« La maitresse du Président de la République ! » : Pourquoi on a arrêté, jugé et condamné les journalistes

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« L”affaire aurait suscité une certaine émotion au "palais", […] les bailleurs de fonds occidentaux ont fait connaître leur vif agacement ». L’affirmation est faite dans les colonnes du quotidien Le Monde dans sa parution du 28 juin sous la plume du journaliste Philippe Bernard.

C’est à se demander donc qui gouverne le Mali. « Les bailleurs de fonds occidentaux » ou ATT pour qui les Maliennes et les Maliens ont très majoritairement voté ? On peut comprendre dès lors que l’homme de Koulouba a dû être très embêté devant « le vif agacement » des « bailleurs de fonds occidentaux ». D’ailleurs, qui sont-ils ces « bailleurs de fonds occidentaux » ? L’auteur de l’article, Philippe Bernard, que nous avons joint au téléphone refuse, bien entendu, de nous en dire le moindre mot.

Seraient-ils, les Français, les Européens, les Américains ? « Je ne suis pas une source d’information », répond M. Bernard qui semblait lui-même quelque peu agacé devant notre insistance à chercher à comprendre qui sont ces « bailleurs de fonds occidentaux » qui auraient dit au « soldat de la démocratie » d’agir.

Dans un article précédent, nous doutions que l’affaire soit déclenchée sur initiative personnelle d’ATT à qui nous reprochions ne pas levé, malgré tout, le petit doigt pour mettre fin à la folie judiciaire. Nous ne nous trompions pas. Mais nous avions accusé à tort le juge Théra d’avoir manifesté un peu trop de zèle.

Ce qui est sûr, c’est que ni le procureur Sombé Théra, ni le président de la République Amadou Toumani Touré, n’aurait, à leur seule initiative, pris la décision de mettre l’affaire de « La maîtresse du président de la République ! » entre les mains de la justice. Pour preuve, l’article d’Info-Matin a été publié le 1er juin. Il a fallu attendre deux semaines, deux longues semaines pour trouver un procureur et le convaincre de prendre en charge une affaire qui le dépasserait totalement par la suite.

Affaire d’Etat

Le 14 juin donc, le procureur Théra cueillait le journaliste SOD comme un malfrat, et 8 jours après quatre autres journalistes, directeurs de publication, en dépit de la loi sur la presse qui, pour le motif préalablement invoqué, « offense au chef de l’Etat » indique obligatoirement une plainte écrite de la victime. Lors de leur procès, les journalistes ont été jugés comme des « délinquants primaires » à qui il était reproché d’avoir troublé l’ordre public en offensant le chef de l’Etat.

Seigneur ! Pardonne au procureur Théra parce qu’il ne sait pas. Il ne sait pas qu’il a été manipulé ; qu’à travers, sa personne, la justice a été instrumentalisée. Pauvre justice malienne dont la ministre en charge, Me Fanta Sylla déclarait que la demande de libération à elle transmise à l’issue de la marche des journalistes « aura une suite favorable ».

Contraint par ses partenaires étrangers de mettre un terme aux écrits d’une presse nationale sur un sujet de société qui doit interpeller normalement toute bonne conscience, ATT a fait du sujet de « La maîtresse du président de la République ! » une affaire d’Etat qui alimente les rumeurs de Bamako.

Curieusement l’affaire rappelle les tourments du couple Sarkozy, l’été dernier. L’ancien ministre de l’Intérieur qui devait être élu plus tard président de la République française, aurait demandé des sanctions contre les responsables des médias incriminés. L’histoire n’est pas allée au-delà des salles de rédaction.

ATT pouvait bien s’en inspirer plutôt que créer une affaire d’Etat. Quel gâchis !

Oussouf Diagola
(Paris)

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