Le discours d’investiture de ATT a levé un coin de voile sur de grandes ruptures en préparation et qui peuvent être mises en œuvre pendant le prochain quinquennat. Parmi elles, des réformes souhaitées et toujours revendiquées pendant son premier mandat par certains partis politiques ou même des associations, mais aussi la fin implacable de certaines référence historiques, et du consensus.
Ce qui a frappé plus d’un profane dans le discours d’investiture du Président Amadou Toumani Touré pour son second et dernier mandat, c’est qu’il proclame son accord avec les partisans du changement : "je suis d’accord … ça doit changer".
Les partisans déclarés du changement sont connus pour s’être battus ouvertement au sein du Front pour la République (FDR). Certains ont combattu l’immobilisme sous la bannière des associations, d’autres dans les partis politiques, mais tous se sont retrouvés pour un seul but, une foi au sein du FDR, dirigé par Ibrahim Boubacar Kéïta, président de l’Assemblée nationale du Mali.
Ce front pour le changement a généré quatre candidats dans ses rangs à l’élection présidentielle d’avril dernier pour apporter la contradiction au Président sortant Amadou Toumani Touré. Ce sont : Ibrahim Boubacar Kéïta (RPM), Tiébilé Dramé (Parena), Soumeylou Boubeye Maïga (Convergence 2007) et Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise (CDS).
Seuls le premier et le dernier cités étaient au rendez-vous de l’investiture du Président ATT pour son second mandat, le 8 juin dernier. Les explications à cette dispersion dans les rangs du FDR ont fusé dans la presse. On sait tout de même que IBK en particulier, en sa qualité de président de l’Assemblée nationale, ne pouvait rester en marge de la cérémonie d’investiture dès lors que le FDR qu’il préside n’a jamais démenti sa reconnaissance aux institutions de la République, notamment le Président de la République nouvellement élu.
ATT n’a d’ailleurs pas manqué, au delà de l’humeur, d’avoir un clin d’œil pour l’un des leaders du FDR dont le slogan célèbre fut : "la situation doit changer, la situation peut changer, la situation va changer". Sans dire le nom de Soumeylou Boubèye Maïga qui a boudé cette cérémonie d’investiture, ATT s’est dit d’accord avec cet opposant à son régime que la situation doit changer.
"J’engagerai toutes les réformes indispensables à la modernisation de nos institutions et à la consolidation de notre système politique", a affirmé ATT. Autre bout de phrase, autre clin d’œil, car les réformes dans le sens de la modernisation des institutions, auxquelles le Président a fait allusion ont été tout au long du précédent quinquennat les principales revendications du Parti pour la renaissance nationale (Parena) dirigé par Tiébilé Dramé.
Un troisième clin d’oeil enfin pour le FDR, va vers le président du RPM, le principal parti de l’opposition.
ATT va plus loin : le leader de l’opposition sera une personnalité reconnue de l’Etat. L’opposition aura eu satisfaction sur toute la ligne : ça va changer, les réformes seront mises en œuvre et l’opposition aura un nouveau statut. Ce temps apparemment de toutes les satisfactions marquera en outre une principale rupture.
L’opposition sera jetée dans son rôle implacable de "chien de garde" pour veiller à la sauvegarde de la démocratie. Pour cela, aucun contrat consensuel ne plane à l’horizon comme il n’en a jamais fait cas en vue du nouvel attelage. Cette volonté ferme du Président de donner un statut à l’opposition ou du moins à son leader peut témoigner de son option à la confiner dans son rôle pour lequel d’ailleurs elle mérite respect et considération.
ATT n’a pas échappé au discours populiste : son engagement d’assurer le bien-être de tous les Maliens, son objectif fondamental … comme celui de tout dirigeant d’ailleurs.
Temps de rupture également avec les idées du 26 mars en tant qu’idéaux : elles ne valent plus de références historiques pour la démocratie malienne. Hommage est rendu à son excellence le général Moussa Traoré qui a cessé d’être le dictateur du 26 mars.
Il est logé à la même enseigne que les Présidents Modibo Kéïta et Alpha Oumar Konaré, comme pour dire : ils ont tous perpétré leur "vendredi noir" et ils ont tous été nos leaders éclairés.
Grande rupture à l’entame du deuxième mandat de notre nouveau Président. Nous ne crions pas à la trahison. Mais les repères historiques comme le pont des martyrs, les places des martyrs dans nos grandes villes, le stade du 26 mars, le carré des martyrs, le monument des martyrs à l’entrée du Pont des martyrs … et le journal du 26 mars, que valent aujourd’hui ces références pour les générations futures ?
Cependant seul le décollage économique et social reste le maître mot dans le discours prononcé : "produire davantage, distribuer équitablement les fruits de la croissance, investir dans l’avenir et moderniser la santé". Ainsi soit-il !
Boukary Daou
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