Pour ce que notre cher Mali est devenu aujourd’hui, le citoyen ordinaire ne peut que prononcer une oraison funèbre…
C’est l’histoire d’un Etat, d’une nation qui fut unique en Afrique : le plus grand empire noir jamais constitué, les plus grands guerriers, les meilleurs commerçants. C’est l’histoire d’une nation qui a été l’objet de respect. Des hommes et des femmes dignes et fiers. Ce pays, c’est le Mali. Une nation qui avait pour bases : l’honnêteté, le respect de la parole donnée, l’intégrité, le sens de l’honneur et de la dignité. A cette époque, les troubadours et les saltimbanques étaient bien identifiés, amuseurs publics.
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Nous sommes en 2007, le Mali existe encore et mieux, il vient d’organiser une élection présidentielle. Cela signifie, donner au peuple l’occasion d’exprimer son opinion, en choisissant librement et souverainement son président de la République. Dans les pays civilisés, dans les pays où l’on a encore le sens de la dignité et de l’honneur, le citoyen est traité comme un adulte, on lui laisse la liberté de choix et sa décision est respectée.
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Dans une tribu noire autrefois appelée Soudan français, les hommes refusent d’évoluer. Ceux qui sont chargés de prendre l’avis du citoyen ne mesurent pas l’ampleur de leurs responsabilités. Ils n’ont peur ni de Dieu ni du jugement de l’Histoire. Ils ne pensent qu’à l’instant présent, à la gloire du pouvoir immédiat, aux richesses qui s’acquièrent comme par magie, en suçant comme un vampire le sang de ses compatriotes.
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Alors, pour que cette élection démontre encore une fois de plus que l’Afrique est un continent maudit, que cette terre noire de monde et de couleur ne se hissera jamais à la hauteur du monde moderne, les hommes et femmes ont retrouvé leur réflexe inné : la fraude, les procurations à tour de bras, une administration sans principes qui se voue corps et âme au triomphe du mensonge puis, le pire, une race de politiciens prête à tout pour que la ripaille aux deniers publics se poursuive.
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Ce Mali que nous voyons aujourd’hui chavire comme un navire sans gouvernail ; ceux qui sont en première classe et leurs amis ont le sourire carnassier du loup qui a abattu la biche par une attaque traîtresse. Puisqu’il n’y a plus de honte dans ce Mali qui fut glorieux, chacun se glorifie de son apport funeste à la mascarade.
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Le peuple éberlué hausse les épaules et devient cynique. Les Maliens sont tellement écœurés de leur vie politique qu’à peine 30 % parmi les plus braves daignent se rendre aux urnes. A quoi bon perdre une matinée entière à accomplir un devoir civique quand ce vote ne sert qu’à narguer ; à démontrer qu’il n’est qu’un ectoplasme et que les vraies décisions se prennent ailleurs.
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Les observateurs observent, mais ne voient rien…
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Enfin, ces élections sont venues encore une fois confirmer ce que les vrais démocrates pensent de la nouvelle racaille qui essaiment l’Afrique : les observateurs internationaux. Il paraît qu’ils sont experts en observation des élections ; aucun pays sérieux du monde ne les invite puisque dans ces contrées, les gens sont assez civilisés pour comprendre ce que signifie le suffrage universel. Il ne reste aux observateurs que la maudite terre de nos ancêtres.
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Ils arrivent en grand nombre, bien badgés, costume serré de zouave et cravate de nécrophile, ils dorment dans de confortables hôtels, font des tours rapides, à bord de voitures climatisés dans quelques bureaux, interrogent à la sauvette quelques délégués et se sauvent bien, histoire de retrouver la fraîcheur du véhicule ou le confort de la chambre d’hôtel.
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Le lendemain, ils organisent une conférence de presse et leur porte-parole nasillard affirme solennellement : « Tout s’est bien passé, ces élections sont parfaites ». Comme au Togo où l’on voyait des soldats bastonner les scrutateurs et emporter les urnes alors que les observateurs, surtout les excellents comédiens de la Cédéao criaient la perfection.
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Il faut beaucoup de foi et de persévérance pour croire que notre chère Afrique sortira un jour du cycle de malédictions qui le frappe. Il faut de la foi pour croire qu’un jour, le flot de morts de Ceuta et Mellila s’arrêtera. Il faut de la sainteté pour croire qu’un jour, un seul pays d’Afrique servira d’exemple au monde. Il faut de la patience et du travail pour croire qu’un jour, sur cette terre qui a vu naître l’humanité, les hommes abandonneront leur instinct au profit de leur raison.
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Ce n’est pas une pathétique auto-flagellation, c’est le cri du cœur d’un enfant d’Afrique fatigué d’endurer, depuis sa naissance, les railleries du reste du monde. Nous sommes pauvres, nous sommes noirs, personne ne nous aime. Nous sommes encore incapables d’imposer aux autres le respect par le travail, le sérieux, l’honneur et la dignité.
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C’est Malcom X qui disait un jour et réfléchissez-y : « L’homme noir se plaint de racisme et de rejet mais il ne cherche jamais à connaître les causes ; l’homme noir se plaint d’être pauvre mais entre le travail et la mendicité, il préfère le second ; l’homme noir se plaint de la méchanceté du Blanc mais il vend son frère comme esclave et empoche le magot. L’homme noir ne veut pas comprendre que le travail seul le sortira de la situation de mépris. Il préfère se payer des habits chers et rouler carrosse croyant que cela lui attirera le respect et la sympathie ».
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Ousmane Sow
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(journaliste, Montréal)
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