Comment expliquer la hausse sur le budget de Koulouba avec une augmentation spectaculaire de 8 milliards en 2006 ? La réponse est à chercher dans la création de nouvelles poches de dépenses et la multiplication de certains chiffres passés du simple au double si ce n’est une augmentation de 600% en ce qui concerne certaines dotations.
Les dépenses en investissements sont passées de zéro franc CFA en 2005 à 1,565 milliard FCFA en 2006 pour faire face à la construction du secrétariat général de la présidence de la république et celle du marché céréalier. D’une part, le président Amadou Toumani TOURE veut sans doute laisser à la postérité une image de grand bâtisseur du pays à l’instar de ses prédécesseurs français et maliens. En effet, c’est en 1906 que les colons français ont achevé une partie de la construction du Palais de Koulouba qui servait de résidence au gouverneur de Bamako qu’ils ont conquise en 1883. Mais de nouveaux bâtiments administratifs ont été érigés par les chefs d’Etat maliens comme l’étage supplémentaire aux bâtiments principaux et les locaux du ministère des Affaires étrangères. Le plus bel édifice nouveau étant la salle des banquets qui est l’œuvre du président Alpha Oumar KONARE. D’autre part, la prévention de la pénurie des céréales et la lutte contre l’insécurité alimentaire apparaissent comme des mesures indispensables après la mauvaise expérience que le pays a vécue au cours de la campagne agricole 2003-2004. Est-ce suffisant si l’on sait que le marché céréalier est libéralisé et que, pour cette raison, les pays voisins du Sahel (Burkina Faso, Mauritanie, Niger et Sénégal) viennent s’approvisionner au Mali ? Sans compter le fait que le paysan malien est comme pris dans un engrenage qui l’étouffe à tous points de vue : le cercle vicieux de l’endettement et de la modicité des moyens de production.
Hausse de 600 %
D’autres types de dépenses en investissements ont subi une hausse de 600% : 840 millions FCFA en 2005 et 5,060 milliards FCFA en 2006 dont 4,560 milliards FCFA au titre de nouvelles mesures. Il s’agit de la lutte contre le sida, de la restructuration du marché céréalier et de la sécurité alimentaire à Kidal. En effet, la pandémie du sida préoccupe au plus haut niveau les autorités nationales du Mali. C’est la raison pour laquelle, la gratuité des soins aux anti-rétrovirus a été décidée pour soulager les malades du fardeau financier qu’ils ne sont pas à mesure de supporter vu la modicité de leurs ressources propres ou celles de leurs familles. Est-ce pour autant une nécessité de se substituer au ministère de la Santé qui a vocation à y faire face comme cela saute aux yeux ? N’est-ce pas au contraire parce qu’il y a à boire et à manger dans ce projet qui nourrit, aux dires de détracteurs, plus de personnes qu’il n’en tue ? Ce qui est sûr, c’est que le fait n’est pas innocent de rattacher à Koulouba la structure de lutte contre le sida et les ressources financières qui l’accompagnent. Le concours apporté à Kidal est d’autant plus suspect que cette singularité ne se justifie guère, d’autant plus que les budgets régionaux sont destinés à couvrir les besoins spécifiques au titre des chapitres consacrés à cet usage. Kidal n’étant pas la seule localité “difficile ” en zone aride ou sahélienne, la discrimination à son sujet peut être jugée “négative ”. A moins que cela ne participe d’un marketing politique qui ne dit pas son nom : “Voyez-vous, habitants de Kidal, vous êtes comme abandonnés à vous-mêmes. Car votre sort n’intéresse que Koulouba. C’est pourquoi, votre sécurité alimentaire est directement gérée par la présidence de la république…” En contournant les autorités régionales, le gouvernement et le commissariat à la sécurité alimentaire, Koulouba se transforme en gouvernorat de Kidal et jette indirectement le discrédit sur les structures ci-dessus pour se présenter comme la seule “crédible ” qui ne va pas détourner l’aide apportée aux populations déshéritées de la 8è région administrative du pays. Les récents événements du 23 mai dernier ont prouvé que ATT faisait fausse route à ce sujet : l’effectivité de la décentralisation rendait caduc tout traitement “particulier ” et préférentiel de Kidal, surtout pas la politique des valises remplies d’argent comme une rançon aux éternels rebelles qui ne sont jamais satisfaits.
Du simple au double :
Dans certains cas, les dépenses ont augmenté du simple au double comme celui de l’habillement : 10 millions FCA en 2005 et 20 millions FCFA en 2006. Il s’agit des chauffeurs, des plantons et du personnel domestique du palais de Koulouba. Cela signifie deux choses : soit le nombre du personnel a été multiplié par deux, soit les habits coûtent deux fois plus cher que d’habitude. Dans les deux cas de figure, le doute est permis. Y’a-t-il surévaluation du nombre ou surfacturation sur le tailleur ? La majoration excède souvent le double comme on peut le constater avec l’entretien du matériel informatique : 10 millions FCFA en 2005 et 24 millions FCFA en 2006 dont 4 millions FCFA pour les mesures nouvelles. Cela contraste avec la baisse tarifaire sur ce matériel grâce à l’abandon par l’Etat des taxes TVA à l’importation de ces équipements. Il en est de même pour la facture d’eau et d’électricité : 645 millions FCFA en 2005 et 1,100 milliard FCFA en 2006. Or, aucune hausse tarifaire n’est en vue après le retour de la société d’exploitation et de gestion dans le giron majoritaire de l’Etat malien. La conclusion, c’est que la consommation du palais va doubler avec de nouveaux branchements (bâtiments, climatiseurs, autres appareils) ou que les factures d’en bas escaladeront la colline de Koulouba. Concernant la sécurité assurée par l’état-major particulier du président de la république, l’on n’est pas loin du simple au double : 30 millions FCFA en 2005 et 50 millions FCFA en 2006. Est-ce à dire que les risques sécuritaires sont devenus plus grands avec l’approche des élections de 2007 ?
Des écarts énormes
Par ailleurs, les écarts sont énormes de l’ordre de cinquante à cent millions et plus sur certains chapitres. C’est le cas par exemple des redevances téléphoniques : 1,057 milliard FCFA en 2005 et 1,290 milliard FCFA en 2006, soit 233 millions FCFA de différence. La première explication, c’est que le volume de la communication a explosé. La seconde, c’est le coût de la communication. Mais ce dernier cas de figure est difficilement soutenable au regard de la baisse tarifaire pratiquée tant par Ikatel que Malitel. Celle-ci a même révolutionné en la matière grâce à la récente mesure consistant à facturer à la seconde qui ne coûte que 2,5 FCFA. Sur le même registre, le programme de communication a gonflé de soixante briques : 90,375 millions FCFA en 2005 et 150 millions FCFA en 2006. De quel programme s’agit-il ? Selon certaines indiscrétions de palais, cet argent sert à soigner l’image du Mali et celle de son président sur la scène internationale à travers la presse étrangère. Y’a-t-il une relation de cause à effet avec les nombreuses pages régulièrement consacrées au Mali et à ses dirigeants dans la presse africaine basée à Paris ? Si la pratique est instaurée depuis belle lurette à Koulouba et dans les autres palais africains, son efficacité à l’interne est sujette à caution. C’est à peu près le même écart (68 millions FCFA) qui est constaté au sujet des subventions accordées aux organismes publics : 340,180 millions FCFA en 2005 et 409,009 FCFA millions en 2006. C’est le flou artistique qui entoure l’identité de ces structures publiques. Est-ce des organismes à vocation sociale ou caritative ? Ce qui est sûr en revanche, c’est que la participation au fonctionnement des services de la présidence creuse un écart de plus de cent quatre-vingt-quatre millions de francs CFA : 642,825 millions FCFA en 2005 et 837 millions FCFA en 2006. Cela est-il lié à la création ou au rattachement de nouveaux services à Koulouba ?
Le mauvais exemple
A l’analyse, l’on s’aperçoit que la hausse du budget de Koulouba est due, en grande partie, à la multiplication des services de la présidence. Mais aussi, parce que Koulouba se rattache les structures les plus “juteuses ” comme le Haut conseil de lutte contre le sida dont le combat brasse des milliards de francs CFA. Les domaines sociaux ne sont pas dédaignés non plus, car ils permettent à Koulouba de redorer son blason auprès des couches défavorisées du pays : les femmes, les enfants, le monde rural, les malades et autres handicapés, etc. L’on peut aussi incriminer le goût prononcé pour les dépenses au lieu de cultiver la parcimonie économique en donnant l’exemple par l’austérité et la discipline budgétaire. A ce rythme, il n’est pas étonnant que le budget 2007 soit encore plus dispendieux que celui des années précédentes.
Par Seydina Oumar DIARRA-SOD
Précision
Dans notre parution d’hier, nous nous sommes mélangés les pinceaux avec les chiffres à l’article intitulé «Budget de la présidence : combien ATT coûte-t-il aux Maliens ? » Il fallait plutôt lire FCFA en lieu et place des «milliards » annoncés avec 12 chiffres: «Le crédit plafond global s’élève à 935 459 371 000 FCFA. La moitié de cette somme est affectée aux dépenses ordinaires, soit 457 115 176 000 FCFA. L’autre moitié, aux dépenses en capital : 478 644 195 000 FCFA. A l’intérieur de ce chapitre, c’est le crédit de paiement qui accapare la plus grande somme, car 374 644 262 000 FCFA y sont consacrés. Le remboursement du principal de la dette se positionne en seconde place avec 61 522 000 000 FCFA. Quant aux dépenses d’investissement hors crédit de paiement, ils représentent 42 477 933 000 FCFA. Etc. ».
La rédaction “