Question : Monsieur Amadou Toumani Touré, vous êtes candidat à l”élection présidentielle. Quelles sont les motivations profondes qui vous ont incité à briguer la magistrature suprême ?
Amadou Toumani Touré : C”est tout d”abord la volonté de poursuivre la mission exaltante qui consiste à présider aux destinées de mon pays. Une mission que je considère comme un véritable sacerdoce car il s”agit pour moi de servir les Maliennes et les Maliens.
Il y a ensuite le fait que durant mon premier mandat, j”ai été conforté dans ma conviction qu”il est possible de développer le Mali, malgré les nombreuses contraintes et un environnement particulièrement difficile.
Les jalons que nous avons posés patiemment dans les différents domaines avec un grand impact économique ou social ont placé le Mali sur la voie du progrès. Nous sommes résolus à aller encore plus loin afin que le pays poursuive son développement.
Question : De quel projet êtes vous porteur pour le Mali ?
Amadou Toumani Touré : Je suis plus que jamais renforcé dans ma foi en un avenir meilleur pour le pays. Ces dernières années, de belles réalisations ont donné un nouveau visage au pays. Ce sont les bases d”un véritable décollage économique dont nous avons les clés en main. Il s”agit, ensemble de forcer notre destin. Pour qu”il en soit ainsi, je propose aux Maliens un Projet pour le développement économique et Social (PDES) qui est ambitieux mais réalisable.
Le PDES nous permettra de produire davantage, distribuer équitablement les fruits de la croissance, investir dans l”avenir et moderniser la société malienne.
Fort des résultats obtenus lors des cinq dernières années, le PDES ambitionne une croissance économique plus forte d”au moins 7% par an, de 2007 à 2012. Cet objectif de croissance économique s”appuie sur une stratégie de puissance agro-pastorale, la poursuite du vigoureux programme d”infrastructures de base, le développement du secteur privé et l”investissement dans les ressources humaines.
L”agriculture sera le levier de la croissance de notre économie et source de richesses pour nos populations dans le cadre d”un Mali exportateur de produits agro-alimentaires, transformés et labellisés. La Loi d”orientation Agricole en sera le véritable instrument de mise en oeuvre avec l”affectation de 20% du budget national par an. Notre volonté politique est d”amener l”agriculture malienne à une production de 10 millions de tonnes par an de céréales à l”horizon 2012 pour faire du Mali une puissance agricole.
Le PDES maintiendra le cap du développement des infrastructures afin d”atteindre le niveau critique indispensable à notre décollage économique. Ainsi, plus de 600 milliards Fcfa seront investis pour la poursuite du développement du réseau routier, plus de 700 milliards de Fcfa dans le cadre de la Politique Énergétique Nationale. L”expansion des infrastructures de télécommunication et des technologies de l”information permettra de mettre le Mali au diapason des évolutions du siècle et 10 000 logements sociaux seront réalisés à travers le pays.
La politique des villes secondaires répondra au souci d”une meilleure répartition spatiale des infrastructures et des opportunités économiques de proximité. Le secteur privé aussi sera encouragé à jouer un rôle primordial dans le PDES comme principal vecteur du développement. Dans le cadre d”une politique volontariste, plus de 400 milliards de Fcfa seront injectés dans l”économie réelle du Mali dans les cinq prochaines années en vue de créer les conditions favorables à l”essor du secteur privé. Nous veillerons à protéger les industries existantes et à conforter les industries naissantes.
Un soutien fort sera apporté aux projets d”entreprises dans le secteur agricole et des matériaux de construction, dans le secteur social et le tourisme avec pour objectif de doubler le nombre d”entreprises viables au Mali. Une Loi d”orientation du Secteur privé (LOSP) permettra dès 2008 d”entamer ce vaste chantier.
Question : La demande sociale est une donnée importante dans notre pays. Pensez vous que les politiques menées jusqu”ici sont bonnes ou allez vous en proposer de nouvelles ?
Amadou Toumani Touré : Quand on parle de demande sociale, il faut comprendre l”amélioration des conditions de vie des populations qui passe par un meilleur accès aux services de base à un coût acceptable, la création d”opportunités pour des activités leur assurant des revenus, l”éducation, la santé etc.
Dans tous ces domaines, le Mali a fait des avancées d”autant plus notables que nous avons subi de plein fouet les conséquences négatives d”éléments extérieurs comme la flambée des prix du pétrole, l”invasion acridienne et la crise ivoirienne.
Ce que nous avons réussi dans cet environnement hostile prouve qu”en y croyant et en se mobilisant, les Maliens sont capables de relever tous les défis. Nos compatriotes sont capables de juger les progrès réalisés, notamment la politique volontariste d”habitat social, l”accès gratuit aux soins, le désenclavement intérieur et extérieur etc. Le meilleur est encore à venir et je suis sûr qu”avec la confiance renouvelée de mes compatriotes le 29 avril prochain, nous fortifierons les piliers du Mali qui gagne.
Quand je vois le sourire qui illumine le visage des enfants, des femmes, des vieux et des jeunes, chaque fois que nous mettons à leur disposition de nouvelles infrastructures sociales, cela me conforte dans ma conviction que la politique n”a de sens que si elle permet de régler les problèmes des citoyens. Voilà d”où je tire la force de mon engagement et qui me conduit sur le terrain partout à travers ce grand et beau pays qui me tient à cœur.
Question : La nécessité d”une plus grande représentativité des femmes au niveau des prises de décision, semble rallier les suffrages même si la proposition d”introduire des quotas dans la loi électorale a été rejetée par l”Assemblée nationale. Que comptez vous faire personnellement pour la promotion politique des femmes ?
Amadou Toumani Touré : Je suis leur ardent défenseur et dans toutes les actions initiées durant mon mandat les femmes ont été prises en compte. Sans leur implication, il est illusoire d”envisager le développement du pays. D”ailleurs, c”est dans ce cadre que la proposition d”introduire des quotas dans la loi électorale a été faite avec mon assentiment. Je regrette que cette volonté n”ait pas rencontré un meilleur sort à l”Assemblée Nationale.
Ce n”est que partie remise et je suis déterminée à donner aux femmes la place qu”elles méritent dans tous les secteurs de la vie nationale. Dans la lettre que j”ai adressée aux Maliennes et aux Maliens, je me suis engagé à assurer au cours du prochain mandat, une plus grande représentativité des femmes dans les sphères de décision. Il est bon de rappeler que les 13,5 millions de Maliens sont en grande majorité jeunes et à dominance de sexe féminin. En effet, 48% de la population ont moins de 15 ans et environ 51% sont des femmes.
Les jeunes et les femmes sont le plus exposés au problème majeur du sous-emploi et du chômage. Il y a là un grand défi que notre pays doit relever. Le PDES nous offre cette possibilité. C”est ainsi qu”il ambitionne d”amener au moins la moitié de la centaine de services financiers décentralisés à se spécialiser dans l”insertion des femmes dans les circuits de production, notamment dans les régions particulièrement défavorisées du pays.
Question : L”insurrection armée de Kidal et Ménaka et le forum de Kidal ont rappelé la spécificité de la situation dans le nord du pays. Au cas où les Maliens vous accorderaient leur confiance, que comptez vous faire pour le développement des régions du nord et la consolidation durable de la paix dans cette partie du pays ?
Amadou Toumani Touré : C”est une question qu”il faut traiter toujours avec responsabilité en ayant comme préoccupation essentielle l”unité du pays et la nécessité d”oeuvrer pour que tous les fils du Mali se sentent chez eux et motivés à participer au processus de développement. Lors de cette crise, nous avons, tout en adoptant une fermeté sur les principes relatifs à l”intégrité du Mali, adopté la voie du dialogue. L”évolution des choses nous a donné raison.
Actuellement le Nord a retrouvé la paix et tout le monde y est mobilisé pour la mise en oeuvre du programme de développement issu du Forum de Kidal. Il permettra d”investir des centaines de milliards de Fcfa dans cette partie du pays (Tombouctou, Gao, Kidal). Lors de la tournée que je viens d”y effectuer dans le cadre de la campagne électorale, j”ai senti partout une grande adhésion des populations à ce projet, dans leurs diversités. C”est cette image du Mali riche de l”apport fécondant de ses différentes composantes qu”il faut préserver. Nos compatriotes peuvent compter sur moi pour qu”il en soit ainsi.
Question : Nous avons une communauté importante résidant à l”étranger. Quels sont vos projets pour les Maliens de l”extérieur ?
Amadou Toumani Touré : Les Maliens de l”extérieur, par leur nombre et leurs compétences, constituent une grande chance pour le Mali. La gestion de nos compatriotes est au centre des priorités de politique extérieure. Il s”agit d”assurer leur sécurité et leurs biens ainsi que de préserver leur dignité afin qu”ils participent davantage au processus de développement Économique du pays : telles sont les raisons qui ont motivé la création d”un ministère spécifique.
Les efforts seront poursuivis pour améliorer les prestations des missions diplomatiques et consulaires au bénéfice de la communauté malienne, identifier les nouvelles actions à mener pour favoriser davantage leur implication dans le développement du pays et pour mieux valoriser l”image des Maliens et du Mali. Nous réaffirmons notre constant engagement à les assister et à les soutenir, tout en oeuvrant pour de nouveaux dispositifs d”appui à nos frères et soeurs de la diaspora.
Nous continuerons à être attentif au respect de leur dignité dans les pays d”accueil. C”est aussi l”occasion pour moi de redire que le Mali, au cours des cinq dernières années, n”a signé aucun de réadmission avec quelque pays que ce soit.
Question : Si vous êtes élu, quelles mesures prendrez vous en priorité dans les 100 premiers jours de votre mandat ?
Amadou Toumani Touré : Si les Maliens me renouvellent leur confiance sur la base des réalisations du mandat qui s”achève et du Projet pour le développement Économique et Social (PDES) qui va structurer toutes nos actions, nous engagerons rapidement le pays sur les axes prioritaires suivants :
– Mieux organiser l”action publique pour soutenir efficacement les autres composantes du Programme,
– Améliorer la production primaire et assurer la sécurité alimentaire
– Mettre en place un environnement propice à l”émergence et au développement du secteur privé
– Insérer les femmes et les jeunes dans les circuits productifs
– Développer les secteurs sociaux
– Procéder aux indispensables reformes de société
Notre ambition sera ainsi de faire de l”Etat malien un modèle de bonne gouvernance au service des populations. Et dans cette perspective nous veillerons à ce que les hommes chargés de concrétiser, à tous les niveaux, cette ambition soient compétents, d”une grande probité et animé d”une foi sans faille en un Mali qui a les ressources nécessaires pour gagner.
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Amadou Toumani Touré, le président sortant, est entré dans l”histoire dans un premier temps pour avoir pris une part décisive à la chute de la dictature du général Moussa Traoré en 1991, et avoir conduit la transition vers la IIIè République. L”officier des troupes d”élite qui a dirigé par deux fois le bataillon des paras commandos de Djicoroni est né le 4 novembre 1948 à Mopti. Il fit ses études primaires successivement à Mopti, Tombouctou et Sofara avant de fréquenter de 1966 à 1969, l”École normal secondaire de Badalabougou à Bamako, et de 1969 à 1972, l”École militaire interarmes de Kati où l”y a conduit sa passion du métier des armes. Mû par sa quête du savoir, ATT s”immergera dans une formation quasi-permanente jusqu”en 1990.
De 1974 à 1975, il fréquente l”École supérieur des troupes aéroportés de Riazan en ex-Union soviétique. Trois ans plus tard, il est admis au centre national d”entraînement des commandos (CNEC) à Montlouis en France. Entre 89 et 90, il est à l”École de guerre interarmées de Paris. En 1990, il entre avec la 42è promotion du cours interarmées à Paris. Parallèlement, il monte en grade. Lieutenant en 1974, il est capitaine quatre ans plus tard. En 1984, il est chef de bataillon puis lieutenant-colonel en octobre 1988. Il restera à ce grade jusqu”en 1992 après avoir renversé le régime du parti unique et conduit la Transition. Nommé général de brigade par le président Konaré le jour même de l”investiture de celui-ci, il devient, en 1996, général d”armée. Déjà, il avait entamé une carrière internationale après avoir été sollicité pour de multiples médiations dans les crises secouant des pays africains comme la Centrafrique. Parallèlement, il s”engage dans l”humanitaire en créant la Fondation pour l”enfance dirigée aujourd”hui par son épouse, Mme Touré Lobbo Traoré. Il initie une campagne d”éradication de la poliomyélite et de la dracunculose (ver de Guinée). En 2002, il est candidat à l”élection présidentielle et l”emporte au deuxième tour. rn |
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