Le dernier rapport du Vérificateur Général a été rendu public. S’il revient sur le suivi des recommandations formulées contre des structures de Ségou dont l’Hôpital Nianankoro Fomba et l’Office du Niger par exemple, il écorche véritablement la Trésorerie Régionale de Ségou. En attendant d’avoir la réplique des premiers responsables de cette structure financière de Ségou que nous avions d’ailleurs joint pendant des jours (l’Adjoint du Trésorier Payeur Mr Diakité nous a dit que son patron Mr Kouyaté est en déplacement), nous vous proposons en intégralité ce que le Bureau du Vérificateur Général reproche au Trésor de Ségou.
OBJET
La Trésorerie Régionale de Ségou est l’un des huit services régionaux de la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DNTCP). Elle assure la comptabilisation de l’ensemble des opérations de recettes et des opérations de dépenses réalisées dans la région. La Trésorerie est au centre d’un réseau de plusieurs Services. Le Gouverneur de la région, ordonnateur principal, est l’Autorité habilitée à décider des dépenses. Il délègue cette fonction au Directeur Régional du Budget (DRB), qui ordonne alors les dépenses de l’ensemble des autres Services. La Trésorerie procède aux paiements à la suite du contrôle effectué par la Direction Régionale du Contrôle Financier (DRCF). La présente vérification financière porte sur l’effectivité du reversement de la totalité des recettes dans un délai raisonnable et sur la moralité des dépenses effectuées dans la région de Ségou pendant les exercices 2006, 2007 et 2008. Elle porte également sur l’examen de la qualité de la comptabilisation et des informations relatives à ces opérations.
PERTINENCE
La Trésorerie régionale de Ségou effectue les opérations comptables du budget régional qui a atteint, en 2008, 13 milliards de FCFA en recettes et 24 milliards de FCFA en dépenses. Elle occupe donc une place primordiale dans le processus de financement du fonctionnement des services publics dans la région. Le déséquilibre qui apparaît entre les recettes et les dépenses peut affecter la qualité des services rendus dans la région. Le déficit constaté dans une région est comblé par des apports de fonds collectés dans les autres postes comptables et centralisés au niveau national. Or, le Trésor public malien connaît depuis plusieurs années de graves déficits qui l’empêchent de faire face à toutes les demandes provenant des régions. Il devient donc important de s’assurer que les recettes et les dépenses réalisées reflètent la réalité.
Fraudes : 40 000 000 F CFA
Mauvaise gestion : 10 42 000 000 F CFA
Montant proposé au recouvrement : 2 380 000 000 F CFA
FAITS CONSTATÉS
Certains Services ne reversent pas la totalité des montants recouvrés
• Le Receveur des Douanes délivre des quittances pour des montants supérieurs à la valeur des chèques délivrés par les contribuables ou leurs commissionnaires. Pour les trois années, l’écart entre les quittances et la réalité des chèques s’est élevé à 1,43 milliard de FCFA. De même, il y a de nombreux chèques que le Receveur des Douanes n’a pas transmis à la Trésorerie. Ils représentent 6,66 milliards de FCFA.
• Le Receveur des Impôts n’a pas reversé les recettes recouvrées à hauteur de 9,44 millions de FCFA.
• Quant au Commandant de la Brigade Territoriale de Gendarmerie de Ségou, il n’a pas reversé 1,21 million de FCFA.
Les Services ne respectent pas les règles de gestion des chèques
• Le Receveur des Douanes ne transmet pas les chèques à la Trésorerie dans les délais adéquats. Il a gardé certains chèques pendant 45 jours avant de les déposer à la Trésorerie, ce qui a privé celle-ci de fonds pour faire face aux dépenses en cours durant cette période.
• La Trésorerie Régionale, elle aussi, retient les chèques pendant de longs délais avant de les envoyer aux banques pour encaissement. Le retard le plus long constaté a été de 91 jours en 2008, alors que le délai légal est de huit jours.
Les montants restant à recouvrer sont élevés
• La Trésorerie n’engage aucune action pour réclamer auprès des citoyens les montants qu’ils doivent. Ainsi d’importantes sommes d’argent demeurent impayées alors que la Trésorerie dispose de moyens légaux pour les recouvrer. Le montant total s’élevait à 2,35 milliards de FCFA au 31 décembre 2008.
La Direction Régionale du Budget (DRB) conserve mal les pièces justificatives
• La DRB ne peut pas présenter l’intégralité des documents qu’elle a établis dans le cadre des dépenses de la région. Ainsi, sur 1 870 mandats demandés par cette vérification, elle n’a pu en présenter que 974, soit 52%. Elle est donc dans l’incapacité d’apporter les éléments détaillés pour prouver les dépenses qu’elle dit avoir ordonnées.
Les documents comptables comportent des incohérences
• La chaîne de la dépense publique recèle de nombreuses incohérences au sein des données de chaque service et entre les données d’un service par rapport à celles des autres. Il y a des cas où les engagements (montants initiaux des dettes de l’État vis-à-vis des fournisseurs) sont inférieurs aux liquidations (montants définitivement calculés) ou aux ordonnancements (montants dont le paiement a été accepté par le Service et ordonné au comptable chargé du paiement). Il y a aussi des cas où les ordonnancements sont supérieurs aux liquidations ou aux engagements. Ces écarts ont été constatés au sein même de la base de l’application informatique PRED, utilisée par la DRB. Ils ont été constatés également entre les données de cette base et celle du Contrôle financier, alors que les deux Services exploitent la même base.
• Les incohérences apparaissent aussi dans les documents comptables de synthèse. Ainsi, pour la même année les comptes administratifs de la DRB et les situations d’exécution du budget de la Direction Régionale du Contrôle Financier (DRCF) ne correspondent pas. Ces documents, pourtant, sont revêtus des signatures des deux directeurs qui sont censés s’être assurés de la concordance des données.
L’exécution des dépenses comporte des anomalies
• Certaines dépenses ne sont pas supportées par des pièces justificatives. Ainsi, la DRB a dépensé en 2008 la somme de 1,96 million de FCFA sans pièces justificatives sous le motif d’aide aux démunis.
• D’autres dépenses ont été fractionnées sans que les conditions énumérées par le Code des Marchés Publics ne soient remplies. Ces dépenses se sont élevées à 18 millions de FCFA en 2008 au titre de l’achat de tables-bancs pour l’AE de Ségou.
• La DRB approvisionne la Régie d’avances du Gouvernorat de montants qui dépassent le seuil légal. Quelquefois, les dépenses exécutées sur cette Régie dépassent également le seuil fixé pour chaque facture. Enfin, certaines dépenses financées par la Régie ne sont pas éligibles.
• La gestion des fonds alloués aux sessions de formation et aux ateliers divers comporte de nombreuses anomalies. Le total des perdiems alloués aux responsables de l’Académie d’Enseignement (AE) de Ségou et de ses Centres d’Animation Pédagogique (CAP) est supérieur au total des perdiems versés aux bénéficiaires des formations et des ateliers, qui sont des enseignants. En effet, en 2008 par exemple, les responsables administratifs (Directeur de l’AE, son Adjoint, un chef de Section et le Régisseur) ont perçu 190,47 millions de FCFA au titre des perdiems, alors que les bénéficiaires mêmes, n’ont perçu que 179,87 millions de FCFA. La part des responsables administratifs représente 51% du budget total vérifié. Les responsables administratifs se sont accordés des perdiems au taux de 15 000 FCFA par jour, sans que les conditions ne soient réunies. De plus, ils se sont accordé des perdiems pour plusieurs activités qui se tiennent simultanément. Le total des jours de perdiems pour un mois ou pour une année est supérieur au nombre de jours dans un mois ou dans une année. Ainsi, en décembre 2008, le total des jours d’activités ayant donné lieu aux paiements de perdiems a été de 285 jours pour une personne. Le montant total perçu dans ces conditions par 4 responsables de l’AE de Ségou s’est élevé à 35,57 millions de FCFA en 2006.
RECOMMANDATIONS
Au Ministère chargé de l’Economie et des Finances
– Effectuer l’audit informatique complet de la chaîne de la dépense publique.
A la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique
– Appliquer des sanctions administratives contre les agents impliqués dans les différentes malversations,
– fixer et faire respecter des délais de reversement des fonds et valeurs collectés par les services de recouvrement.
A la Trésorerie régionale de Ségou
– Recouvrer la somme de 2,38 milliards de FCFA,
– justifier ou recouvrer la somme de 8,08 milliards FCFA au titre des chèques non transmis par le Receveur des Douanes et des écarts entre le montant des quittances et la valeur des chèques correspondants,
– mettre en œuvre systématiquement les procédures légales en cas d’émission de chèques sans provision,
– tenir régulièrement, sans rature ni surcharge, les registres tenant lieu de comptes.
Au Centre des Impôts
– Justifier ou reverser la somme de 9,44 millions de FCFA au titre des écarts entre les quittances et les déclarations de recettes,
– contrôler les arrêtés périodiques des journaux à souches.
A la Brigade Territoriale
– Recouvrer la somme de 1,21 million de FCFA au titre des écarts entre les quittances et les Déclarations de recettes.