Vœux des institutions : Echanges ouverts sur les grandes questions

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La paix retrouvée au Nord, les nouvelles menaces sur la sécurité, le processus démocratique, la justice, la lutte contre la corruption, l’école, ont été les principaux sujets abordés.

Après les familles fondatrices de Bamako, les communautés religieuses, le gouvernement, le président de la République, Amadou Toumani Touré, a reçu les vœux de Nouvel an des institutions de la République et des autorités administratives indépendantes. Ce fut l’occasion de faire un tour d’horizon des grandes questions de la Nation et de se mettre dans la perspective du Cinquantenaire de l’indépendance.

Le président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, fut le premier responsable d’institution à s’adresser au chef de l’Etat. Dioncounda Traoré s’est d’abord réjoui du bon hivernage que notre pays a enregistré cette année avant d’inviter le gouvernement à ne pas négliger la gestion de la bonne production obtenue. A ce propos, il a appelé à l’installation d’un système efficace de gestion qui prenne en compte l’intérêt des producteurs tout en protégeant les consommateurs contre les spéculateurs.

Il a ensuite abordé la situation au nord du pays où l’accalmie est perceptible dans la région de Kidal, tandis que de nouvelles menaces apparaissent dans la région de Tombouctou à cause de la présence des Salafistes de Al Qaida pour le Maghreb islamique (AQMI). Sur un autre plan, il a souligné la bonne préparation matérielle des élections communales tout en déplorant la fraude et les nombreuses réclamations qui caractérisent nos élections. Le président du Parlement a appelé à une réflexion approfondie pour enrichir notre code électoral.

DISSIPER LES MALENTENDUS
. Evoquant le travail parlementaire de l’année écoulée, Dioncounda Traoré a retenu le vote du Code des personnes et de la famille, un texte renvoyé par la suite à une seconde lecture, et le débat sur l’utilisation des 180 milliards issus de la privatisation de 51% du capital de la Sotelma. Il ne perçoit dans ces dossiers aucune crise institutionnelle. Dans le cas du code, il s’agit, de son point de vue, de dissiper les malentendus tandis que pour les 180 milliards, il est question du respect des procédures dans la gestion et des prérogatives de chacune des institutions.

En réponse, Amadou Toumani Touré a rappelé les étapes franchies pour ramener la paix dans le nord du pays. Pour une première fois, constate-t-il, il a fallu privilégier l’option militaire et détruire toutes les bases rebelles.

Le président de la République a confirmé l’existence de menaces réelles dans la bande sahélo-saharienne. Il s’agit de menaces transfrontalières qui appellent des réponses concertées. La drogue, les cigarettes et les armes qui y circulent sont très souvent destinées à d’autres parties du monde, c’est ensemble que nous en viendrons à bout. Il a annoncé l’ouverture d’une enquête pour le cas de l’avion clandestin qui s’est écrasé au Nord. La détermination du Mali est totale pour combattre les bandes armées qui sévissent dans la zone, a réaffirmé Amadou Toumani Touré en réitérant la nécessité d’une rencontre des chefs d’Etat de la bande sahélo-sahélienne dont les préparatifs se poursuivent.

Il a également reconfirmé sa volonté de faire du Mali une puissance agricole et s’est déclaré totalement en phase avec le Parlement pour ce qui est de la relecture du code.

Deuxième personnalité parmi les chefs d’institution à prendre la parole : la présidente de la Cour suprême, Mme Diallo Kaïta Kayentao. Celle-ci a d’abord rappelé la difficulté que nos pays éprouvent face à la crise financière internationale, avant de saluer les mesures prises qui ont permis d’en atténuer les effets.

QUELQUES REFLEXIONS. Mme Diallo Kaïta Kayentao a ensuite cité les principaux objectifs que s’est fixée la Cour suprême : le traitement diligent des affaires, le renforcement des capacités des ressources humaines, la promotion de la jurisprudence de la haute juridiction. La Cour suprême travaille également à accompagner l’instauration d’une justice consciente des règles de bonne gouvernance, d’une justice à l’écoute des justiciables.

Elle a salué les efforts en faveur de la justice dans le domaine des infrastructures et de la formation, avant de se livrer à quelques réflexions sur le rôle et la place du pouvoir judiciaire dans un Etat démocratique. Avec une justice qui est la clé de voûte de l’Etat de droit, l’indépendance du pouvoir judiciaire est, de son point de vue, un des fondements majeurs de la démocratie.

En réponse, le chef de l’Etat a salué l’engagement personnel du premier responsable de la Cour suprême et de ses collaborateurs à œuvrer à une meilleure distribution de la justice dans notre pays. Amadou Toumani Touré a assuré avoir bien noté les réflexions émises la présidente de la Cour suprême sur la séparation des pouvoirs.

Pour le chef de l’Etat, l’indépendance doit se mériter. L’indépendance de la magistrature doit être acquise et préservée. Les efforts déployés en faveur de la justice participent de cette volonté. Actuellement, l’heure est à la redéfinition de notre carte judiciaire avec à la clé la suppression des tribunaux à compétence étendue. L’objectif étant de parvenir à une justice plus crédible et plus accessible. Amadou Toumani Touré qui a confirmé la justice comme la pierre angulaire de l’Etat de droit, a invité tous les acteurs en la matière à jouer leur partition.

PERSISTANCE DE LA FRAUDE. A la présidente de la Cour suprême, succèdera son homologue de la Cour constitutionnelle. Amadou Tamba Camara a rappelé les missions dévolues à cette institution. Celle-ci est chargée de contrôler la constitutionnalité des lois et textes. Elle dispose d’une compétence consultative et est garante de la régularité de l’élection du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale.

Le président de la Cour constitutionnelle a déploré, à ce propos, la persistance de la fraude dans notre processus électoral et la faiblesse du taux de participation. Commentant le renvoi en seconde lecture du Code des personnes et de la famille, le président de la Cour constitutionnelle souhaite que la démarche permettra d’aboutir à un code consensuel. Amadi Tamba Camara a salué le retour de la paix au Nord et les efforts faits par les pouvoirs publics pour la consolidation de cette paix.

Le chef de l’Etat a partagé l’appréciation de son interlocuteur sur la faiblesse persistante du taux de participation aux élections, à un moment où l’Etat déploie des efforts importants pour l’organisation matérielle des élections. En fait, juge Amadou Toumani Touré, tout le monde n’a pas joué le jeu. Certains (les partis politiques, les associations et la société civile) n’ont pas assez accentué la sensibilisation afin de persuader les citoyens de participer massivement au scrutin. La faute aussi, a-t-il souligné, à des incohérences dans le code électoral. Sur ce point, le chantier sera bientôt ouvert avec les suites à réserver aux propositions de la commission Daba Diawara qui a travaillé sur la relecture de nos textes fondamentaux. Le chef de l’Etat a invité les partis politiques à sensibiliser leurs militants.

Le président du Haut conseil des collectivités a, lui aussi, relevé le caractère singulier de la présentation de vœux, l’année qui se profile marquant le cinquantenaire de l’indépendance.

L’ensemble de la nation, dira Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, rend hommage au président de la République pour le retour de la paix au nord du pays. Le dialogue, la concertation et le sens de l’anticipation ont permis de sauver notre pays. Preuve d’un profond attachement à l’unité et à la cohésion nationales.

Le président du Haut conseil des collectivités a salué la décision de renvoyer le Code des personnes et de la famille à une seconde lecture. Une gestion apaisée, dira-t-il, qui a permis d’éviter de basculer dans le désordre et l’anarchie.

Après la tenue des élections communales qui ont permis le renouvellement des organes des collectivités, le président du HCC note quelques insuffisances (fraude, corruption, faible de participation…) auxquelles il faut vite trouver des solutions.

Le Haut conseil des collectivités salue la création du Centre national de perfectionnement des collectivités territoriales et le démarrage effectif des activités de formation ainsi que la naissance du Fonds national d’appui aux collectivités territoriales. Il attend que le transfert des compétences et des ressources soit de plus en plus une réalité.

Le président de la République a loué, dans sa réponse, la forte conviction qui anime le président du HCC et qui transparait dans ses discours. Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, a-t-il jugé, est bien placé pour parler de la situation du nord.

LES NOUVEAUX CHANTIERS. Notre pays, a rappelé le chef de l’Etat, a fait le choix du dialogue. Un dialogue qui se fera également avec les autorités traditionnelles. Amadou Toumani Touré a relevé le rôle important que les collectivités territoriales sont appelées à jouer dans le développement du pays. Pour le cinquantenaire de l’indépendance, il a invité à un sursaut national avant de remercier le Haut conseil des collectivités territoriales pour son accompagnement de l’action du gouvernement.

C’est le tout nouveau président du Conseil économique, social et culturel, Jeamille Bittar, qui a présenté les vœux de cette institution. Après avoir rendu hommage à Moussa Balla Coulibaly, son prédécesseur à la tête de l’institution, Jeamille Bittar a salué les nouveaux chantiers ouverts pour le bonheur de notre peuple comme les routes, les infrastructures de base.

Il a loué la volonté politique manifeste de faire de notre pays une puissance agricole, mais a invité les autorités à ne pas négliger l’industrialisation sous peine de voir notre pays rester un marché pour d’autres.

Il faut, de son point de vue, aujourd’hui reprendre l’école en main. Il s’est félicité à ce propos de la tenue du forum sur l’éducation, des états généraux sur la corruption, des assises nationales sur le foncier et du sacre du Stade malien à la coupe de la CAF. Le Conseil économique, s’est-il engagé, va continuer à œuvrer pour le renforcement de la démocratie.

Amadou Toumani Touré a, lui aussi, rendu hommage à l’action de Moussa Balla Coulibaly à la tête du CESC. Il a assuré le tout nouveau président de sa disponibilité et souhaité que le Conseil économique, social et culturel continue à véhiculer la bonne information. Les besoins, reconnaît-il, sont immenses. « Nous avons retrouvé la paix. Maintenant, il faut travailler ensemble dans l’intérêt du pays », a invité le chef de l’Etat.

LE DEBUT DE LA SAGESSE. Le Médiateur de la République, Mme MBam Diarra a entamé son propos en remerciant le président de la République de l’avoir choisie pour cette fonction prestigieuse. Certes, note-t-elle, 2009 a connu plusieurs crises. Mais dans l’ensemble, notre pays a su prendre les bonnes décisions. Toutefois, des menaces existent et nous devons être vigilants.

Dans les remous qui ont agité l’adoption du Code des personnes et de la famille, le Médiateur a perçu un manque d’information. Mme MBam Diarra estime à ce propos que le président Touré a pris la bonne décision en renvoyant le texte en seconde lecture.
Elle a salué l’accalmie retrouvée à l’école et la volonté de faire de notre pays une puissance agricole. Elle a enfin sollicité l’appui du gouvernement pour que l’institution qu’elle dirige puisse s’installer à l’intérieur du pays.

Le président de la République a réitéré sa conviction que Mme MBam Diarra constituait bel et bien le bon choix pour être Médiateur de la République. Il a approuvé ses vues sur le code et l’école et jugé qu’une éventuelle implication des Médiateurs de l’espace UEMOA dans la résolution des crises et la libre circulation des personnes et des biens, était une bonne idée à encourager.

Le Vérificateur général bouclait la liste des chefs d’institution et autorités administratives indépendantes qui devaient présenter leurs vœux au chef de l’Etat. Sidi Sosso Diarra a remercié le président de la République pour la sollicitude et l’écoute dont il a fait montre tout au long de l’année 2009. Une année qui fut difficile pour beaucoup de monde. Si les mesures prises nous ont aidés jusque là, nous devons rester vigilants, a-t-il estimé.

Jugement du Vérificateur général : le sens de l’Etat, l’humilité et le respect de la chose publique sont des valeurs de plus en plus partagées dans les services publics. Cette évolution devrait s’accentuer l’année prochaine avec l’installation des services du BVG à Kayes et Mopti. Sidi Sosso Diarra a annoncé la visite en 2010 du Vérificateur général du Canada dans notre pays.

Mme la Vérificateur du Canada sera l’hôte de tout le Mali, a assuré Amadou Toumani Touré avant de remercier Sidi Sosso Diarra pour avoir noté tous les efforts du gouvernement dans le sens d’une meilleure gestion des ressources publiques. Amadou Toumani Touré a confirmé l’ampleur des difficultés. Le BVG ainsi que toutes les structures de contrôle ont beaucoup fait. Mais le mal était profond.

Ainsi le taux de recouvrement de ce qui est dû à l’Etat, dépasse, grâce à leurs efforts, les 50 milliards Fcfa. Sans oublier la peur du gendarme qui est le début de la sagesse. Pour tous ces résultats, le président Touré est persuadé que son initiative de créer le BVG a été et reste positive.

A. LAM

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