“On peut vouloir une chose, on peut se battre pour une chose, mais Allah décide”, déclarait-il en juillet 2000.
Amadou Toumani Touré est en passe d’être réélu, dès le premier tour, pour un second à la tête du Mali. Mais le scrutin est contesté par les quatre candidats du Front pour la Démocratie et la République (FDR) dont le RPM d’Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK). Qu’IBK soit à la tête de cette contestation électorale étonne, car, l’homme, pour expliquer qu’il n’est pas un chercheur forcené du pouvoir ou un assoiffé de pouvoir, déclarait à la presse en juillet 2000, à propos de l’élection présidentielle :”En tant que croyant, il est dit que l’avenir appartient à Allah Soubhana Watallah .On peut vouloir une chose, on peut se battre pour une chose, mais Allah décide”. S’il avait respecté ce serment en 2002, malgré certaines pressions, force est de constater qu’avec ce qu’on constate à l’occasion l’élection présidentielle de cette année, on peut se demander si l’homme n’est pas entrain de perdre la foi.
La gifle électorale aux frontistes
Après un premier mandat bien rempli à la tête du Mali, ATT a été réélu par son peuple pour un second mandat. En attendant a proclamation définitive des résultats par la Cour Constitutionnelle dans les jours à venir, le président sortant est passé, le 29 avril, dès le premier tour du scrutin face à sept adversaires. Les résultats provisoires du vote publiés par le ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, le Général Kafougouna Koné, le placent en tête avec 70,89%.
IBK, son principal adversaire, au cours de ce scrutin, n’a pas 20%. Ne parlons pas non plus des trois autres camarades du FDR, à savoir Tiébilé Dramé du Parena, Mamdou Bakary Sangaré “Blaise” de la CDS-Mogotigiya et Soumeylou Boubèye Maïga de Convergence 2007.. Si les frontistes juraient de réaliser l’alternance en 2007 en chassant ATT de Koulouba, ce dernier les a tous humiliés électoralement dans leurs fiefs respectifs. Alors ils n’ont que la contestation pour justifier leur humiliante défaite, eux qui avaient crié avant victoire. Car, dit un adage de chez-nous “bi baga dalakolontè (le vaincu cherche toujours un prétexte pour justifier sa défaite”. Or, chacun sait que la contestation des résultats électoraux est monnaie courante en Afrique.
Et si le RPM vendait la peau de l’ours avant de l’avoir abattu ?
Après une première tentative en 2002 soldée par un échec, le RPM misait gros sur 2007. C’est pourquoi,il a annoncé la couleur lors de son congrès de janvier dernier en investissant son candidat et en prenant des résolutions. Et le ton est devenu plus que jamais va-t-en guerre. En effet l’une des principales résolutions stipule que “le congrès invite le parti à tout mettre en oeuvre pour réaliser l’alternance en 2007.”
Et Amadou Baba Wagué, dans l’organe du parti, “Le Tisserand” daté du 31 janvier 2007 d’enfoncer le clou dans un papier intitulé “présidentielle 2007” <<nous gagnerons>>”, lorsqu’il écrit :“Depuis le dimanche 28 janvier à 17 heures, voilà chose faite. Le 2ème congrès ordinaire du RPM, remarquable de par son organisation et sa mobilisation, a investi Ibrahim Boubacar Kéïta, comme candidat du parti aux prochaines présidentielles. Qu’ils se détrompent donc, ceux qui pensaient que ces dernières seront une promenade de santé pour le sacre du bonapartisme ambiant Al Hamdullilah ! Allelua !”
Malheureusement, les élections ont prouvé que le pétard des Rpmistes était mouillé. Le slogan “En avant pour la victoire !” est devenu “en avant pour la défaite”. Tant leur candidat est passé totalement à côté de son sujet. Où est donc passée“l’opération 3 millions de femmes pour IBK” lancée avant boucan et fracas par le RPM?.
Pourtant, le président du RPM savait qu’il ne pouvait pas gagner. Et ce n’est pas nous qui le disons. Cela vient des rangs de son propre parti. Des caciques du parti nous confient que IBK a reçu de l’argent de l’extérieur (de la part du président Bongo, comme ce fut le cas,semble-t-il en 2002 ?). Convaincu qu’il ne peut pas gagner , il n’a pas accepté de dilapider le tiers de ces sous dans la campagne pour une élection perdue d’avance. D’ailleurs, le peu d’argent mobilisé par lui ont dû être détournés par des barons du BPN. Ceux-ci étaient persuadés que les Maliens ne sont pas prêts à confier leur destinée à un homme comme IBK.
Dans les coulisses, il faudrait craindre une crise dans l’atelier du tisserand. Car, IBK serait prêt à demander des comptes “aux vautours” après la présidentielle. A défaut d’éviter une telle situation voudrait quand même retarder l’échéance. Et ils sont donc entrain de prier Dieu que le parti persévère dans la logique de la contestation et de la violence afin d’amener le président à s’occuper d’autre chose et non penser à eux. Est-ce à dire donc qu’IBK est pris en otage par son entourage ?
Cette question a son sens quand on sait que dans certains milieux proches de son parti, Ladji Bourama est allé aux élections présidentielles comme candidat contraint et forcé. Car, tout refus de sa part l’aurait exposé à des menaces de mort de la part de certains de ses camarades. Mais en allant aux élections, le RPM sait aussi qu’il faut forcément un gagnant et un ou des perdants.
L’incompris IBK
En tout cas, IBK le sait. Il l’a fait savoir, au cours d’une grande interview accordée aux rédactions du “Nouvel Horizon” et de “Le soir de Bamako” dans la matinée du mercredi 12 juillet 2000 chez lui à Sébénicoro. A cette époque, le président de l’ADEMA d’alors était conscient des bruits qui couraient par rapport à 2002. “Je suis trop croyant pour tomber dans ces genres de vanité. Seul Allah Soubhana Watallah, le Tout Puissant sait qui sera là” nous avait-il répondu.
Ces propos expliquent jusqu’à quel point l’homme a la foi. Tellement il croit en Dieu qu’il reste convaincu que c’est Allah qui donne le pouvoir à quelqu’un. A preuve, dit-il, “Quand on sait qu’on est une créature de Dieu et qu’on est en démocratie et que les sorts, quels qu’ils soient faits par les hommes, par une volonté unique, on doit être modeste, humble. Et pas comme Jupiter, tenant du haut de l’Olympe, penser qu’on peut dire la loi et écraser…”
Voilà peut-être l’une des raisons qui avaient poussé IBK à la retenue malgré la suspicion de tripatouille lors de la présidentielle de 2002. En dépit de l’insistance de certaines personnes, il a refusé d’appeler à la violence pour revendiquer une éventuelle victoire. Comme l’avait fait son ami, Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire en 2000. Il a plutôt appelé, au nom du RPM et de Espoir 2002, à voter pour ATT au 2e tour contre Soumaïla Cissé. Certainement Dieu avait décidé ainsi. Et ce n’est pas le président du RPM qui soutiendra le contraire. Il a donné l’impression de rester fidèle à ses propos de 2000 au moment où il ne savait même qu’il serait candidat. Des propos qui expliquent son fair-play électoral. Car, pour lui,” En tant que croyant, il est dit que l’avenir appartient à Allah Soubhana Watallah. On peut vouloir une chose, on peut se battre pour une chose, mais Allah décide.”
Curieusement, on a l’impression de n’avoir pas en face le même homme de 2000 et de 2002 avec ce qui se passe maintenant. par rapport à la contestation des résultats électoraux. Avec la logique de violence affichée tant au RPM qu’au FDR, on est en droit de s’interroger si IBK ne serait pas entrain de perdre la foi parce que devenu un chercheur forcené voire un assoiffé de pouvoir. Sinon de la façon dont il a pu accepter la situation électorale de 2002, de la même façon, il devrait se plier devant la volonté de Dieu exprimée à travers le vote des Maliens le 29 avril dernier.
Mais en multipliant des propos du genre “j’ai cédé ma place de premier à ATT pour sauver le Mali en 2002” , “le RPM ne se laissera pas gruger en 2007” , IBK qui a effectué le pèlerinage à la Mecque révèle finalement qu’il est tout sauf un “Kankélétigui”. Ses pleurs et son comportement consistant à amener ses compatriotes à s’apitoyer sur son sort ne cachent-ils pas un petit quelque chose que les Maliens seraient entrain de découvrir ?
Oumar SIDIBE
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