En ce vendredi matin, 2 mars 2007, nous subissons à Montréal la deuxième grosse tempête de neige de l’année. Les piétons et automobilistes qui sortent de chez eux par nécessité s’exposent aux risques de glissade et de dérapage dangereux. Glissant et périlleux est aussi le terrain politique où des dérapages verbaux de la veille incommodaient encore des acteurs de ce milieu.
Malgré cette température glaciale, les politiciens québécois qui sont à leur dixième journée de campagne électorale ne chôment pas du tout. Devant mon écran de télévision, j’ai vu M. Jean Charest, chef du Parti libéral du Québec, Premier ministre sortant (équivalent du président de la République au Mali) qui réagissait pour la toute première fois, en point de presse, au dérapage médiatique d’hier jeudi en ces termes : « … Ces commentaires sont inacceptables… c”est l”occasion de faire le point et de dire que nous voulons faire campagne sur les idées et sur le fond et non pas sur les questions qui relèvent de la vie privée des personnes ».
Le plus haut dirigeant du Québec intervenait ainsi suite aux nombreux commentaires soulevés par les propos d’un animateur de radio. Celui-ci déclarait qu’il ne pense pas que les gens voteraient pour des « tapettes » que sont André Boiclair, le chef du Parti québécois (opposition officielle) et un de ses candidats à la députation qui ont tous deux déclaré leur homosexualité bien avant la campagne électorale.
Je me tourne vers mon écran d’ordinateur pour avoir des nouvelles du Mali où règne une turbulente atmosphère de campagne déguisée depuis plusieurs mois pour la présidentielle du 29 avril prochain. Une fois de plus, je vois sur Internet un des articles pleins d’insanités préparés et propagés par des médias d’information qui font honte à la civilité légendaire du Mali.
En approuvant et publiant un article truffé d’attaques personnelles et de propos diffamatoires comme « … Ibrahim Boubacar Kéita alias IBK continu de boire de l’alcool… dans les missions à l’étranger, il titube dans les réceptions sous le coup de l’ivresse… » la presse est-elle capable d’apporter la moindre précision crédible de lieu, de temps ou de témoignage sur une telle affirmation ? De même qu’IBK, tous ceux qui ne louangent pas le président de la République sont souvent attaqués dans leur vie privée.
Comme l’a fait l’homme fort du Québec, c’est le président ATT qui doit intervenir pour mettre fin à de telles campagnes de désinformation, d’intoxication, d’injures et de diffamations contre les personnalités du pays. Les critiques sont démocratiques mais les attaques personnelles impunies sont oligarchiques. Une telle impunité favorise des comportements anarchiques qui fragilisent la paix sociale. Oui, c”est le président ATT qui insinue et encourage de telles pratiques antidémocratiques. Par concision, je ne soulignerai que deux preuves justifiant mon affirmation :
Au moment où IBK était la seule personnalité à désapprouver publiquement l’Accord d’Alger signé le 4 juillet entre le gouvernement et les rebelles de Kidal, le ministre Ousmane Thiam, porte-parole du gouvernement, a ainsi répliqué : « … Il y a des gens qui prônent la guerre parce qu’ils ont leurs familles à l’étranger. Mais ATT, lui, a sa famille à Bamako… », rapporte le journal L’Observateur du 31 juillet 2006 sous la plume d’Abdoulaye Diarra.
Cette attaque personnelle de la part d’un ministre de la République est fallacieuse. Car, ce n’est pas la famille d’IBK qui est à l’étranger mais plutôt deux de ses enfants étudiants. S’il est un délit pour tout parent malien d’envoyer ses enfants à l’étranger, le très dévoué ministre Thiam doit savoir que les deux filles de son employeur président ATT ont étudié ici au Canada pendant près d’une dizaine d’années avant de rejoindre leur père à la présidence au Mali.
Au tour du président ATT qui est allergique aux critiques d’abonder dans le même sens que son ministre avec un ton menaçant pour protéger seulement son entourage et lui-même. C’était le mardi 10 octobre 2006, lors d’une cérémonie à l’Ecole nationale de police, que ATT lança en bamanan : « Ceux qui se lèvent, parlent mal du président et des siens, il faut qu’ils arrêtent sinon nous allons les y obliger, d’une manière ou d’une autre », rapporte Abdoul Karim Dramé, journaliste indépendant.
Je viens de fouiller dans mes archives de journaux maliens constituées de juin 1990 à maintenant. Je n’y ai pas trouvé un seul mot d’IBK attaquant la vie privée d’une personnalité malienne. Je crois qu’il n’a jamais prononcé ce genre de mot immoral. Peut-être que je me trompe. Dans ce cas, si quelqu’un a connaissance d’une intrusion verbale d’IBK dans le domaine privé d’une des personnalités, qu’on le porte à ma connaissance et à celles de tous les lecteurs et auditeurs.
Si le président de la République avait réprouvé les attaques malicieuses de la vie privée d’autrui faites par son ministre et des journaux, nos valeurs socioculturelles seraient préservées de toute dégradation contagieuse. Ainsi, la forte tension électoraliste baisserait.
Toutes personnes et tous médias qui participent à la fabrication et la propagation des propos injurieux et diffamatoires sur la vie privée des autres, contribueront à augmenter l’estime des personnes offensées dans le cœur de nos compatriotes. Car, culturellement le Malien répugne la provocation futile.
S’évertuer à vilipender des personnes publiques, c’est prouver l’enfantillage de son âge mental. ATT pourra fermement les rappeler à l’ordre s’ils ne sont pas vraiment à ses ordres.
Lancine Diawara
(écrivain et animateur de radio à Montréal, Canada)
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