Légitimé par une majorité écrasante, le chef de l”État réélu entend amplifier la dynamique amorcée au cours du premier quinquennat et promet quelques ruptures.
L”instant était solennel et l”émotion au rendez-vous. L”investiture d”un président de la République constitue
toujours un moment particulier dans la vie d”une nation. Vendredi dernier, de l”émotion et de la solennité il y en avait effectivement au Centre international des conférences où le président de la République, Amadou Toumani Touré auréolé de sa nette victoire dès le premier tour de l”élection présidentielle du 29 avril, prêtait serment.
Que de beau monde à cette cérémonie ! Il est vrai que le calendrier international n”a pas permis à tous les chefs d”État invités de participer à la cérémonie d”investiture. Notamment les présidents sénégalais Abdoulaye Wade, sud-africain, Thabo MBeki, et ghanéen John Kuffor, le président en exercice de l”Union africaine. Tous trois étaient en Allemagne pour plaider la cause de l”Afrique auprès des dirigeants des pays les plus industrialisés réunis au sein du G8. Le président togolais Faure Gnassingbé, lui, était retenu dans son pays pour les obsèques des supporters togolais et le ministre des Sports de ce pays morts dans un accident d”hélicoptère à l”occasion du match de football Togo-Sierra Leone, dans le cadre des éliminatoires de la coupe d”Afrique des nations 2008.
UN BALLET INCESSANT :
Malgré ces aléas, ils étaient tout de même sept chefs d”État à faire le déplacement à Bamako : Oumar Bongo Odimba (Gabon), Blaise Comparé (Burkina Faso), Idriss Déby Itno (Tchad) et son épouse, Denis Sassou N”Guesso (Congo) et son épouse, François Bozizé (République Centrafricaine) et son épouse, Thomas Yayi Boni (Bénin), Cheick Ould Abdallahi (Mauritanie) et son épouse. La France était représentée par son ministre des Affaires étrangères et européennes Bernard Kouchner et les États-Unis par leur secrétaire d”État à l”Agriculture.
Au total, une cinquantaine de délégations et un parterre de personnalités étaient présents à Bamako qui a vécu au rythme d”un incessant ballet de véhicules officiels. Détail important : la plupart des candidats à l”élection présidentielle étaient présents à la cérémonie d”investiture. Un comportement républicain qu”il convient de saluer.
C”est donc au cours d”un audience solennelle de la Cour suprême en transport dans les locaux du Centre international des conférences de Bamako que Amadou Toumani Touré a été investi pour un deuxième mandat. Annoncée pour 10 heures, le début de la cérémonie prendra un grand retard à cause de l”heure d”arrivée de certains chefs d”État invités.
Il était midi et demi quand le président réélu fit son entrée dans la salle Djéli Baba Sissoko sous les applaudissements nourris de la salle. C”est en ce moment que la présidente de la Cour suprême Mme Diallo Kaïta Kayentao procéda à l”ouverture de l”audience à laquelle étaient conviés plus de mille invités.
La cérémonie s”est déroulée en plusieurs actes selon un scénario désormais bien établi. Aussitôt après l”ouverture de l”audience par la présidente de la Cour suprême, le greffier en chef de la Cour, Boubou Bocoum donna lecture de l”article 37 de la Constitution et des dispositions de l”arrêté N°07-175 de la Cour constitutionnelle du 22 mai 2007, consacrant la victoire du candidat Amadou Toumani Touré dès le premier tour de l”élection présidentielle du 29 avril 2007. Il rappellera qu”en vertu de l”article 37 de la Loi fondamentale, le président élu prête serment devant la Cour suprême avant d”entrer en fonction. Après la cérémonie d”investiture, et dans un délai de 48 heures, le président ou la présidente de la Cour suprême reçoit publiquement la déclaration écrite des biens du président de la République.
LA JUSTESSE D”UN CHOIX :
Quand le greffier en chef procéda à la lecture de l”article 37 de la Constitution et de l”arrêté 175 de la Cour constitutionnelle, la présidente de la Cour suprême passa la parole au procureur général près la Cour suprême, l”ancien ministre Cheickna Detteba Kamissoko pour ses réquisitions. Dans son réquisitoire, celui-ci rappellera, comme il est convenu, la quintessence du serment présidentiel qui s”articule autour des concepts comme la Nation, la République, la Constitution, l”exercice de la fonction présidentielle dans l”intérêt supérieur du peuple, la sauvegarde de l”unité nationale et de l”intégrité territoriale du pays, la préservation des acquis démocratiques et l”engagement à tout mettre en œuvre pour la réalisation de l”unité africaine.
C”est ainsi que le procureur général près la Cour suprême a insisté sur les qualités du président Touré et de son épouse présente dans la salle. Il a souligné la justesse du choix de consensus politique qui a guidé le président de la République au cours de son premier quinquennat. Cette démarche, a-t-il dit en substance, ne signifie pas compromission, mais elle représente à contrario "le toit de l”édifice démocratique que notre peuple a décidé de bâtir". "Nous nous devons de réussir la lutte contre la pauvreté et la précarité", a souligné Cheickna Detteba Kamissoko qui a tenu à mettre en exergue les nombreuses réalisations entreprises au cours du premier quinquennat : infrastructures, logements sociaux, santé (notamment la gratuité de certains soins), écoles, affermissement de la démocratie, bonne gouvernance, une politique volontariste de création d”emplois et de lutte contre la pauvreté.
"Nous devons vous accompagner dans cette tâche", a conclu le procureur général avant d”inviter la Cour "à donner acte au président élu de son serment et de l”envoyer dans l”exercice de ses fonctions". Il avait au passage rendu hommage à tous ceux qui ont contribué à la bonne organisation du scrutin. Du planton à la Cour constitutionnelle en passant par le ministère de l”Administration territoriale et des Collectivités locales, la CENI, la Délégation générale aux élections, le Comité national de l”égal accès aux médias d”État, la presse d”État.
C”est ensuite que le président Amadou Toumani Touré, debout face aux membres de la haute juridiction, la main droite levée, a prêté serment selon la formule consacrée : "Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de remplir mes fonctions dans l”intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l”unité nationale, l”indépendance de la patrie et l”intégrité du territoire national. Je m”engage solennellement et sur l”honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l”unité africaine".
À VIE : Après cette séquence très solennelle, le Grand chancelier des ordres nationaux, le colonel Kokè Dembélé, conformément à la loi du 31 août 1961 modifiée par la loi du 31 mai 1963, elle-même modifiée par la loi 1991-053/AN-RM du 19 février 1991, reconnaîtra Amadou Toumani Touré comme le Grand maître de l”Ordre national du Mali. Il s”agissait effectivement d”une simple reconnaissance car le Grand chancelier l”avait déjà proclamé Grand maître en 2002. Cet attribut est symbolisé par le collier d”or que tous les présidents successifs du pays ont eu l”honneur de porter.
Par contre, le président réélu n”a pas reçu les insignes de la dignité de Grand croix de l”Ordre national du Mali qui sont décernés à vie. Amadou Toumani Touré arborait d”ailleurs à son arrivée à l”audience le ruban symbolisant la dignité de Grand croix de l”Ordre national du Mali.
Renvoyé ainsi à l”exercice de ses fonctions par la Cour, le président Touré a prononcé son discours d”investiture, dernier acte d”une cérémonie marathon retransmise en direct sur les antennes de la radio et de la télévision nationale. Dans cette adresse très attendue, le président de la République s”est engagé à édifier un État fort et à œuvrer pour une administration efficace. Le chef de l”État a insisté sur la nécessité d”un véritable changement de comportement à tous les niveaux. Il a promis d”améliorer les conditions de la femme en l”insérant davantage dans le processus de développement économique et de prise de décision. Les efforts en faveur de l”emploi des jeunes et une éducation adaptée à nos besoins seront poursuivis. Bien entendu, le président Touré ne pouvait oublier dans son adresse, ses amis, les enfants qui constituent d”ailleurs le principal motif de son engagement.
En somme Amadou Toumani Touré a délivré un véritable message de générosité pour ce second quinquennat. Et la vraie générosité envers l”avenir consiste à tout donner au présent, a-t-il dit. Nous vous proposons du reste l”intégralité du discours présidentiel.
B. COULIBALY
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