Recrutements irréguliers de volontaires, mise à disposition de volontaires insuffisamment qualifiés… : Le CNPV épinglé par le Vérificateur général

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Conformément aux pouvoirs n°039/2022/BVG du 1er décembre 2022 et en vertu des dispositions de l’article 2 de la loi n°2021-069 du 23 décembre 2021 l’instituant, le Vérificateur général a initié la vérification de performance de la gestion du Centre national de promotion du volontariat au Mali (CNPV) pour la période allant du 1er janvier 2019 au 31 octobre 2022.

Cette vérification de performance a pour objet la gestion du Centre national de promotion du volontariat au Mali (CNPV) durant la période allant du 1er janvier 2019 au 31 octobre 2022. Elle vise à s’assurer dans quelle mesure le CNPV contribue à la promotion et à la gestion du volontariat au Mali et de s’assurer que les mécanismes mis en place permettent la gestion économique, efficiente et efficace des ressources allouées.

Les travaux de vérification ont porté sur le cadre juridique et institutionnel, les rôles et responsabilités des acteurs impliqués dans la gestion des activités, la gestion des conventions signées avec les partenaires, l’organisation et le fonctionnement du CNPV, le recrutement et la gestion des volontaires, le suivi et l’évaluation des volontaires.

Au chapitre des constatations et recommandations, celles relatives aux résultats atteints et d’autre part les irrégularités consécutives à des manquements aux dispositions législatives et réglementaires.

En ce qui concerne le cadre stratégique de la gestion du volontariat, il ressort, entre autres, que le ministère en charge du Volontariat ne dispose pas d’un outil de pilotage stratégique ; le ministère chargé du Volontariat mobilise des ressources et les moyens techniques insuffisants pour la mise en œuvre efficace de la Politique nationale du volontariat. Ainsi, l’équipe de vérification a constaté que la Politique nationale de volontariat n’est pas soutenue par des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes ainsi que les moyens techniques appropriés pour sa mise en œuvre efficace.

Faible mobilisation des ressources humaines et matérielles

Après un entretien avec les responsables du CNPV et du ministère de tutelle, l’équipe de vérification a procédé à l’analyse des textes réglementaires, des documents financiers du CNPV et du document de la PNV. Ainsi, il ressort des travaux effectués qu’une faible mobilisation des ressources humaines et matérielles est mise en œuvre dans le cadre de la Politique nationale du volontariat. En effet, concernant les ressources humaines mises à la disposition du CNPV, acteur majeur de la mise en œuvre de la PNV, des postes importants du cadre organique comme le chef de département en finance et comptabilité et le chef de département de l’informatique, de la base de données et des archives ne sont pas pourvus. Aussi que les profils ou les statuts de certains agents ne correspondent pas aux critères indiqués dans le cadre organique.

En plus, les coordinations régionales ne disposent que d’un ou deux agents au maximum contrairement aux sept prévus par leur cadre organique. Par ailleurs, l’effectif des volontaires est largement déficitaire par rapport aux besoins et à l’offre des candidats, car le CNPV ne recrute que 100 volontaires nationaux tous les deux ans. Pour illustration, la coordination régionale de Bamako n’a recruté en 2022 que 15 volontaires nationaux sur 833 candidatures déposées, soit un taux de 1,8 % des candidatures.

Concernant les ressources matérielles, il ressort de la visite d’effectivité que l’équipe de vérification a effectué dans les trois régions de Koulikoro, Ségou et Sikasso que la mise en œuvre et le suivi-évaluation des actions de terrain ne sont pas effectués tel que le prévoient les textes en vigueur. La direction générale du CNPV et les coordinations régionales attribuent cette lacune au manque de moyens de déplacement pour l’exécution efficace de leurs missions de suivi.

48 % seulement du salaire contractuel payés

La mission a également constaté que les ressources financières du CNPV ne permettent pas de couvrir les salaires du personnel compte tenu des contraintes budgétaires. Les agents ne perçoivent qu’environ 48 % de leur salaire contractuel. En effet, le CNPV n’a payé qu’un montant total annuel de 39 696 540 F CFA sur une prévision annuelle de 83 367 588 F CFA, soit un écart de 43 671 048 F CFA.

L’équipe de vérification a constaté que l’Etat ne prend en charge que l’indemnité mensuelle de cinquante mille (50 0000) F CFA sur les cent mille (100 000) F CFA d’allocation mensuelle de chaque volontaire fixé par l’arrêté 2014-3417/MJCC-SG du 26 novembre 2014.

A titre illustratif, le montant accordé au CNPV dans son budget de 2023 pour la prise en charge des 100 volontaires est de 60 millions, soit 50 mille par mois pour chacun des 100 volontaires. Le détail de la prise en charge des volontaires est donné dans le tableau n°4 ci-dessous selon le budget 2023 du CNPV. Enfin, en ce qui concerne les moyens techniques à mettre en œuvre selon le document de politique, la mission a constaté que le Manuel d’intégration des variables du volontariat dans les politiques, stratégies, programmes et projets de développement visant la promotion et le renforcement de la mise en œuvre de la PNV, qui constitue l’élément important, n’est pas élaboré. 28. L’insuffisance des moyens humains, matériels et financiers ne permet pas une mise en œuvre efficace de la PNV et l’atteinte des objectifs qui lui sont assignés.

Absence de services

régionaux et subrégionaux chargés de suivi-évaluation

L’équipe de vérification a constaté que les Ministère chargé du volontariat n’a pas créé le Service central chargé de la coordination intersectorielle et du suivi-évaluation. Il ne dispose pas non plus de services régionaux et subrégionaux chargés de suivi-évaluation.

En termes de recommandations, la mission  de vérification recommande au ministre chargé du volontariat national de : faire adopter le document de la PNV et les textes juridiques y afférents ; doter le CNPV de ressources humaines, matérielles, financières et techniques nécessaires pour une mise en œuvre efficace de la PNV ; augmenter l’effectif des volontaires recrutés ; mettre en place tous les organes nécessaires à la mise en œuvre efficace de la PNV ; créer, au niveau national, le service central chargé de la coordination intersectorielle ; créer, au niveau régional et subrégional, les services régionaux et subrégionaux qui veilleront à la coordination et au suivi-évaluation.

Quant aux rôles et responsabilités des acteurs impliqués dans la gestion du CNPV, la mission de vérification a constaté que le conseil d’administration du CNPV ne fonctionne pas de manière efficace. Aussi, le mandat des membres du conseil d’administration n’est pas renouvelé conformément aux dispositions réglementaires en vigueur.

Six ans de retard dans

le renouvellement du mandat

des membres du CA du CNPV

Il ressort du rapport que la mission a examiné les décrets de nomination des membres du CA de la période revue. Elle s’est également entretenue avec les responsables du CNPV et du Ministère de tutelle qui ont mis en exergue un retard de six ans accusés dans le renouvellement du mandat des membres du CA du CNPV.

En effet, la mission a constaté que le premier conseil d’administration mis en place en 2012 par décret n°2012-655/P-RM du 8 novembre 2012 n’a été renouvelé qu’en 2021 par décret n°2021-0412/PT-RM du 02 juillet 2021, soit neuf ans au lieu de trois ans réglementaires soit un dépassement de mandat de six ans par rapport à ce que prévoient la règlementation en vigueur. Ainsi, le mandat des membres du CA du CNPV a été caduc pour six ans puisqu’il a été renouvelé en 2021 au lieu de 2015.

Le non-renouvèlement, dans le délai, du mandat des membres du CA, est de nature à compromettre la légalité, l’indépendance, l’application et l’efficacité de leurs délibérations. En ce qui concerne la tenue des sessions du CA, l’équipe de vérification a constaté leur non-régularité.

Les vérificateurs ont également constaté que le CNPV n’a pas mis en place tous ses organes d’administration et de gestion ; la direction générale du CNPV développe des coopérations et partenariats avec les organismes similaires ; le CNPV ne reçoit pas les rapports d’évaluation des volontaires des structures d’accueil

Pour corriger les irrégularités, la mission de vérification recommande au ministre chargé du volontariat de : renouveler dans le délai réglementaire le mandat des membres du CA ; veiller à la tenue régulière des sessions du CA. Quant au directeur général du CNPV, elle recommande de : renforcer les acquis en matière de coopération et de partenariat avec les organismes ; exiger la production et la transmission des rapports d’évaluation des volontaires par les structures d’accueil. En ce concerne l’organisation et le fonctionnement du CNPV, les vérificateurs ont constaté, entre autres, que le CNPV ne dispose pas de manuels de procédures validés ; l’agent comptable du CNPV ne produit pas des documents de synthèse ; la direction générale du CNPV ne respecte pas des dispositions de son cadre organique ; le CNPV ne réalise pas efficacement ses plans de travail annuel.

Non-paiement des droits de protection sociale des volontaires

Ainsi, ils recommandent au directeur général du CNPV de : faire valider les manuels de procédures par la commission de suivi des systèmes de contrôle interne dans les services et organismes publics ; exiger de l’Agent comptable la production régulière du compte de gestion et les états financiers ; respecter les dispositions du cadre organique du CNPV ; assurer la réalisation efficace des activités prévues dans ses plans de travail. Ils ont aussi recommandé à l’Agent comptable de produire régulièrement les comptes de gestion et les états financiers.

Au chapitre des procédures de recrutement et gestion des volontaires, la mission a décelé que le CNPV procède à des recrutements irréguliers de volontaires ; le CNPV n’assure pas efficacement le renforcement des capacités des volontaires ; le CNPV ne respecte pas la procédure de mise à disposition des volontaires aux structures d’accueil ; le CNPV ne veille pas au paiement des droits de protection sociale des volontaires de certaines structures notamment l’Association des femmes ingénieurs ; la mairie de Koulikoro ; la Société Métal Baye SARL ; la Préfecture de Koulikoro ; la direction régionale du contrôle financier de Koulikoro ; le Centre de promotion des jeunes de Sikasso, la direction régionale de l’Energie de Sikasso ; l’Hôtel Résidence de Ségou, l’Hôpital Nianankoro Fomba de Ségou ; l’Office Riz de Ségou. Il ressort également que le CNPV met à la disposition des structures d’accueil des volontaires nationaux n’ayant pas prêté serment.

A l’issue de la vérifications, il est recommandé au directeur général du CNPV de : mettre en place une base de données fiable, exhaustive et intégrée ; créer et opérationnaliser un site web devant recevoir les demandes de candidature en ligne des volontaires nationaux ; organiser les tests écrit et oral des volontaires avant tout recrutement ; veiller à l’organisation de toutes les formations réglementaires destinées aux volontaires et leur délivrer les attestations correspondantes ; signer, avant toute affectation de volontaire, la convention de partenariat avec les structures d’accueil ; exiger des structures d’accueil le paiement des charges sociales des volontaires conformément à la règlementation en vigueur ; veiller à la prestation de serment des volontaires avant leur affectation.

Inadéquation entre le profil des agents et les attentes

En conclusion, la vérification de performance de la gestion du Centre national de promotion du volontariat a relevé des insuffisances dans l’adoption, la mise en œuvre et le suivi-évaluation de la Politique nationale de volontariat, l’organisation et le fonctionnement du Centre national de promotion du volontariat, les rôles et responsabilités des acteurs impliqués dans la gestion du Centre national de promotion du volontariat ainsi que le recrutement et la gestion des volontaires.  En effet, la non-adoption de la PNV et le manque des moyens humain, financier, matériel et technique pour sa mise en œuvre entament l’efficacité et l’efficience de la stratégie nationale de la promotion du volontariat. De même, le CNPV ne pourrait être performant lorsque l’effectif et le profil des agents ne sont pas en adéquation avec ses attentes.

De ce fait, le taux d’exécution des activités du plan de travail annuel du CNPV n’est pas satisfaisant. S’agissant du recrutement et de la gestion des volontaires, il apparait, entre autres, que le CNPV ne respecte pas le processus de recrutement et de mise à disposition des volontaires aux structures d’accueil. Il affecte des volontaires dans des structures n’ayant pas exprimé de besoin. Les volontaires, non plus, n’ont pas prêté serment. La base des données devant recueillir les informations sur les volontaires n’est ni exhaustive ni fiable et ne permet pas d’avoir des informations importantes sur les candidats au volontariat comme le profil, le domaine de compétence, le diplôme et la ville de résidence des candidats. Le renforcement des capacités des volontaires n’est pas effectué de manière optimale du fait de la non-formation ou la formation partielle des volontaires ayant comme conséquence la mise à disposition des volontaires insuffisamment qualifiés pour appuyer les structures d’accueil.

Celles-ci, n’étant pas suffisamment informées des droits et obligations des volontaires ne payent pas convenablement les charges sociales des volontaires. Toutes ces insuffisances sont de nature à impacter négativement l’efficacité et l’efficience de la gouvernance administrative et financière du CNPV et ne garantissent pas la promotion du volontariat au Mali. Pour y pallier, la mission de vérification suggère des recommandations dont la mise en œuvre apportera une valeur ajoutée à la performance du CNPV.

       Synthèse de Boubacar Païtao

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