Comme il fallait s’y attendre c’est le Secrétaire Général du Parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance qui a été investi par la Conférence Nationale de Ségou des 23 et 24 Février, pour briguer la magistrature suprême du pays, le 29 Avril prochain. Oumar Mariko, sous l’émotion, subjugué pour une des rares fois par un instant solennel, livrera ce qu’on peut à juste raison considérer comme un bréviaire pour le Mali. Interview ! rn
Le Ségovien : Dr Oumar Mariko, vous venez d’être investi candidat de votre parti à l’élection présidentielle du 29 Avril. Question banale. Pourquoi vous êtes candidat ?
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Oumar Mariko : Question banale, certainement la réponse aussi. Je suis candidat parce d’abord je suis responsable de parti politique. Mon parti a décidé d’aller aux élections présidentielles parce que c’est quand même la fonction logique d’un parti : la prise du pouvoir et son exercice. Deuxième chose qui est la plus importante, le parti SADI, en me présentant aux élections présidentielles veut obéir à une logique ; logique qui a fait que nous nous sommes battus pendant 10 ans de régime de l’ADEMA dans une position de contestation et d’orientation qu’on se faisait de l’Etat en République du Mali. Et cette logique a continué jusqu’aujourd’hui parce que nous estimons que, même si nous sommes tous des maliens, nous n’avons pas les mêmes orientations philosophiques. Nous estimons alors que, l’orientation politique de l’Etat qui a été mise en place depuis l’instauration de la démocratie, jusqu’aujourd’hui, n’est pas ce qu’il faut pour le Mali car elle a privilégie les néolibéralismes sur la défense des intérêts nationaux et nous, nous pensons que les intérêts nationaux doivent passer avant et il se faut se battre pour leur préservation.
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Le Ségovien : Et si vous êtes élu Président de la République du Mali, qu’est ce qui va changer dans ce pays ?
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Oumar Mariko : D’abord la fonction de l’Etat va changer. L’orientation générale de l’Etat va changer. Nous avons besoin d’un Etat qui doit revenir sur les politiques de privatisation. Nous avons besoin d’un Etat qui doit assumer ses responsabilités vis-à-vis des questions de l’éducation et de la santé. Ces deux secteurs ne peuvent pas être pris en charge par les populations. Il faut l’implication de l’Etat. Nous avons besoin d’un Etat qui doit faire en sorte que l’agriculture soit le moteur réel de notre développement. Cela veut dire que la terre doit revenir aux paysans et ils doivent être impliqués dans la gestion de toutes les instances qui décident de la question de l’agriculture. On n’en voit pas assez maintenant parce que ils ont des représentants qui ne sont véritablement pas des paysans ou qui se mettent carrément à la disposition de l’administration. Ce qui n’est pas normal. Ce qui pourra changer aussi, c’est que nous reviendrons sur le code minier du Mali. Nous inverserons le taux de pourcentage de profit que le Mali a sur son or. Il y aura une plus grande protection des maliens de l’extérieur et l’Etat assurera sa souveraineté dans ce secteur.
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Le Ségovien : Cette même profession de foi est clamée par bon nombre de candidats qui, une fois élu, sont dépassés par les événements. En quoi les maliens doivent faire confiance en vous ?
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Oumar Mariko : On doit nous faire confiance parce que je n’ai pas vu un seul candidat de la démocratie qui a dit qu’il faut revoir l’orientation de l’Etat. Ca, je peux vous l’affirmer. De Alpha Oumar Konaré I et II à Amadou Toumani Touré Transition et aujourd’hui et même les partis politiques qui avaient présenté des candidats, tous ont prôné le moins d’Etat pour plus d’Etat et tous ont dit que c’est le secteur privé qui va être le moteur de développement de notre pays. Or, la question fondamentale du développement et de l’orientation politique c’est la question de l’Etat ; l’orientation qu’on donne de l’Etat, la philosophie de l’Etat …..
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Le Ségovien : Eux aussi ont dit les mêmes choses….
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Oumar Mariko : Je vais simplement vous dire d’abord qu’ils n’ont pas clamé ce que j’ai dit. Moi je me porte en faux contre ça. Apportez moi la preuve qu’un seul des candidats a dit qu’il faut l’Etat comme concepteur, initiateur des politiques de développement. Maintenant, est ce que nous pourrons assumer cela ? C’est très simple dans la mesure où cette expérience politique l’a été dans notre pays à un moment donné. Ensuite, que nous soyons du gouvernement d’ATT ou que nous ne le soyons pas avant, nous avons toujours prôné cette politique. Il s’agit donc pour nous de rehausser ces secteurs là et d’en faire des secteurs politiquement potentiels.
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Le Ségovien : Qu’en est il des libertés de presse si vous accédez au pouvoir ?
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Oumar Mariko : J’ai toujours dit qu’il faut libérer l’ORTM, la presse d’Etat ! Il faut donner la possibilité aux uns et aux autres de pouvoir s’exprimer et laisser jouer le professionnalisme au niveau de la presse d’Etat. Au niveau de la presse privée, il y a beaucoup de gens qui sont engagées dedans, qui sont obligées de traiter des informations selon ceux qui leur donnent des sous ou selon ceux qui leur font des faveurs particulières. Nous disons que là, ils en arrivent à casser des intelligences, à canaliser des intelligences vers des intérêts qui ne sont pas forcement des intérêts de ceux là qui le font. Il le font par esprit de survie, par cupidité, pour exister. Je dis non ! Ce n’est pas comprendre que le pays a besoin de la presse et je pense que la presse malienne ne couvre pas le Mali. Y” a des questions, des choses qui se passent dans le tréfonds du Mali qui doivent être connues. La presse doit être un instrument capable de souder les maliens à travers l’information et de faire en sorte que les gens puissent se découvrir à travers la presse. Qu’elle soit privée ou publique, l’Etat doit être derrière elle pour donner un soutien conséquent qui n’a rien à voir avec l’aide à la presse qu’on donne chaque année en comprenant que privée ou publique, c’est le Mali qui compte. Mars 1991 veut qu’on libère la parole. Il faut la libérer pour que les forces vives de ce pays se retrouvent. Je suis persuadé que si la presse avait été libérée et que les gens jouent le professionnalisme, on n’aurait pas eu une centaine de partis politiques. Les gens comprendront que, pourquoi aller avec X quand j’ai les mêmes points de vue que Y.
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Le Ségovien : Votre profession de foi est très noble. Mais le système que vous combattez touche l’ensemble des maliens. Avec qui vous allez gouverner ?
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Oumar Mariko : Avec qui, avec les militants de SADI ! Avec qui, avec les cadres maliens ! Le problème de nos cadres, c’est qu’ils ont besoin d’être rassurés. Nous avons déjà une expérience avec le cas de Cheick Oumar Sissoko. Pendant tout le temps qu’il se trouve au Gouvernement, il n’y a que 4 de nos militants qui sont au Ministère de la Culture. Y a beaucoup d’autres cadres de SADI mais notre pratique c’est de respecter les cadres tout entier du pays et faire leur promotion pour une plus grande compétence. La compétence doit passer avant l’appartenance politique. Il faut les faire confiance pour mieux éclore leur génie.
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Le Ségovien : SADI ne s’est pas allié ni à l’ADP, ni au FDR. Vous allez faire cavalier seul ?
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Oumar Mariko : Notre stratégie est déjà claire. Pour l’élection présidentielle, on ne sait pas pourquoi on va faire alliance parce que nous avons déjà notre candidat. Maintenant si y a un second tour et si nous sommes effectivement au 2eme tour, nous sommes obligés de faire des alliances. Mais ça se fera sur la base d’une plate forme que la conférence nationale a élaborée. Si par malheur, nous ne sommes pas au 2eme tour, c’est aussi la plate forme que nous allons présentée. Nous ne serons pas à la démarche première ; c’est une deuxième démarche qui aura un contenu certainement différent que le premier.
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Le Ségovien : Pour le changement que vous souhaitez, quel sera en deux mots l’appel que vous leur lancez ?
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Oumar Mariko : En deux mots et comme les bambaras le disent : « An ka shin, oyé dunan tayé, no té dugulewn bè gnogon don ». Traduction : gérons nous, c’est pour les étrangers sinon les autochtones se connaissent ». SADI n’est pas inconnu sur la place publique. Notre profession de foi est tirée de notre comportement pratique de tous les jours. Ce n’est qu’avec SADI qu’on pourra inaugurer une autre expérience de gestion. Nous avons foi qu’elle sera porteuse puisque nous avons un discours différent et un comportement différent. Le peuple malien doit avoir confiance en nous. A ceux qui se sont battus pour Mars 91 je dis ceci : nous avons donné le pouvoir à des aînés qui l’ont mal géré jusque là, qui nous ont transformés en larbins, en garçons de courses et qui se sont mis à s’enrichir sur notre victoire. Ces jeunes doivent prendre conscience et nous suivre pour remettre le Mali dans le cadre de Mars 91 tel que nous l’avions souhaité tout jeune et rajeunir les idéaux de Mars 91 et les faire porter par des gens qui ont une certaine maturité, aujourd’hui, parce qu’ils ont fait Mars 91.
rnPropos recueillis par Moutta“