La salle Wa Kamissoko du Centre International de Bamako a abrité le vendredi 5 août 2016 l’ouverture de la 1ère Session Ordinaire de la Haute Autorité de la Communication. La cérémonie était présidée par Me Mountaga Tall, ministre de l’Economie Numérique et de la Communication, représentant le Premier ministre, Modibo Keita, en présence des représentants des associations professionnelles de médias et d’agences de communication et de plusieurs patrons de presse.
Le temps fort a été l’allocution du Président de la HAC, Fodiè Touré. Il dira que quatre thèmes essentiels feront l’objet d’examen au cours de cette session, la finalisation et la mise en œuvre du Plan d’action et du chronogramme des activités de la HAC pour le reste de l’année 2016; l’amélioration du cadre législatif et réglementaire de l’espace médiatique audiovisuel et de la mission de régulation de la HAC; l’élaboration de cadres de coopération avec les partenaires et l’amélioration des méthodes de travail de la HAC.
Dans l’entame de ses propos, le Président Touré de l’institution fera savoir qu’il est urgent de faire le diagnostic général du domaine. «Deux décennies après sa libéralisation, il règne un véritable désordre dans l’espace médiatique audiovisuel au Mali. Une mise en ordre du secteur est donc urgente et impérative. Pour la réussir et donner une réponse adéquate aux nombreuses attentes, la session qui s’ouvre aujourd’hui, la première de l’histoire de la Haute Autorité de la Communication, va s’atteler à faire l’état des lieux de l’espace médiatique audiovisuel, du secteur de la publicité et de ceux de la presse écrite et des médias en ligne».
Il a salué l’enrichissement des missions de la HAC. «Afin d’enrichir le cadre réglementaire de ses missions, notamment de sa mission d’autorisation d’établissement et d’exploitation des services privés de communication audiovisuelle et de sa mission de contrôle et de sanction desdits services, elle a procédé au cours à l’élaboration de projets de décrets. Il s’agit de cinq projets fixant les cahiers des charges des services privés de communication, qui viennent d’être adoptés en Conseil de Ministres».
Six mois après son entrée en fonction, le 11 décembre 2015, la Haute Autorité de la Communication a déménagé dans ses propres locaux dès le lendemain de sa prise de fonction, et depuis, l’institution a démarré ses activités. L’une des premières grandes tâches à laquelle elle a fait face, selon son premier responsable, est l’élaboration de son Règlement Intérieur et de celui de ses Antennes Régionales et Bureaux Subrégionaux.
Dans le cadre de la collaboration avec les services privés de communication audiovisuelle, Fodiè Touré dira que sa structure a soumis cinq modèles de convention. «L’établissement et l’exploitation de chaque type de service privé de communication audiovisuelle étant soumis à la signature d’une convention avec la Haute Autorité de la Communication, celle-ci a élaboré cinq modèles de convention relatifs chacun à un service.
Ces modèles de convention ont été soumis à l’observation des organisations professionnelles des médias et des promoteurs des services de communication audiovisuelle lors des journées de rencontre qu’ils ont eues avec la HAC les 15,16 et 17 mars de cette année. Les observations formulées par nos interlocuteurs et jugées pertinentes ont été prises en charge dans la version définitive des conventions».
Le Président de la HAC a présenté un tableau sombre sur la triste réalité. «L’examen préliminaire des dossiers a mis en exergue une situation extrêmement complexe des radios et des télévisions privées. En effet, de 1994 à ce jour, sur le plan technique, plus de 800 fréquences ont été assignées pour l’exploitation de radios privées.
Selon un rapport d’audit réalisé en 2015 par l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications et des Postes, 575 autorisations ont été délivrées (y compris les autorisations provisoires) pour l’établissement et l’exploitation de radios privées. Sur ces 575 radios, 329 fonctionnent conformément aux termes de l’autorisation qui leur a été délivrée; 353 émettent sur des sites indiqués dans l’autorisation d’établissement; 24 émettent à partir de fréquences autre que celle qui leur a été assignée; 03 émettent à partir d’un site autre que celui indiqué dans l’autorisation d’établissement et 219 fréquences assignées n’ont pas été mises en service. En plus, 43 radios émettent sans aucune autorisation, dont 11 dans la zone géographique du District de Bamako». .
Sur le plan administratif et juridique, l’examen des documents a permis de constater l’existence de plusieurs autres radios en situation illégale. Il s’agit notamment de radios privées émettant sur la base d’arrêtés interministériels devenus caducs parce que n’ayant pas été renouvelés; de radios privées émettant sur la base d’autorisations provisoires délivrées par le Ministère chargé de la Communication, sous réserve de leur confirmation par la HAC; de radios privées qui ont cessé d’émettre suite à une Décision du Ministère chargé de la communication; de radios privées qui avaient cessé d’émettre mais qui ont repris leur service après y avoir été autorisées par le même département et de radios privées qui émettent à partir de fréquences non attribuées, donc frauduleuses.
La situation des télévisions privées est encore plus préoccupante. Selon Fodiè Touré, aucune d’elles ne dispose d’autorisation et il semble qu’il leur a simplement été donné la possibilité de procéder à des essais. Le Président de la HAC de poursuivre, «aujourd’hui, il est aisé de constater qu’elles figurent toutes sur les bouquets proposés par certaines entreprises maliennes de distribution de programmes».
Concernant la situation des entreprises de distribution de programmes et des radios étrangères, Touré assure qu’elle est moins préoccupante, car elles diffusent et émettent sur la base soit de conventions et d’accords conclus avec l’ancien ORTM, soit «d’autorisations» données par l’ex Conseil Supérieur de la Communication.
Le Mali compte aujourd’hui plus de 300 agences de publicité dont une dizaine seulement est capable de répondre aux attentes des usagers. Pour sa part, le secteur de la publicité reste encore régi par la Loi n°83-63 du 18 janvier 1983, qui fixe le régime de la Publicité au Mali. Cette loi mérite d’être relue, selon le Président de la HAC, pour prendre en compte les nouvelles exigences du secteur et de l’environnement médiatique. Des tentatives ont été amorcées dans ce sens, mais aucune d’elle n’a pu aboutir à ce jour.
Fodiè Touré rappelera que la Loi n°00-046 du 07 juillet 2000 portant régime de la presse et délit de presse mérite d’être revue pour y intégrer les préoccupations des acteurs des médias, notamment la dépénalisation des délits de presse. Enfin, la presse en ligne, bien que relevant du domaine de la mission de régulation de la Haute Autorité de la Communication, n’est jusque-là réglementée par aucun texte.
C’est une autre épine dans les pieds de la HAC et c’est pourquoi il est urgent de légiférer en la matière.
Mohamed Naman keita