Les problèmes des Maliens de France sont certes connus pas certains, mais ils sont vécus par d’autres dans leur chair et leur âme. Notre pays qui était à part entière territoire français avant 1960 accueille régulièrement ou irrégulièrement près de 80 000 citoyens maliens sur lesquels 42 000 sont en situation régulière selon le règlement de la naturalisation ou de la carte de séjour. Entre les contraintes juridiques liées aux conditions de séjour des étrangers, l’absence de logements et d’emplois, la majorité écrasante des Maliens broient du noir et tiennent à cacher leurs misères à leurs compatriotes d’origine.
L’immigration malienne est un sujet sensible. Plus de 4 000 000 de nos compatriotes vivent à l’étranger et certaines familles s’y sont établies pour de bon. Les Maliens de France sont 42.000 en situation régulière, sur environ 80 000. Les immigrés maliens mobilisent annuellement 180 milliards de FCFA au bénéfice des leurs au Mali, un pays classé dans le quarté de queue de l’économie mondiale. Sur ce taux, les Maliens de France apportent près de 42 milliards de FCFA.
Cependant, le président Amadou Toumani TOURE, dont l’ambition pour le Mali est fertile, a insisté sur le fait que ses immigrés maliens en France sont une véritable "oeuvre sociale" ambulante et font office de premier bailleur de fonds du pays. Accusé d’avoir accepté le visa biométrique, reçu en pompe Nicolas SARKOZY au Mali et sa loi de l’immigration choisie et suspecté d’indifférence notoire sur le sort de ses compatriotes, certains délégués des foyers promettent qu’à défaut d’empêcher ATT de rester à Koulouba jusqu’en 2012, il ne pourra compter sur aucune voix dans les foyers. En effet, avec le discours et la loi musclés de l’ambitieux ministre français de l’Intérieur en février dernier, nos compatriotes ont perdu tout espoir en l’avenir. Dans la dizaine de foyers surpeuplés qui accueille les Maliens, la peur et l’anxiété ont pris le devant sur le quotidien : la faim, le chômage, l’indifférence, la stigmatisation et la fracture. En effet, depuis 1980, ne vient pas en France le Malien qui le veut. Si une pièce d’identité suffisait à transcender la frontière des Gaulois il y a quelques années, aujourd’hui, les Maliens doivent se soumettre au visa biométrique, aux moyens financiers et à de multiples critères pour entrer en France. Il n’y a aucune pitié et presque aucun job pour les sans papiers. De plus en plus de clandestins ne croient plus en la régularisation et préfèrent se contenter de faux papiers ou d’un travail au noir devenu rarissime.
La question des immigrés dits clandestins pose un problème humanitaire corsé. Les foyers qui ont démarré en mars 1968 sont surpeuplés, insalubres et invivables. Les Maliens en tiennent une bonne dizaine, l’un plus triste que les autres. Les demandes de relogements et de régularisation pour favoriser l’emploi des immigrés s’accumulent année après année, sans compter la persistance de la crise de leadership qui secoue la communauté depuis plus de 10 ans. Même ignoré par plus de 80% des Maliens de France, la section du Haut conseil des Maliens de l’extérieur est divisée dans des querelles politiciennes et de positionnement depuis l’annonce de subventions. Les camps de Diadié SOUMARE et de Gaharo DOUCOURE joue un match sans fin depuis des mois au détriment des intérêts de la diaspora malienne. En tentant de contourner l’inefficacité du HCME, de nouvelles associations comme Dynamique Foyers poussent chaque jour ; mais en réalité, elles durcissent la crise. Il y a plus de 300 associations de Maliens vivant en France.
Aujourd’hui, les vétérans craignent de voir ces centres de la honte des «noirs Africains» rasés par les autorités françaises. Et il y a de quoi. Par exemple, le foyer de Aftam Bara (Montreuil) est la plus grande ville malienne en Europe. Réalisé le 27 mars 1968 conjointement par Modibo KEÏTA et Ali BOUMEDIENNE, ce foyer qui dispose de 205 places compte aujourd’hui 1500 internes. La majorité des immigrés de ce foyer vit et dort sur des lits pliants, dans les couloirs de dortoirs et de toilettes du fait de la surpopulation et du désengorgement. Transposées ici l’hospitalité et la tolérance africaines. Selon Amadou KONE, originaire du village de Médine et qui vit en France depuis 1980, les problèmes des Maliens de France ne sont pas séparables de l’indifférence des autorités maliennes dont la défaillance à doter les régions du minimum d’infrastructures socio-économiques explique le taux élevé d’émigration. Cette situation s’explique notamment par l’absence de réponses publiques à la sécheresse, aux crises alimentaires et au vide économique notamment dans les régions de forte immigration. En général, les plus jeunes estiment être dotés du devoir d’assister leurs proches et familles en danger de mort sous l’insouciance des autorités publiques. Dans la plupart des localités du Mali, les écoles, centres de santé, maternités et télé centres sont entièrement réalisés par les initiatives de la diaspora.
Le durcissement de la politique d’immigration de la France est donc très mal perçu au sein de cette communauté où les reconduites à la frontière manu militari sont des plus humiliantes et dégradantes. Ces reconduites peuvent survenir à l’occasion d’une anodine sortie dans la rue.
Or la France estime avoir fait ce qu’elle peut. Ces mesures, bien qu’assorties d’un système d’aide au retour (la France a doublé la prime de départ allouée aux immigrés maliens qui souhaitent rentrer chez eux), l’an passé, seule une quarantaine de Maliens avait sollicité cette aide. La France espère qu’avec une rallonge, passée de 3 600 euros (2,3 millions de FCFA) à 7 000 euros (4,6 millions de F CFA), elle pourra inciter un plus grand nombre au retour. La nouveauté est que cette subvention au départ est également valable pour les Maliens en situation irrégulière, estimés à 40 000, ou ceux ayant reçu un arrêté de reconduite à la frontière. Mais son octroi est soumis à la présentation d’un projet viable et utile pour le Mali et d’aucuns se demandent si l’enveloppe n’est pas entièrement interceptée par des bureaux d’études et des circuits administratifs trop pesants. Sur les 30 000 familles dont les enfants sont scolarisées et ayant déposé des demandes de régularisation, seules 6 950 ont été déclarées régularisables par les préfectures.
Par Ibrahim SANGALA“