Dans une interview qu”il nous a accordée, mardi après-midi, le Délégué général aux élections, le colonel Siaka Sangaré, donne des éclaircissements sur toutes les préoccupations des uns et des autres sur le fichier électoral. Tout en reconnaissant qu”un fichier n”est jamais parfait, il assure sur la fiabilité du fichier électoral et souligne les efforts de sa direction pour le rendre encore meilleur.rn
Les Echos : Quel est le rôle de la DGE dans l”organisation des élections ?
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Siaka Sangaré : Le rôle de la DGE dans l”organisation des élections se résume essentiellement à deux missions. L”élaboration et la gestion du fichier électoral, la confection et l”impression des cartes d”électeur. Ces deux missions sont essentiellement liées à l”organisation des élections. Il y a une 3e mission qui a trait au financement des partis politiques. Nous avons également une 4e mission qui n”est pas systématique, c”est l”assistance à la Commission électorale nationale indépendante (CNI) à la demande de celle-ci.
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Les Echos : Est-ce que vous jouez pleinement votre mission aujourd”hui ?
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S. S. : Il appartient aux autres de nous apprécier. Nous pensons que nous faisons ce qui nous a été demandé dans la mesure de nos moyens. Vous savez, la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu”elle a.
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Les Echos : Le Front pour la démocratie et la République dénonce d”énormes irrégularités sur le fichier électoral, des personnes décédées qui ne sont pas radiées, des doublons, la carte d”électeur d”un Sikassois qui se retrouve en France. Qu”est-ce qui explique, selon vous, ces anomalies ?
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S. S. : Il n”y a jamais eu de fichier parfait, nulle part au monde. Même dans les démocraties les plus avancées, il y a des fichiers à problème. En 2004, aux USA, le décompte des voix était dû à un problème de fichier. La France a connu des problèmes de fichier lors de l”élection de 2002, etc. C”est pour dire qu”il y a des fichiers fiables, mais jamais parfaits.
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Au moment où je vous parle, il y a des électeurs qui sont en train de mourir.
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L”un des problèmes de notre fichier électoral est que nous avons un état-civil qui n”est pas fiable. Selon les statistiques, seulement 30 % des décès sont déclarés à la mairie, 70 % non déclarés ne pourront pas faire objet de radiation.
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Les doublons s”expliquent par le système mis en place en 2001 lors du Recensement administratif à caractère électoral (Race). Le recensement a connu beaucoup de faiblesses et d”insuffisances. A l”époque, le ministre Ousmane Sy a eu le courage politique et l”honnêteté intellectuelle de parler de ces faiblesses qui se sont répercutées sur le fichier actuel.
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Le recensement devait être physique. Au lieu de cela, des agents de recensement ont fait le travail sur la base des listes de membres de famille. Des membres d”une famille qui se trouvaient, par exemple dans un pays étranger, ont été inscrits. Ajouter à cela les erreurs de frappe ou de saisie des agents. C”est ce qui explique toutes ces anomalies que nous corrigeons au fur et à mesure pour rendre ce fichier meilleur. Nous avions pensé qu”à l”occasion des révisions des listes électorales, on pouvait corriger ces lacunes. Malheureusement, malgré notre bonne foi, ces insuffisances n”ont pas pu être toutes corrigées.
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Les Echos : Est-il vrai que vous avez délibérément enlevé le fichier électoral du site Internet durant le week-end dernier ?
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S. S. : Pas du tout. Quand j”étais en tournée dans la région de Ségou avec le Premier ministre, j”ai reçu des coups de fil de Paris selon lesquels le site de la DGE a explosé. N”étant pas à Bamako, j”avais eu peur. Mais après vérification, il n”en était rien. Effectivement, le site a eu quelques difficultés pendant quelques heures. Mais, c”était indépendant de notre volonté. Ce site est hébergé à l”extérieur du Mali, c”est pour cela que c”est le .com. Nous avons fait cela dans le souci de permettre au maximum de Maliens de pouvoir travailler en même temps sur ce site.
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Si on avait hébergé notre site à Bamako, c”est sûr et certain qu”il aurait été bloqué depuis longtemps. Sinon pour quelle raison et pour quel intérêt, nous allons fermer le site ? Nous avons des gens qui veillent 24 h sur 24 sur ce site pour que des difficultés ne se posent pas.
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Les Echos : Des citoyens auraient été appréhendés avec de vrais bulletins de vote, notamment à Koutiala et à Kadiolo. Qu”est-ce qui explique cette fuite avant le jour de l”élection ?
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S. S. : Je pense qu”il faut d”abord vérifier qu”il s”agit de vrais bulletins qui serviront le dimanche prochain. Donc, c”est à partir de là qu”on peut avoir des sentiments. Pour le moment, il n”y a que des rumeurs et honnêtement, je n”ai pas vu un exemplaire de ces bulletins.
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Les Echos : Pourquoi avez-vous refusé l”audit du fichier ?
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S. S. : Non, non (rires), je n”ai pas refusé l”audit du fichier. Pas du tout. Depuis le jour où cette question m”a été posée, j”ai dit que l”audit du fichier ne nous dérange pas du tout, mais nous voulions qu”il se fasse dans un cadre institutionnel et légal. La loi ne parle pas de l”audit du fichier et les dispositions prévues dans la loi permettent, à l”occasion des révisions, à tous les citoyens de pouvoir vérifier, contester l”inscription ou la radiation de tel électeur. Ça, ce sont des aménagements qui permettent à tous les citoyens et aux partis politiques de se rassurer de la qualité du fichier électoral. Et on en n”a pas parlé beaucoup, mais à l”occasion de la révision des listes électorales de 2006, il y avait 65 partis politiques. C”était l”occasion, à mon avis, de le faire. Nous avons accepté de mettre le fichier électoral sur l’Internet, donc, nous l”avons soumis au contrôle général de l”ensemble des citoyens du Mali. Et pour quelle raison, nous allons refuser un audit ? Nous avons dit que s”il y a audit, il relève d”une décision politique et c”est pour cela que nous nous sommes fait le devoir de transmettre la lettre de requête du FDR au gouvernement du Mali.
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Les Echos : Alors, pourquoi avoir rappelé en urgence les opératrices de saisie à partir du moment où vous avez annoncé en grand fanfare le verrouillage du fichier ?
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S. S. : C”est vrai que depuis quelques jours, nous avons fait appel à des agents de saisie pour la simple raison que quand nous avons mis le fichier sur Internet, dans le communiqué, il est précisé que les données de certaines juridictions diplomatiques et consulaires dont Ouagadougou, Niamey, Accra, Abuja, Libreville et Dakar le seront ultérieurement, pour la simple raison qu”il y avait des opérations de réconfiguration des bureaux de vote dans ces juridictions. Parce que les projets de configuration des bureaux de vote que nous avons reçus n”étaient pas exploitables. Nous sommes revenus là-dessus. Nous avons envoyé des missions dans ces juridictions pour les aider à réconfigurer les bureaux de vote. Cette réconfiguration s”est traduite par une nouvelle affectation des électeurs entre les bureaux de vote. C”est ce que nous avons voulu faire ces 2 jours et ça a pris fin depuis lundi dernier. Nous avons imprimé tout simplement les listes d”émargement et les extraits de listes des bureaux de vote que nous avons envoyées. Sinon, nous n”avons pas fait de rappel de troupes.
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Les Echos : Il y a des personnes recensées, qui disposent de leur carte jaune, mais qui n”arrivent pas à retrouver leur nom. Comment expliquez-vous cela ?
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S. S. : Nous l”avons effectivement remarqué. Mais, il faut préciser que l”opération d”inscription comporte deux phases : la phase de recensement qui, en fait, est menée par les mairies et la phase d”inscription qui est exécutée par les commissions administratives. Le plus souvent, les gens partent se faire recenser au niveau de la mairie. Mais, ils ne vont pas se faire inscrire au niveau des commissions administratives ou les agents de la mairie ne transmettent pas normalement les copies de ces recensements aux commissions administratives.
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Nous avons enregistré ces cas symptomatiques en 2002, le candidat Maguiraga, en 2002 s”était fait recenser à la mairie de la Commune IV et il ne savait pas qu”il fallait se faire inscrire auprès de la commission administrative de cette commune. Il avait sa fiche jaune, mais il n”était pas inscrit. C”est ce qui arrive à beaucoup de citoyens et c”est très dommage. Ça fait très mal. Ce sont les mairies qui devraient expliquer cela aux citoyens qui vont se faire recenser.
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Les Echos : Quelle explication donnez-vous à la forte disproportion entre le nombre de cartes d”électeurs 7,2 millions et la taille réelle de la population électorale ?
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S. S. : C”est aussi simple et c”est une explication que nous avons toujours donnée. Et je suis étonné que cette année, le problème se pose avec beaucoup d”insistance, avec beaucoup de suspicion. En 2002, il y avait 5 746 202 électeurs et on avait commandé 6 500 000 cartes. La différence était de 753 790 cartes. Personne n”a levé le petit doigt pour protester. En 2004, le nombre de cartes d”électeurs commandées est de 6 884 524. Le nombre de cartes commandées est 7 200 000, soit une différence de 315 473. Vous voyez que l”écart en 2007 est le plus faible quand on compare les chiffres des 3 échéances électorales.
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Donc, je ne comprends pas pourquoi les gens posent beaucoup plus de problème cette année et qu”il n”en a été. Cette année, nous avons imprimé les cartes d”électeurs par bureau de vote, et normalement à la fin de l”impression des cartes de chacun des bureaux de vote, il y a des cartes qui restent et qui doivent être invalidées. La dernière carte du bureau de vote peut être la première carte de la dernière page. Chaque page a huit cartes. Donc, ça veut dire qu”il y a 7 cartes qui sont invalidées. Quand vous faites le rapport en tenant compte des 20 000 bureaux de vote, ça fait au moins 150 000 cartes invalidées à cause seulement de l”impression.
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Ensuite, il y a des cas malheureux. Par exemple, à Libreville, les documents ont été mouillés par la pluie, heureusement qu”on n”a pu sauver les cartes. Si celles-ci avaient été détruites, je vous assure que je n”aurai pas les moyens de reprendre les cartes d”électeurs de Libreville qui fait plus de 24 000 électeurs. A la date d”aujourd”hui, il ne me reste que 12 000 cartes d”électeurs de l”étranger. C”est pour dire que nous prenons une certaine marge de sécurité pour que nous ne tombons pas en panne dans ces domaines.
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Propos recueillis par Alexis Kalambry et Sidiki Y. Dembélé
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