Présidentielles 2007 : Un second «coup d’Etat légal» pour le Général ATT ?

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En 2002, le Général Amadou Toumani Touré n’a pu participer à l’élection présidentielle qu’au prix d’une violation flagrante de Loi électorale qui dispose en son article 131 que: «Tout membre des Forces amées et de sécurité qui désire être candidat aux fonctions de président de la République doit démissionner six mois avant l’ouverture de la campagne».

Avec la complicité, à la fois du Président sortant, Alpha Oumar Konaré et la Cour Constitutionnelle de l’époque dirigée par feu Abdrahamane Baba Touré, ancien président d’honneur de l’ADEMA-PASJ, ATT prendra part à ce scrutin et se fera même élire sans avoir rompu tout lien avec l’armée. D’où son premier «coup d’Etat légal». S’il est candidat à sa propre succession le 29 avril prochain, comme tout le laisse supposer, ATT est déjà en situation de forclusion et n’est donc pas éligible. Dans ces conditions, la validation de son éventuelle candidature constituerait ce qu’il faut bien appeler son second «coup d’Etat légal».rn

rnL”incendie nous vient du fleuve! L”exclamation traduit grandement notre peur et notre panique décuplées, car nous n”aurons plus désormais accès à l”eau pour éteindre les flammes. Il en est ainsi d”Amadou Toumani Touré qui, hier, par une action décisive le 26 mars 1991, nous a débarrassé du règne absolu du parti unique, et est aujourd”hui en train de faire planer la menace la plus mortelle sur la démocratie. Et, si l”on y prend garde, sa gouvernance risque d”être le tombeau des partis politiques.

ATT emprunte, en effet, un itinéraire atypique. Après s”être retiré du pouvoir en 1992, il y revient dix ans après, en 2002, et compte s”y maintenir dix ans encore, jusqu”en 2012. Mais s”arrêtera t-il en si bon chemin? Pas si évident. Son credo est que les partis politiques sont nuisibles à la démocratie et ne doivent être, en conséquence, que des gadgets aux mains d”un homme providentiel, en l”occurrence lui-même. "Je ne suis pas prêt à laisser n”importe qui prendre le Mali", confiait-il à ses proches et à Jeune Afrique / L”Intelligent (n° 21 58 du 20 au 26 mai 2002).

N”importe qui, à l”époque, pouvait être le terme générique désignant d”abord IBK et Soumaïla Cissé ensuite tous les autres prétendants à la fonction présidentielle, du respectable Mandé Sidibé au folklorique Habib Dembélé dit Guimba national, en passant par la vingtaine de pantins sortis du chapeau magique d”Alpha Oumar Konaré.
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rnLe risque d’une démocratie «militarisée»

Or les hommes n”ont pas changé. Les aspirants d”hier demeurent les mêmes, donc la logique d”ATT aussi. Avec le risque, bien évident, d”une démocratie militarisée ("Un militaire, même déguisé en civil, est une menace grave pour la démocratie, c”est un recul", dixit Alpha Oumar Konaré). La menace est d”autant plus évidente que l”échiquier international nous offre des raisons d”angoisse. Le Général Olusegun Obasanjo a certes échoué dans sa tentative de prolongation de son mandat à la tête du Nigeria, mais ses frères d”armes, plus jeunes que lui, ailleurs, sont en passe de réussir le hold up avec bonheur.

Le Vénézuélien Hugo Chavez, Colonel de son Etat, après sa dernière victoire à l”élection présidentielle, a dit son souhait de rester à la tête de son pays pour les trente années à venir afin de conjurer l”impérialisme yankee. Son cadet, le Colonel gambien Yaya Jameh, dans des circonstances identiques, a dit vouloir demeurer Président pendant quarante ans encore, soit dix ans de plus que Chavez. Leur chef hiérarchique, le Général ATT, s”il rempilait en avril ou en mai prochain, dira certainement devoir rester, si Dieu lui prête vie, cinquante ans encore à Koulouba, soit dix ans de plus que Jameh.

L”on dira que les Maliens n”accepteront jamais cela. Mais non! Ils l”ont déjà accepté, depuis 2002, en laissant violer la Loi électorale en son article 131 : " Tout membre des Forces Armées et de Sécurité qui désire être candidat aux fonctions de Président de la République doit démissionner six mois avant l”ouverture de la campagne".rn

rnSi l”on s”en tient à l”esprit de cette disposition de la Loi électorale, formulée du reste sans ambiguïté, ATT est, pour n”avoir pas encore démissionné de l”armée, déjà forclos pour l”élection présidentielle, dont le premier tour aura lieu le 29 avril. En effet, pour peu que les mots français aient un sens spécifique au Mali, démissionner de l”armée n”est nullement synonyme d”être admis à la retraite anticipée de la grande muette.

Contrairement à nos hommes politiques, tous des "salauds fin lettrés", selon la formule de l”universitaire Luc Ferry, c”est ce que l”élève Lamine Doumbia domicilié à Faladié a vite compris. Notre jeune homme, en citoyen honnête, après la proclamation de la liste des candidats à l”élection présidentielle par la Cour Constitutionnelle, le 5 avril 2002, a introduit, ayant pour conseil Me Harouna Kéïta, une requête en contestation de validation de la candidature du Général ATT, malheureusement à 4 heures du matin le lendemain, 6 avril. La Cour Constitutionnelle l”a rejetée sans convaincre.

Mais l”acte de l”élève Lamine Doumbia, hautement patriotique et opportunément démocratique, posait déjà la question de la clarification de la disposition en cause dans la Loi électorale. Partant, il posait la relecture des textes fondamentaux de la République.

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«Le Texte  fondamental  gagnerait à être relu»

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Sur cette question, ATT a été lui-même d”une honnêteté inattendue. Juste après son élection le 12 mai 2002, il accorda à Chérif Ouazani de "J.A. L”Intelligent" une  interview où, à la question de savoir si à ses yeux "la réconciliation nationale nécessite une réforme constitutionnelle", il répond sans détour: "Après dix ans d”épreuves, le Texte fondamental gagnerait à être relu. Evaluer et analyser les dysfonctionnements pourrait nous amener à revoir certaines dispositions, après un large consensus et une adhésion des populations".

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rnCinq ans après, ni ATT ni aucun acteur politique n’a pris l”initiative de la moindre proposition de relecture de nos textes fondamentaux, malgré le large consensus qui a prévalu, consensus évidemment béat et sclérosant.

Que les partisans résolus d”ATT n”aient pas envisagé que les marques d”approbation, que ce soit en faveur d”un individu ou d”une institution, impliquent aussi qu”on s”arroge le droit de juger, est compréhensible.

Mais que les politiques de tous bords n”aient pas compris que la déontologie démocratique exige de tirer les enseignements des dysfonctionnements, voire des bouleversements, est plutôt désolant. Il ne s”agit, en effet, pas pour eux d”agir sur le court et le moyen terme, mais de voir plus loin et d”éclairer l”avenir.

Or, l”article 131 de la Loi électorale est désormais un cas d”interrogation. Admission à la retraite, fût-elle anticipée, équivaut-elle à la retraite anticipée? Est-ce la personne d”Amadou Toumani Touré, au regard du rôle historique qui a été le sien le 26 mars 1991, qui a joué sur les fibres patriotiques des Maliens au détriment des règles de la République?
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Un militaire autre qu”ATT, fût-il admis à la retraite anticipée, peut-il être candidat à la fonction de Président de la République sans avoir véritablement démissionné de l”armée, comme le stipule clairement la Loi électorale ?

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Dans l”hypothèse où celle-ci a été accidentellement violée au profit du Général ATT, deux conséquences peuvent être tirées. Premièrement, ATT doit avoir la sagesse de ne pas se représenter et, élégamment et  avec hauteur, redonner tout son sens historique au 26 mars 1991, dont l”anniversaire dans deux semaines lui donne une belle opportunité de rebond. Le propos de Bakary Konimba Traoré : "ATT a le choix entre la défaite, renoncer à être candidat ou démissionner de ses charges" (L”Indépendant n° 1645 du vendredi 26 janvier 2007) sonne comme un avertissement. Plutôt que la défaite  ATT peut renoncer à être candidat, ce qui lui permettra de conserver aux yeux des Maliens son aura d’hier. Quand Tiébilé Dramé déclare : "Je demande à ATT, pour la cause du Mali, de ne pas briguer un second mandat", la quête du mythe stabilisateur n”en est que plus grande.

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Deuxièmement, il urge de reformuler l”article 131 de la Loi électorale, de manière à éviter toute manipulation de statut individuel à l”avenir. Une loi, exploitée avec ruse et espièglerie, conduit à des viols sentimentaux, psychologiques et moraux.

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Dans une démocratie, cela provoque l”anesthésie des valeurs fondatrices. La démocratie, dans ce cas, reste fragile aussi longtemps que les alternances électorales ne seront pas perçues comme de potentielles alternatives.

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La préservation du "mythe ATT" pour pérenniser les acquis du 26 mars 1991 semble être désormais une "hantise de Malien". Le Professeur Issa N”Diaye l”a longtemps soulevée, à sa façon directe, radicale et péremptoire.

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Mais nul mieux que le Professeur Ali Nouhoum Diallo,  alors Président de l”Assemblée Nationale, ne l”a exprimée avec autant d”exigence, à la fois humaine, politique et historique. C”était à la faveur de l”ouverture de la session du Parlement, le premier lundi d”avril 2002: "Avec déférence, j”évoque le cas de l”ancien chef de l”Etat, ancien Président du CTSP, le Général à la retraite anticipée Amadou Toumani Touré. Il a longtemps hésité entre deux voies. La première était de rester dans la  légende, où il est entré pour avoir, avec son équipe, mis fin au bain de sang perpétré par le pouvoir en place, parachevant ainsi l”insurrection populaire entamée par le peuple malien, pour ensuite avoir réussi une Transition de 14 mois.

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La seconde était de descendre dans l”arène politique, avec le risque d”échec, soit à l”élection présidentielle, soit dans la gestion du pays pendant cinq ans. La crainte est alors qu”il sorte de la légende et brise le mythe. C”est évident que beaucoup retiennent leur souffle, surtout ses amis et parents, dont je fais partie".

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Ces propos, pour le moins prophétiques, du Pr Diallo, tenus avec honnêteté et vision, ont traversé le temps, les institutions et nous tiennent encore en haleine. Peut-on jamais prévoir tout ce qu”un mythe brisé enveloppera demain?

rnAmadou N’Fa DIALLO

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