Victoire politique ? Réalisation d’une conviction sociale, politique et religieuse de longue date ? Aboutissement d’une lutte ancienne ? Quoi qu’il en soit l’honorable maître Mountaga Tall doit aujourd’hui se sentir un homme comblé. Puisque les élus du peuple viennent de voter à l’unanimité le code des personnes et de la famille. En réalité ce code dans sa première monture avait suscité beaucoup de questions débouchant sur des mouvements de contestation.
Mouvement populaire qui s’est étendu même à la rue sous la houlette du Haut Conseil Islamique. Et pourtant, la question du code des personnes et de la famille à une histoire. Cette histoire remonte à l’année 1994 , soit deux ans seulement après l’organisation des premières élections démocratiques qui ont porté Alpha Oumar Konaré au pouvoir. A l’issue de ce scrutin de 1992 , maître Tall qui a terminé troisième derrière Alpha et Tiéoulé a courageusement opté pour l’opposition parlementaire. En effet sa formation politique le CNID- FYT n’a pas donné de consignes de vote au second tour qui opposa les deux premiers. Cependant la démocratie naissante du Mali avait besoin d’une phase d’apprentissage bien que des hommes comme Mountaga étaient en avance sur leur temps. A l’époque dans la conception du jeune avocat, l’opposition devrait être constituée d’Hommes responsables qui , non seulement contrôle, critique l’action gouvernementale. Mais au-delà des critiques l’opposition devait aussi avoir une forte capacité de proposition pour orienter l’action gouvernementale. C’est pourquoi en 1994 , maître Mountaga Tall , alors député de Ségou, leader charismatique de l’opposition démocratique a fait au niveau de l’hémicycle le dépôt d’une proposition de loi sur la légalisation du mariage religieux. D’ailleurs nombre de personnes à l’époque disaient que si cette loi était adoptée, on pourrait l’appeler la « Loi Tall ». A l’époque un vrai dialogue de sourd s’était instauré entre l’opposition et la majorité. Cependant tout ce qui provenait de l’opposition était d’emblée considérée comme étant nul quel que soit la pertinence de la proposition ou de l’initiative. C’est pourquoi cette proposition du député Tall sur la légalisation du mariage religieux a purement et simplement été rejetée par la majorité de l’époque. C’était la première fois dans l’histoire du Mali indépendant qu’un homme politique ait pris l’initiative de proposer, même de penser à une loi légalisant le mariage « spirituel » quel que soit la religion. La dissolution de l’assemblée nationale par le président Alpha est intervenue dans ces conditions. Mais à la fin de son mandat Alpha a entrepris sur le sujet du code des concertations locales, régionales et nationales. Sous le regard vigilant des musulmans Alpha s’est vite débarrassé du dossier. Le laissant en héritage à son successeur. Quand ATT est arrivé au pouvoir des consultations ont été relancées. Ces consultations ont impliqué l’ensemble des acteurs. Et des points d’accord avaient même été trouvés. La commission loi de l’assemblée nationale avait également travaillé sur le projet. Mais à la surprise générale les points qui avaient fait l’ objet d’accord ont été modifiés de façon unilatérale au sein du gouvernement. Ce « code gouvernemental » allait devenir le code controversé, le code du hiatus sinon du divorce entre l’Etat et le citoyen. Mal expliqué, falsifié le code a fini par cristalliser le mécontentement avec parfois des réactions verbales regrettables. Lors du vote du controversé code , maître Tall s’est fait illustré par son intervention axée autour de dix questions qui difficilement pourraient avoir des réponses convaincantes. C’est pourquoi Mountaga a déclaré à l’assemblée nationale du Mali que le code qui vient d’être voté allait signé son retour sur la table des députés dans un délai aussi bref que l’on puisse l’imaginer. Effectivement le code est revenu à l’hémicycle. Même si Mountaga est loin d’être un messie, on peut néanmoins dire qu’il a été un visionnaire sur ce dossier du code retourné en seconde lecture. Un visionnaire parfaitement conscient des réalités et des réactions de notre peuple face à des situations précises . C’est à la suite de cette situation que l’assemblée nationale et le Haut Conseil Islamique devaient raccorder les violons pour un code vraiment malien. C’est ainsi que des experts du HCI tel que Mamadou Diamouténé, actuel président de la CENI et ceux de l ’assemblée Nationale Maître Mountaga Tall et Maître Hamidou Diabaté ont travaillé des mois durant sur le code qui vient d’être voté et accepté par tous. Evidemment l’innovation majeure est surtout la légalisation du mariage religieux comme sollicité, plaidé, défendu bec et ongle en 1994. En effet si cette proposition de loi de Maître Tall avait bénéficié d’un peu d’écoute , de compréhension peut être de bon sens on aurait enregistré une longueur d’avance 17 ans après. Le charme et la beauté du code des personnes et de la famille voté tient surtout en le fait que même des adversaires les plus virulents du texte, des opposés radicaux et déterminés d’hier au code l’applaudissent aujourd’hui. De toute façon l l’adoption du code des personnes et de la famille est une victoire de la démocratie malienne et une leçon pour la classe politique qui doit éviter la paresse intellectuelle et avoir le sens de l’écoute, de la tolérance pour le progrès économique et social de notre pays, le Mali.
Bandiougou DANTE