Mali : embryon de Netcampagne pour une démocratie fragile

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"La presse française parle très peu des élections au Mali. Tout est braqué sur Sarko !", se plaint Moussa Ag Assarid, Malien émigré en France et auteur d”un livre sur son déracinement. Car une semaine après la France, c”était au tour des électeurs maliens de se rendre aux urnes pour le premier tour de l”élection présidentielle et choisir entre les huit candidats.

Deux forces politiques s”opposaient : d”un côté, l”Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP), une coalition de plus de quarante partis politiques, dont est issue le président sortant et candidat à sa propre succession Amadou Toumani Touré (ATT) ; de l”autre, le Front pour la Démocratie et la République (FDR), mené par Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), ou encore Tiébilé Dramé, ancien ministre des Affaires étrangères.

Et même au Mali, le candidat français à la présidentielle a cristallisé les oppositions. "Une éventuelle victoire de Sarkozy doit inciter les Maliens à voter contre ATT", a déclaré, pendant la campagne, le candidat malien d”opposition Tiébilé Dramé, selon L”Indépendant du 26 avril 2007. Il faut dire que le thème de l”émigration a aussi imprégné la campagne, et le président ATT a été accusé de "laxisme face au ministre français de l”Intérieur Nicolas Sarkozy, qu”il a accueilli à Bamako, le jour même du vote par l”Assemblée nationale française de la loi sur l”immigration choisie".

Ce qui n”a pas empêché le candidat sortant d”être largement en tête de ce premier tour, selon des premiers résultats, très vite contestés par l”opposition. Elle parle de "fraudes massives, de l”intimidation et du chantage par un dispositif électoral et une administration instrumentalisée aux ordres du candidat Amadou Toumani Touré". Sur son site (qui ressemble étrangement à celui de Ségolène Royal), Tiébilé Dramé annonce que "le FDR détient la preuve formelle, constats d”huissiers à l”appui, de la circulation sur le territoire, avant la période du scrutin, des bulletins de vote parallèles".

Car la nouveauté de cette élection, outre la nouvelle loi électorale qui instaure un système de parrainage, a été l”utilisation active d”Internet. Le site elections-mali.net a été créé par une société privée malienne, avec l”ambition de faire vivre une réelle cyber-campagne sur le Net. L”audience, évidemment, reste limitée. Et surtout, les sondages réalisés en ligne montrent que l”opposition est plus représentée sur le Net : "IBK arrive en tête de ce sondage avec 116 points, suivi d”ATT avec 50 voix".

D”ailleurs, un autre blog représente les "anti-ATT" : il s”agit du blog ATT-cratie, associé à un pamphlet rédigé contre le président sortant par un certain Sphinx et publié aux éditions L”Harmattan. Le but de l”auteur : dénoncer "le système ATT", qu”il caractérise notamment par "la confiscation de la démocratie par un homme et son clan, et l”irrespect des règles démocratiques élémentaires, le culte de la personnalité, le système de pensée unique". Ce brûlot a fait causer pendant la campagne, étant devenu un gisement d”arguments pour le candidat Ibrahim Boubacar Keïta, et n”étant "pas digne d”être lu" pour le parti du président.

Sur les accusations de fraude, la presse est aussi partagée. Tandis que le Canard déchaîné parle de "révélations accablantes" de la part de l”opposition, Aurore évoque son "amateurisme maladif". Quant aux Echos, cités dans cette revue de presse, ils évoquent les exemples récents du Sénégal et du Nigeria, et leurs "contentieux post-électoraux presque inextricables", pour conclure que "la démocratie (…) est en passe de devenir le nouveau fardeau de l”Afrique. Hélas !".

Sites visités entre le 30 avril et le 2 mai 2007

Sophie Gindensperger (france5.fr)

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