Vœux de Soumaïla Cissé à la presse : Vœux pieux ou volonté réelle de changer ?

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Soumaïla Cissé président de l’Union pour la République et la Démocratie (URD)

Tout, et son contraire, se trouve dans la déclaration du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, à la presse à l’occasion de ses vœux de nouvel an: « Nous réitérons notre engagement, quelle que soit la forme du dialogue, de prendre les décisions qui vont dans l’intérêt du Mali ». Si l’on s’en tient à la posture de l’homme, qui n’a de cesse pilonné le président IBK et sa mouvance politique, on peut dire qu’il s’agit là d’une pirouette verbale, comme il en a l’habitude. Mais, si on se met dans le sens du real politique, on peut lui trouver de bonnes raisons pour décrisper la tension politique. Dans ce cas, Soumaïla Cissé a encore besoin de convaincre l’opinion sur sa volonté réelle à agir pour l’accalmie. Le pourra-t-il? Et à quel prix?   

 

Après une longue période d’agitation, marquée par des invectives de toutes sortes, le président de l’Union pour la République et la Démocratie (URD) et ses compagnons ne sont plus loin de se ramollir. A la suite de sa rencontre avec le Rassemblement pour le Mali, beaucoup d’observateurs attentifs de la scène politique pensent à cela, en estimant que le leader de l’URD est dans une posture de rétropédalage qui ne dit pas son nom. Si certaines méchantes langues, non sans se servir de péjoratifs, sont bien dans cette logique, en ce qui concerne les récents propos de l’homme, il y a bien sûr d’autres opinions, non moins nombreuses, qui lui donnent un point positif, dans cette nouvelle posture avec la mouvance présidentielle, au motif qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, comme nous enseigne l’adage. En politique, comme dans tout autre domaine de l’activité humaine, soutiennent plusieurs opinions, le changement est dans l’ordre normal des choses. Le leader de l’opposition ne peut donc pas être éternellement dans cette posture de contestation stérile, au risque, pour lui et les siens, de passer à côté de la plaque et d’être en déphasage total des préoccupations du citoyen lambda. Une telle déchéance, Soumaïla Cissé ne peut se le payer le luxe, en ce sens qu’il ne peut pas naviguer à contre-courant d’un pays qui connait ses problèmes (sécurité notamment) et qui a un fort besoin de paix. Une paix qui passe nécessairement par l’apport de tous les acteurs nationaux, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, en rapport avec l’ensemble national.

De ce fait, Soumi, pour les intimes, sait bien qu’on ne peut se faire une bonne image d’homme d’action, dédié pour la cause nationale, en restant dans la supercherie frondeuse, fondée sur la contestation post-électorale permanente. Il est donc naturellement qu’en agissant sur le contexte politique, lui-même fluctuant, Soumaïla Cissé revienne sur de meilleurs sentiments.

En se fixant sur l’opportunité que le RPM et son président lui offrent, par ces retrouvailles politiques bien agencées, Soumaïla Cissé est bien dans le real politique. Il ne surprend donc pas un grand monde autour de lui en soutenant que le pays est en crise. Une singulière manière, pour lui, de plaider la cause de ce grand malade qui a donc “besoin de larges concertations entre toutes les forces vives de la Nation”. Pour se remettre sur selle.

Pour la sortie de crise réussie qu’il réclame à cor et à cri, le leader de l’opposition met en avant le dialogue politique qui doit être, pour lui, “sincère, global, inclusif, interactif, dynamique et transparent’’. En cela, il dit ceci: « Nous réitérons notre engagement, quelle que soit la forme du dialogue, de prendre les décisions qui vont uniquement dans l’intérêt du Mali, dans le sens de l’avenir de notre pays et du bien-être de nos concitoyens.  La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent”. Les mots sont forts et calculés pour faire mouche au sein de l’opinion publique qui attend du leader de l’URD une nouvelle posture d’envergure politique allant dans le sens de l’apaisement.

Dans sa quête de nouvelle virginité, Soumaïla Cissé n’oublie pas d’avoir des mots gentils avec la communauté internationale, dont les acteurs comme ” la Cedeao, l’Union africaine, la Minusma, Barkhane, le G5 Sahel et tous les amis et partenaires du Mali” sont salués. Les “bonnes volontés maliennes de la société civile de la classe politique, des religieux, d’éminentes personnalités et de simples citoyens” trouvent leur compte dans ce concert de louanges que le chef de l’opposition chante en direction de l’ensemble national, toute tendance confondue, car animés autant qu’ils sont tous de la volonté de faire sortir le pays de la crise qui l’affecte.

La presse adoubée

Soumaïla Cissé ne fait pas la fine bouche vis-à-vis de la presse qu’il a adoubée, en estimant que celle-ci “joue dans la mesure du possible son rôle dans l’encrage démocratique du Mali”. Les yeux doux de Soumi à la presse, il l’explique par le sacerdoce des hommes et femmes de médias qu’il exprime en ces termes: “Malgré la faiblesse de vos moyens vous continuez à donner le meilleur de vous-mêmes pour dénoncer les maux qui minent notre société. Vos dénonciations des maux ainsi que vos révélations des scandales financiers et autres dérives du régime en place constituent un apport inestimable en vue de la quête de la bonne gouvernance et de la gestion saine des deniers publics”. Propos de circonstance? Beaucoup d’observateurs neutres croiseront en cela d’autant que Soumi, aujourd’hui opposant politique, n’a pas été toujours cet homme politique soucieux et attentif au sort de la presse nationale, surtout au moment où celle-ci avait le plus besoin de lui, en tant que solide soutien au niveau des instances étatiques. Les amis de la presse, même du côté de l’opposition, sont connus au Mali et tout le monde vous le dira sans ambages que Soumi n’en fait pas partie.

Mais, comme le disent les sages, il n’y a pas de problème à s’amender, pour un homme qui veut aller de l’avant. Comme pour dire que Soumi a bien raison de s’attirer des sympathies de la presse, dans la nouvelle posture politique qu’il veut dessiner, pour lui, et sur laquelle il a aussi besoin de s’inscrire dans la durée. Et cela, pour mériter d’être le chantre de la liberté de presse dont il prétend être maintenant.

Bon samaritain?

Soumaïla Cissé, en défendant bec et ongles les journalistes, joue les bons samaritains d’autant que le patron de l’URD va jusqu’à s’apitoyer sur le sort des journalistes qu’il trouve triste, voire alarmant. Ce qui est sûr, c’est que le leader de l’URD ne se satisfait pas des procès qui se multiplient à l’encontre de la presse au Mali avec la menace de sévères condamnations qui s’en suivent. Un résultat peu reluisant, selon lui, qui ” nous éloigne de notre statut de bon élève obtenu il y a moins de 10 ans et nous maintient dans la zone rouge”.

Si l’homme politique, jusqu’ici abonné dans la contestation et dans l’invective contre ses adversaires politiques de la mouvance présidentielle, se trouve actuellement un nouveau rôle, plus attractif, dans le champ politique national, c’est bien parce qu’il a perçu la nécessité politique de changer de cap. Et cela, pour ne pas être en marge du pays réel et qu’il sait pertinemment bien que ce pays réel n’est pas synonyme de division stérile. En ce faisant, le leader de l’opposant, en fin tacticien politique, même si on lui connait un talent de snobisme, est bien conscient que pour ce changement de cap politique dont il a besoin pour peaufiner son image, ne serait-ce qu’en apparence, de se faire des alliés de poids; ces sortes d’intermédiaires respectables, comme les médias et les acteurs de la société civile, à l’image des religieux et autres acteurs sensibles, qui lui garantiront une espèce de ticket de respectabilité au sein de l’opinion publique nationale.

Pour l’instant, il a gagné ce pari avec les propos pleins d’espoir et d’espérance qu’il a prononcés, en recevant, chez lui, au siège de son parti, le président du RPM, Dr Bocari Tréta, qui, lui, a fait très peu de commentaires publics sur ces retrouvailles politiques avec l’opposant politique.

En tout état de cause, Soumaïla Cissé doit se convaincre qu’il n’y a pas de succès absolu dans la politique, comme il n’y a pas de défaite consommée d’ailleurs. L’un ou l’autre cas pouvant déboucher sur le phénomène inverse, dès lors qu’il s’agit de ne pas laisser à la fatalité.

Le Leader de l’URD, pourra-t-il apercevoir la subtilité du nouveau contexte qui lui confère ce statut d’homme politique nouveau, capable de se transformer littéralement en acteur politique positif pour peser sur le cours des événements nationaux? Voilà le défi qui l’attend, et sur lequel il a tout à gagner ou à perdre. Et c’est bien à lui de jouer.

Oumar KONATE

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