oumar Maïga dit Gilbert. Pour lui, ce thème est interpellateur, parce qu’il faut beaucoup de prétention et une bonne dose de naïveté pour vouloir présenter le temps d’une communication la relation pouvoir-médias qui est très complexe. Il a ajouté qu’il peut même paraître inconvenant de vouloir présenter ici la diversité de cette relation.

Gilbert trouve que le pouvoir et les médias sont deux expressions de la puissance sociale qui sont étroitement associées tout en étant potentiellement conflictuelles. “La tentation est grande, sur un sujet aussi ample, de réduire le problème posé à ses figures les plus simples”. Comment embrasser en effet les innombrables formes logiques et historiques des relations entre les pouvoirs et les différents médias, si variables selon les époques et selon les régimes politiques ? ” On proposera en première approximation d’examiner les formes les plus exemplaires de ces relations. On remarque tout d’abord que les médias et le pouvoir sont toujours et partout interconnectés, ensuite que la relation entre médias et pouvoir politique est naturellement conflictuelle. Et l’on notera enfin qu’en démocratie, la relation entre les médias et le pouvoir est très ambivalente “.

Insistant sur le concept ”Conciliateur”, Oumar Maïga pense qu’il existe entre les médias et la politique un rapport étroit. ” Il n’y a pas de vie politique sans opinion publique et pas d’opinion publique sans communication “. Pour lui, en démocratie, il y a forcément médiatisation et ce phénomène n’est pas nouveau.

“Aujourd’hui, il s’agit de séduire l’électeur, atteindre des cibles telles que les jeunes, les femmes ou les personnes âgées avec une publicité efficace par des images valorisantes et des slogans accrocheurs “. Il a noté qu’ils soient publics ou privés, les médias jouent un rôle crucial. ” Ils soutiennent ou critiquent le gouvernement, dénoncent ou taisent les opinions et les méfaits de l’industrie, donnent la parole au peuple ou omettent de parler en son nom”. Il trouve qu’à défaut de comprendre il y a lieu de chercher à savoir comment fonctionnent les rédactions et comment les politiques de l’opposition se replient sur l’injonction et la dénonciation. Il s’agit pour lui d’une posture contre-productive.

Pour Gilbert, il y a lieu de : ” Réfléchir à des propositions susceptibles d’encourager le travail de terrain, ces enquêtes et reportages dont la place diminue dans les colonnes et sur les ondes “, a-t-il suggéré. Et d’ajouter qu’il faut encourager l’émergence de contre-pouvoirs comme la reconnaissance juridique des équipes rédactionnelles ou la mise en place d’une instance nationale de médiation à laquelle pourraient recourir les citoyens s’estimant victimes de désinformations.

L’exposant arrive au fait qu’il appartient aux politiques de mettre en place les conditions dans lesquelles les rédactions peuvent travailler avec rigueur tout en ayant un esprit critique. Il pense, enfin, que les journaleux ”doivent faire preuve de lucidité, de modestie et d’imagination pour regagner la confiance du public et ne pas s’écouler dans l’aliénation quotidienne”.

Sans mettre les pieds dans les plats, Mme Traoré Oumou Touré de la CAFO, non moins 1ère Vice – présidente de la Commission Dialogue et Réconciliation, a craché le langage de vérité au point de dire plus vrai pour la circonstance. Ne nourrissant point le dessein de faire le procès de la presse, l’activiste  battante du mouvement féministe au Mali a exhorté les femmes et les hommes de médias à accepter de se remettre en cause. Une manière de leur dire que le Mali d’aujourd’hui a besoin d’une presse patriotique, non pas n’importe qu’elle presse. Pour elle, l’important pour le journaliste c’est de voir le contenu et non le contenant.

En somme, ce 3 mai a été celui du grand rendez-vous de la presse malienne. Surtout que ces deux exposés ont permis aux uns et autres d’échanger sur la marche à suivre des organes de presse à un moment où le Mali en crise cherche des voies et moyens pour y remédier. C’est pendant  cette période charnière que les médias sont appelés à jouer pleinement leur partition. A parler sans crainte. Avec la garantie de protection.

ILK

 

résolutions du 03 Mai 2013

Nous associations professionnelles et patronales de la presse malienne (GROUPE, ASSEP, URTEL),  de concert avec  la Maison de la Presse, l’AMAP et l’ORTM, regroupées à l’occasion de la 20ème journée internationale de la liberté de presse, au Centre international de conférences de Bamako (CICB) sur le thème international ” parler sans crainte : assurer la liberté d’expression dans tous les médias ” décliné au plan national en ” Sécurité des  journalistes et des professionnels des médias et Entreprenariat de presse face aux défis nationaux : Quelle presse après la crise ? “,

Vu les atteintes et violations graves et répétées à la liberté de la presse dans notre pays depuis le 22 Mars 2012 ;

Vu les chantages, harcèlements, agressions, enlèvements, passages à tabac , tortures… et emprisonnements arbitraires dont les professionnels des médias ont fait l’objet ;

Vu le besoin impératif de protection et de sécurisation des professionnels dans l’exercice de leur fonction ;

Vu l’obligation d’assurer l’effectivité de la garantie constitutionnelle de la liberté de la Presse ;

Considérant la double crise sécuritaire et institutionnelle que vit notre pays;

Considérant la situation particulière de guerre que vit notre pays ;

Considérant la nécessité d’une synergie et d’une convergence entre tous les fils du pays pour relever les défis qui se posent à notre pays ;

Considérant le rôle et place capitale des professionnels des médias dans le processus en cours de dialogue et de réconciliation ainsi que dans le processus électoral ;

Considérant l’impact de la double crise sécuritaire et institutionnelle sur les entreprises de médias, tant publiques que privées

Considérant le plaidoyer des Associations professionnelles et patronales pour l’urgence d’une aide et d’un accompagnement des pouvoirs publics afin de permettre aux medias d’accomplir leur mission de service public d’information des populations ;

Prenant acte du discours fédérateur et prospectif du ministre de la communication porte parole du gouvernement,

Au regard des débats riches, nourris et féconds au cours des panels animés par les professionnels des medias et les acteurs de la société civile,

Demandons et exigeons:

– L’adoption par le gouvernement et l’Assemblée nationale des textes régissant la presse ayant fait déjà l’objet d’une relecture consensuelle entre les principaux acteurs des médias et du département,

– La revalorisation de l’aide à la Presse par une indexation au budget d’Etat,

–  L’adoption du décret d’application pour rendre effective l’aide indirecte exigée par la loi portant régime de presse et délit de presse,

– L’adoption de la loi d’accès à l’information qui a également fait l’objet de relecture consensuelle,

– L’association et l’implication des médias dans les grandes reformes sociales et institutionnelles, commissions ou comités en cours ou a entreprendre dans notre pays ;

Engageons la les professionnels des medias à :

– soutenir le processus  de  paix et de réconciliation nationale,

– accompagner le processus électoral en cours

– observer rigoureusement les principes éthiques et déontologiques régissant la profession

– Elaborer une convention collective régissant  la profession.

 

Bamako, le 03 mai 2013

Les associations professionnelles et patronales de presse

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