Coordinateur d’une coalition de 44 partis politiques sans l’Adéma et le PDES mais dans laquelle figurent l’URD et le RPM, Younous Hamèye Dicko est convaincu que le futur président du Mali sortira des rangs de son regroupement. Si ce n’est pas le cas, dit-il, c’est qu’on aurait triché les élections.
Younouss Hamèye Dicko : Elle se porte très bien comme toutes les coalitions. C’est un grand nombre de partis politiques qui font beaucoup d’efforts pour coordonner les entretiens et pour faire les réunions. On a besoin de beaucoup de contacts. Donc cette coordination était constituée au départ d’une trentaine de partis, aujourd’hui nous sommes 44 et nous allons beaucoup lutter pour avoir un fichier électoral fiable et consensuel. Nous avons travaillé avec l’administration territoriale, avec la DGE et nous avons travaillé avec nous-mêmes parce qu’il faut harmoniser les points de vue sur telle ou telle chose, voir tel ou tel point et aujourd’hui. Nous avons contribué à la relecture de la loi électorale par rapport au fichier qui n’est pas encore au bout parce que depuis un certain temps, l’administration territoriale est partie travailler sur les propositions qui ont été faites et à présent, ils ne nous ont pas encore rappelés pour faire un compte rendu. Ils sont entrain de réviser les listes électorales car cette révision fait parti des points que nous avons proposés. Maintenant les conditions dans lesquelles l’administration les révise ne sont pas connues, donc on attend.
Est-ce que c’est seulement les propositions que vous avez eu à faire ?
Y.H.D : Il n’ya pas que ça que nous avons eu à faire. De toutes les façons, je n’ai pas eu à préciser les propositions sur lesquelles nous sommes tombés d’accord. Nous avons adopté ensemble par exemple le fait qu’on ne peut plus voter par procuration ou par témoignage. Ce sont des décisions positives parce que la fraude s’installe particulièrement dans les procurations. J’ai personnellement vécu le fait que les gens se promènent avec des procurations signées à blanc, bien tamponnées, mais pas de nom. Et puis les fraudeurs se promènent dans les villages, les fractions pour écrire les noms des personnes qu’ils transportent pour voter avec des procurations, des gens qui ne sont ni recensées, ni rien. Certains ne sont même pas des Maliens et cela dépend dans quel coin on se trouve. Alors donc je pense que c’est une chose positive d’avoir supprimé les procurations même si c’est un droit civique pour certains et que je trouve qu’on en profite pour abimer nos élections, nos institutions. Si vous voulez entre les maux on choisit toujours un, on choisit le moindre.
Le débat autour du fichier électoral faisait rage en un moment, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Y.H.D : Le débat existe toujours, c’est-à-dire que l’administration a rompu le rang, et quand on rompt le rang, il n’ya pas de débat. Maintenant nous attendons qu’ils reviennent pour savoir ce qu’ils ont fait. Naturellement, nous suivons par d’autres moyens, car nous savons que les retards, c’est pour leur permettre de travailler les fichiers, mais ces fichiers peuvent être travaillé en bien ou en mal. Aujourd’hui, ils sont seuls à savoir ce qu’ils ont mis dedans, mais nous le saurons tôt ou tard quand nous verrons le contenu. En ce moment nous donnerons notre point de vue. Donc le débat n’est pas fini. Nous continuons de dénoncer les retards qui ont été mis dans les fichiers et nous continuons de demander que cela ne revienne pas, parce que de toutes les façons, on ne peut pas aller aux élections avec un faux fichier, et tel qu’il est aujourd’hui, il est faux. Il ne représente pas la population malienne, nous l’avons déjà dit. Le fichier, tel qu’il nous a été présenté, constitue 71% de la population malienne et cela n’est pas tolérable. Donc dans les jours à venir nous vérifierons le nombre d’inscrits sur les listes et son rapport avec la population. Vous savez très bien que la population électorale au Mali ne peut même pas atteindre les 35% de la population, nous sommes un peuple de jeunes ; vous, vous êtes jeunes, vous avez certainement 18 ans ; vous connaissez autour de vous des centaines qui n’en ont pas. Alors il ne faut pas être aveugle, on peut tenter de tricher, mais il ne faut pas brigander, par ce que ça c’est du brigandage. C’est un manque de respect pour la population malienne de nous présenter 71% d’électeur. Ce n’est pas sérieux. Il faut que ceux qui fabriquent les fichiers réfléchissent un peu avant de venir devant les gens, car l’information est tellement rapide, tellement planétaire que si vous butter sur un caillou ici, ça peut se savoir au japon dans la journée ou dans l’heure qui suit. Donc, ce n’est pas la peine de croire qu’on peut tromper les gens avec ces genres de fichiers. Je croix que le respect de la population, c’est quand même de lui présenter un bon travail ! Quand on présente des choses non semblables et qu’on croit que les gens ne voient pas, c’est un manque de respect à l’égard de la population. Le fichier tel qu’il est, ne peut être accepté par personne. Tel qu’il a été présenté, contient 8 millions et demi d’électeurs sur une population de 12 millions selon le RACE. Ce qui fait 71% de la population. Même si vous faites le calcul avec la population du RAVEC, vous aller trouver 58%, ce qui n’est pas tolérable dans les élections. Aucun peuple ne fait ça, même les peuples qui sont vieux, c’est-à-dire, dans les pays développés. Là-bas, le peuple est vieux, seulement les conditions de longévité, de mortalité font que les gens vivent longtemps et c’est des gens qui ne font pas beaucoup d’enfants. Vous trouvez des ménages d’un enfant, de deux enfants ou trois enfants maximum et des ménages qui n’en ont même pas. Ce n’est pas comme chez nous où la procréation est très active et la jeunesse, les enfants sont trop nombreux. Pour la population du Mali, nous savons qu’il ya 65% qui n’a pas 15 ans, ce qui fait que tout au plus, les électeurs se trouvent parmi les 35%. Si vous dépassez ce pourcentage, vous rêvez. On ne peut pas avoir 35% d’électeurs au Mali. Nous avons des populations qui sont plus nombreuses que nous et elles ont des chiffres très raisonnables. Au Cameroun, il y a 7millions d’électeurs, mais ils sont beaucoup plus nombreux que nous. Et si nous, nous avons 8 millions et demi d’électeurs, d’où est-ce qu’on va les sortir ? Il ya des chameaux qui votent la-dans ; des votants qui ne sont même pas des Maliens.
Alors quel est le fichier qui vous convient ?
Y.H.D : Le fichier qui nous conviendrait, c’est un fichier qui se trouve dans les normes. Nous avons dit que sur le fichier il doit y avoir des personnes en chaire et en os ; des personnes connues, naturellement identifiées et cette identification, c’est aussi au moins la photo d’identité, la carte d’identité avec des empruntes. Ceux-ci constituent le minimum qu’on accepterait comme un fichier. Mais quand nous avons fait cette proposition, l’administration a dit oui, nous allons faire les cartes d’identité mais sans photo et c’est l’électeur qui doit emmener sa photo. Moi je peux amener ma photo, ça ne me dérange pas, mais j’ai la conviction qu’il ya des millions de Maliens qui ne peuvent pas amener de photo, car ils ne savent pas où les trouver. C’est pour quoi nous avons dit à l’Etat de ne pas fournir la photo par exemple dans la ville de Bamako ou de Ségou, mais que dans les brousses de Bougouni ou de Gourma-Rharousse, on fournira la photo pour les populations rurales qui ne savent pas comment trouver une photo. De toutes les façons, le recensement à été fait au niveau du Ravec et on ne peut pas dire qu’ils n’ont pas pu prendre de photos, parce que lors qu’il ya eu le débat, ils ont dit que c’est par manque d’argent que le Ravec n’a pu être achevé. Nous avons battu cet argument en brèche parce que s’il n’ya pas d’argent, comment va-t-on organiser le référendum alors que les élections sont prioritaires ? Les bailleurs de fonds étaient prêts à donner de l’argent mais c’est parce qu’ils ont voulu absolument repartir avec le Race que les bailleurs se sont laver les mains. Ils sont là pour nous aider, mais c’est le Mali qui décide de ce qu’il fait. Alors que cet argument à été battu en brèche, ils ont dit oui, c’est parce que tous les Maliens n’ont pas été recensés, précisément ceux de la Côte d’Ivoire et que comment on va aller aux élections avec le Ravec ? On leur a dit qu’on aime bien les Maliens de la Cote d’Ivoire, mais on ne peut ne pas faire nos élections ici parce qu’il ya eu une guerre en Cote d’ivoire ! Dans n’importe quel pays la guerre peut éclater, nous avons des ressortissants là-bas, mais on ne va pas attendre la fin de la guerre pour organiser les élections ! Donc c’est des arguments tirés par les cheveux, des prétextes qu’on ne doit pas servir pour des gens qu’on respecte. Et c’est pour cela, qu’on a eu l’impression qu’on ne respecte pas les Maliens. Nous sommes des partis politiques, des cadres et nous réfléchissons. Il faut nous respecter. Ces genres d’arguments nous ont profondément choqués. Ce n’est pas comme ça qu’on doit agir dans une démocratie responsable. Le Mali est un pays rassuré. Nous voulons la paix, un climat serein, des élections apaisées. Nous ne voulons aucun soubresaut après les élections.
Est-ce que vous avez été écouté par le chef de l’Etat ?
Y.H.D : Ecoutés par le chef de l’Etat est vraiment un énorme point d’interrogation, plus un énorme point d’exclamation. Nous avons écrit effectivement un mémorandum et nous avons demandé au chef de l’Etat de nous recevoir. Ça fait quelques mois maintenant, depuis début juin et jusqu’ à ce jour, nous n’avons pas été reçus. Donc, même si nous avons été écoutés, c’est à travers les medias, sinon, il n’y a jamais eu un contact physique avec le président de la République pour qu’il nous écoute, qu’on lui expose la situation, parce que c’est lui qui est concerné. Quand les élections vont réussir, c’est lui qui les aura réussies. Quand elles vont échouer aussi, il en sera responsable. Une quarantaine d’hommes politiques qui posent un problème, je croix que c’est une bénédiction de les écouter, mais je pense que malheureusement, le chef d’Etat ne nous a pas écoutés, il n’a même pas dit à quelqu’un de nous écouter. Chose qu’il pouvait faire au moins.
Il ya les élections, il ya les reformes constitutionnelles. Quel est votre avis par rapport à ces reformes qui font autant de débats ?
Y.H.D : La réalité des choses est simple à notre niveau. Nos partis politiques ne discutent pas des reformes constitutionnelles. Nous ce qui nous intéresse, c’est le fichier électoral, les conditions dans lesquelles on va tenir les élections. C’est de ces conditions que nous débattons, que nous voulons bonnes. Pour nous, le vrai problème c’est le fichier et c’est ce fichier qui nous a réunis, c’est autour de ce fichier que nous discutons. Les reformes constitutionnelles, la plupart d’entre nous ne savent même pas le contenu, donc nous ne discutons pas des reformes constitutionnelles. Maintenant chaque parti a son opinion sur les reformes constitutionnelles parce que parmi les 44 partis qui discutent, certains sont à l’origine des reformes et ils ne vont pas se déguiser même dans un collectif. C’est pour cela que nous ne touchons pas à ce qui divise, par contre, nous trouvons normal qu’il y est de bonnes conditions pour les élections, parce que sans de bonnes conditions personne ne sait ce qui va arriver demain.
Vous avez dit tantôt que ce sont les élections qui vous réunissent, pourtant dans un de vos communiqués, il ressort que votre objectif est aussi l’émergence dans vos rangs du président de la République en 2012. Comment cette mutation a été faite ?
Y.H.D : Oui, nous sommes un groupe de partis politiques. L’évolution de notre lutte nous a naturellement amené à concevoir un cadre plus solide, et c’est pour cela que de cette appellation de 44 partis juxtaposés même si c’est pour un fichier fiable et consensuel, les camarades ont compris que nous allons évoluer vers une structure qui permettrait de continuer à nous battre pour un fichier électoral fiable et pour que quelqu’un soit élu, qui défend certaines normes, parmi lesquelles : un fichier électoral fiable, des élections transparentes et crédibles. Donc pour défendre tout çà et pour être sûr de la réalisation, de tous ceux-ci, il faut que l’un d’entre nous accède au pouvoir. Qu’il soit quelqu’un qui ne triche pas, qui ne va pas falsifier le fichier, parce que nous avons l’intention de ne pas laisser impunis ceux qui fabriquent de mauvais fichiers. Vous savez qu’actuellement en France, tous ceux qui avaient fabriqué ce type de fichier, la justice est en train de les poursuivre. Alors, il ne faut pas que les gens croient qu’ils vont continuer à voler, il faut que les maliens leur montrent qu’il n’ya pas d’impunité, il faut que celui qui est élu soit proprement élu. C’est pour cela que nous avons pensé que le moment était venu de nous mettre ensemble pour mener au sommet du pouvoir un homme à qui nous pouvons faire confiance.
Donc une alliance électorale ?
Y.H.D : Evidement, dans une alliance électorale et je dirai même dans une alliance politique, plus qu’une alliance électorale, parce que si vous voulez, les alliances électorales sont des alliances qui meurent le lendemain des élections, et cette fois nous ferons en sorte que l’alliance électorale ne meurt pas après les élections. Il faut que celui qui va à Koulouba sache qu’il n’est pas un taureau solitaire. Aujourd’hui les gens sont majeurs, ils discutent des textes, c’est pour cela que nous avons dit que nous allons nous battre pour des élections transparentes et crédibles pour 2012.
Comment allez-vous faire pour que ce dernier puisse émerger et aller à Koulouba ?
Y.H.D : Mais comme d’habitude, en d’autres termes nous voulons que l’homme qui sera le président de la République en 2012 soit quelqu’un de ces 44 formations. Si d’autres s’y ajoutent, c’est la même chose, mais notre combat principal se fera en sorte que l’un d’entre nous soit à Koulouba.
Quels sont les critères que vous avez déjà envisagés pour choisir un candidat ?
Y.H.D : Les critères sont les mêmes, c’est-à-dire, nous les 44 partis, beaucoup d’entre nous ne seraient pas candidats. Alors, ceux qui seraient candidats, ont le droit d’aller aux élections. Vous savez, chaque parti a sa politique et chaque parti peut aller aux élections, mais on dira que lorsque certains d’entre nous décident d’aller aux élections, nous ne serons pas tous finalistes, il y aura peut être un issu de ce groupe qui sera en ballotage. Si deux groupes sont en ballotage, le problème est réglé pour nous, peu importe ce qui va arriver, mais si d’aventure il y a un seul qui émerge parmi les 44, les autres se mettront en action pour le soutenir au second tour. Maintenant le risque qui peut arriver est qu’aucun d’entre nous n’arrive au second tour. Mais nous pensons que dans le paysage actuel, ce n’est pas possible que l’un d’entre nous n’arrive pas au second tour. Et pour cela il faudra renforcer la surveillance du fichier électoral. Si on n’arrive pas au second tour, le fichier électoral en sera responsable. Cela voudrait dire qu’on a triché pour quelqu’un et çà, on ne va pas le tolérer.
Généralement dans les alliances politiques, le choix du candidat pose problème. On l’a vu avec les Pur, où il y a eu une cassure pure et simple. Alors est- ce que vous avez des mesures, des garde- fou qui vous protègent contre de tels accidents ?
Y.H.D : De mon point de vue, il n’ya pas de mesures partagées. Le risque n’existe pas, mais comme je viens de le dire, nous n’avons pas l’ambition ou la prétention de choisir un seul candidat au 1er tour. C’est justement pour éviter ce qui est arrivé à cette coalition. Nous ne choisissons pas un seul candidat au 1er tour, les candidats se choisissent, on leur laisse la liberté d’aller aux élections, mais on leur dit attention : vous allez tous aux élections si vous voulez, mais si un d’entre nous va en ballotage, nous devons tous le soutenir au second tour. Donc, nous n’avons pas ce risque parce que nous ne choisissons pas un seul candidat au 1er tour, nous ne pouvons pas le faire, les partis ont leurs ambitions, il faut beaucoup de garanties pour qu’un parti abandonne ses ambitions. Ce que nous demandons aux uns et aux autres, c’est de soutenir celui d’entre nous qui ira au second tour. Loyalement nous allons nous engager à le soutenir. Donc, on n’a pas le même problème que les Pur parce qu’eux ils ont voulu avoir un seul candidat dès le premier tour, et parmi eux, beaucoup voulaient aller aux élections. Nous, nous n’allons pas arriver à ce stade. Avec l’expérience que nous avons, cela ne peut pas marcher.
Interview réalisée par Abdoulaye Diakité