Dans la nuit de jeudi à vendredi 13 avril dernier, lors d”une rencontre avec le secteur privé au CIBC, le président sortant, ATT a déclaré que ce pays (le Mali) peut se développer sans le concours des intellectuels et que de façon générale, le rôle de ces derniers dans un processus de développement socio-économique est nul au Mali comme partout ailleurs dans le monde.
Le propos pouvait surprendre s”il était prononcé par un néo-alphabète. Mais, venant d”un candidat, dont les concurrents directs font partie de la crème de l”intelligentsia de ce pays, il paraît grave.
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Au vrai, le président ATT n”en est pas à sa première bourde. On se souvient que dans un passé récent, lors d”une rencontre avec nos immigrés, des hommes et des femmes que le mal vivre au pays natal a mis sur la route de l”exode, il avait déclaré haut et fort qu”il ne les avait pas fait voyager dans ces pays et que ce n”était pas à lui de les faire en revenir.
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Un homme capable d”une telle énormité à l”endroit de ses compatriotes chassés du pays par la dèche apparaît plutôt comme le frère siamois du général Lansana Conté qui était descendu, il y a de cela quelques mois, dans les prisons de Conakry, pour libérer des prisonniers régulièrement enfermés par la justice guinéenne et déclarant aux juges : "L”Etat et la justice, c”est moi", et allez-vous faire…
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Le président ATT, qui pouvait être un professeur d”histoire et de géographie, sait très bien le rôle joué par les intellectuels dans ce pays. Ils ont mené le combat politique ayant conduit à l”indépendance en 1960 et transformé l”embryon d”Etat colonial en véritable Etat national et si lui-même avait pu entrer à l”EN secondaire de Badalabougou dans les années 1969-1970, c”est parce que d”autres, les intellectuels, après avoir fait partir les colons, avaient mis en place un enseignement de masse et de qualité dont il profita largement avant d”aller à l”armée.
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Devant tant de faits d”histoire avérés, quand il se met à mépriser les intellectuels ou à nourrir de la haine pour eux, c”est que manifestement, il ne sait pas ce que c”est un intellectuel ou réduit les intellectuels aux lettrés moyens et supérieurs du Mouvement citoyen qui font la courbette devant lui nuit et jour pour avoir de la promotion.
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Fausse route
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Les misères du Mali commencèrent véritablement en 1968 quand les militaires firent irruption sur la scène politique et accaparèrent le pouvoir d”Etat. En 23 ans de despotisme obscur, ils ont détruit le peu que les civils, des intellectuels de différents niveaux, avaient accompli entre 1960 et 1968. En un quart de siècle, en dépit de tous les pouvoirs qu”ils s”étaient octroyés, ils n”ont fait de ce pays que la risée de la sous-région. En 1991, à l”avènement de la démocratie, on ne pouvait rien montrer comme réalisations du CMLN et de l”UDPM et il fallait repartir à zéro, ce que fit le président Alpha Oumar Konaré en 1992.
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Le Mali moderne dont tout le monde est fier aujourd”hui est l”œuvre des intellectuels regroupés dans les partis politiques et qui ont compris que sans leur participation, le développement de ce pays est un leurre. Les militaires en 23 ans de règne sans partage ayant montré leurs limites. De toute façon, il sera très difficile au candidat ATT de faire l”apologie du pouvoir militaire à ce peuple et, à s”entêter sur cette voie, il court carrément à son Thermidor.
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Il fait d”ailleurs fausse route quand il dit que les intellectuels sont des inutiles bardés de parchemins qui coûtent cher au pays parce qu”on ne connaît pas de pays qui s”est développé en dehors des compétences de ses ressources humaines civiles. Même le Second Empire, qui fut un pouvoir autoritaire comme celui d”ATT, a eu besoin des intellectuels de France et de Navarre pour se développer.
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Les pionniers à l”origine du développement américain n”étaient pas des officiers de l”armée, mais des savants, des écrivains et des philosophes de la société civile. Toutes les grandes inventions scientifiques proviennent des intellectuels, de même que les grandes œuvres littéraires. Alors, se mettre à marginaliser ce beau monde revient à dire qu”on est tout simplement contre le progrès de son pays.
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Mais, c”est vrai que certains parmi eux, à commencer par les écrivaillons du Mouvement citoyen ont complètement discrédité la classe en se faisant passer pour les griots du prince et ceci, dans le but d”avoir des miettes. C”est vrai aussi qu”au lieu de mettre en exergue leurs compétences, beaucoup ont choisi de faire la cour à Koulouba pour se faire une place à l”ombre.
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On ne peut donc pas prendre au sérieux des hommes et des femmes qu”on insulte la veille, mais reviennent demander pardon le lendemain matin à la première heure. Tout cela n”a rien à voir avec la qualité d”intellectuel qui est autre chose qu”ATT et son clan ignorent, n”ayant pu en être.
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Yiriba
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