Le document fait ressortir un manque à gagner de plus de 102 milliards pour les caisses de l”État entre 2002 et 2006.
Le Vérificateur général, Sidi Sosso Diarra a remis lundi au président de la République, le rapport 2006 de l”institution qu”il dirige. C”était au cours d”une cérémonie qui s”est déroulée à Koulouba en présence des membres du gouvernement, des présidents d”institutions de la République, des membres du Bureau du Vérificateur général et des structures de contrôle de l”administration, des représentants d”associations des contrôleurs et auditeurs.
Au terme de la loi qui l”institue, le Vérificateur général est tenu d”élaborer un rapport annuel adressé par la suite au président de la République, au Premier ministre et au président de l”Assemblée nationale. Le rapport remis lundi au président Touré est le deuxième du genre, après celui de 2005 qui faisait ressortir un manque à gagner de 15 milliards de Fcfa pour les finances publiques.
70 % DE LA MASSE SALARIALE :
Le rapport 2006 est la synthèse de 26 rapports de contrôle adressés aux structures vérifiées. Les rapports individuels de 700 pages ont porté sur la vérification des opérations de recettes auprès des directions générales des Impôts et des Douanes, la vérification financière ou de performances dans les secteurs de l”éducation, la santé, l”énergie et l”eau et l”agriculture, a expliqué le Vérificateur général. La dernière partie concerne la vérification financière dans des directions administratives et financières et des établissements publics à caractère administratif, notamment deux hôpitaux nationaux.
"De nos investigations, il ressort qu”entre 2002 et 2006 l”État a été privé de plus de 102 milliards de Fcfa de recettes pour des raisons diverses que sont : le non recouvrement et ou la minoration d”impôts et droits de douane, le détournement et la dilapidation des fonds publics, les surfacturations, les commandes fictives, pour ne citer que les cas les plus courants de mauvaises pratiques recensées", a indiqué le Vérificateur général. Selon lui, des irrégularités graves et variant d”une structure à l”autre, ont été également relevées dans la gestion des DAF contrôlées.
Sidi Sosso Diarra a estimé que ce manque à gagner est d”autant plus préoccupant qu”il représente le double du Budget spécial d”investissement de toute l”administration publique. "Il représente également plus de 70 % de la masse salariale annuelle de la Fonction publique, le coût de 3026 blocs de 3 salles de classes entièrement équipées, 312 nouveaux centres de santé de référence convenablement équipés et staffés".
"Ce comportement, a-t-il dit, n”est pas acceptable de la part de ceux qui, au lieu d”être les serviteurs de l”État, privent les élèves de manuels scolaires, limitent l”accès des malades aux soins dont ils ont besoin, renforcent le chômage des jeunes ".
Sidi Sosso Diarra est d”avis que la bataille contre la corruption est une guerre de longue haleine, que la meilleure réponse réside dans la prévention. "Nous savons que zéro corruption n”est pas imaginable, mais nous souhaitons que l”impunité zéro devienne une réalité", explique-t-il. Il s”est dit conscient que "le vérificateur général sera jugé par l”opinion sur des critères de rentabilité, en clair, combien il coûte, contre combien il fait gagner ou rentrer d”argent". Il existe cependant des indices encourageants a noté le VG. "Nos équipes ont noté des signes encourageants dont un début d”application de nos recommandations, ainsi que la régularisation en cours de plus de 19 milliards de Fcfa par des structures mises en cause", a précisé Sidi Sosso Diarra.
UN PHENOMENE PERNICIEUX :
En réponse, le président de la République, Amadou Toumani Touré a salué l”amélioration de la capacité du BVG à exécuter ses missions et à répondre aux multiples sollicitations qui lui sont adressées. Il a réaffirmé sa disponibilité et son soutien indéfectible dans l”accomplissement de la mission du Vérificateur général contre la corruption et la délinquance financière.
Le président Amadou Toumani Touré est ensuite revenu sur toutes les actions menées dans ce sens, qui vont de la mise en place d”un comité ad hoc chargé d”examiner le rapport de la Banque mondiale sur la corruption au Mali, à la transmission au président de la République de 669 rapports de contrôles et d”inspections (rapports analysés par la CASCA), en passant par l”installation des pôles économiques, le renforcement des moyens économiques et humains des structures de contrôle, la réduction de 250 millions à 50 millions Fcfa, le seuil à partir duquel les établissements publics industriels et commerciaux sont tenus d”observer les règles de la concurrence.
Amadou Toumani Touré a déploré que malgré ces efforts, la corruption persiste et continue d”avoir un impact négatif sur les ressources publiques et les politiques de développement. Pour le président Touré, la corruption n”est pas une fatalité, elle peut être endiguée en changeant qualitativement aussi bien notre état d”esprit que notre relation aux biens publics.
"La bataille contre la corruption va continuer.
Dans mon Projet pour le développement économique et social, je me suis engagé à réaliser sous ce quinquennat le renouveau de l”action publique dont la lutte contre la corruption est une composante essentielle et les services de contrôle et le Vérificateur général des instruments", a ajouté le chef de l”État. D”où la tenue prochaine des États généraux de la lutte contre la corruption et la délinquance financière qui seront organisés avec la participation des cadres de l”administration, des représentants du secteur privé et de la société civile, des représentants des partenaires financiers et des organisations œuvrant dans le domaine.
L”installation du Bureau du Vérificateur général dénote de la volonté du chef de l”État de lutter résolument contre la corruption. "Malgré les efforts des gouvernements successifs, ce phénomène pernicieux continue à saper nos efforts du fait de quelques individus ou groupes d”individus ne se souciant que de leur bien-être", a dénoncé le président de la République. "Comment demander chaque fois à l”État, si vous demeurez pour un grand nombre des spectateurs, voire des complices passifs ? Nos partenaires sociaux ne peuvent rester inactifs devant cette calamité dont ils connaissent en partie le mécanisme dont certains sont parfois les tristes bénéficiaires", a souligné le président Touré.
DES CHIFFRES QUI CHOQUENT :
La lutte contre la corruption et la délinquance financière permettra d”augmenter les revenus, de construire plus de lycées, de centres de santé, de répondre efficacement à la demande sociale, a-t-il relevé. "C”est après avoir mesuré cette grave dérive depuis des décennies, que j”ai décidé de la création du Bureau du Vérificateur général, un instrument indépendant que je soutiens et appuie", a indiqué le chef de l”État.
Parlant du rapport 2006 du Vérificateur général, le président Touré a précisé qu”il ne s”agit que d”une partie des investigations, car en 5 ans, il a aussi reçu les résultats du contrôle d”autres services d”investigation. Le chef de l”État a félicité ces services notamment le Contrôle général des services publics, l”Inspection des finances, les inspections des ministères et les pôles économiques et financiers.
"Il a fallu du temps et des grands moyens pour réorganiser, s”installer se former et travailler. Je veux des résultats. Aussi, je donne instruction au gouvernement de fournir plus d”efforts et demande surtout à la justice de prendre le relais, afin de dire le droit, rien que le droit, mais tout le droit. Les instruments d”investigation dont nous nous sommes dotés ont besoin de votre engagement indéfectible pour mener à bien la lutte contre ce fléau dans notre pays", a-t-il poursuivi.
Le chef de l”État qui a placé son mandat sous le signe du renouveau de l”action publique et la restauration de l”autorité de l”État a mis l”accent sur l”énormité des pertes ainsi accusées par l”État. "Le manque à gagner de près de 103 milliards de Fcfa pour les caisses de l”État entre 2002 et 2006, révélé par le rapport est édifiant. Et ce n”est qu”une infime partie, si l”on devait tenir compte de celui des rapports des autres organes de contrôle. Malgré les 20 % des fonds récupérés, ces chiffres choquent", a critiqué le président Touré.
Pour le chef de l”État la lutte contre la corruption et la délinquance financière n”est pas la bataille du seul président de la République. "Je ne peux réussir sans l”engagement de toutes les Maliennes et de tous les Maliens, a-t-il dit. Elle requiert une étroite complémentarité entre les différentes institutions de la République".
ACCELERER LE RYTHME DU CHANGEMENT :
Il a invité le Premier ministre et tous les autres membres du gouvernement à prendre les mesures appropriées, afin que les recommandations faites par les différentes structures de contrôle soient effectivement mises en œuvre et que l”opinion en soit informée.
Pour ce qui est du rapport 2006 du Vérificateur général, le chef de l”État annoncé qu”il l”adressera très prochainement au chef du gouvernement pour examen en vue de procéder aux redressements nécessaires et d”engager des actions indispensables à la sauvegarde des ressources de l”État.
Amadou Toumani Touré a invité les cadres appelés aux responsabilités à servir le Mali avec compétence, probité morale et un sens élevé de l”État. "La crédibilité de l”État est à ce prix. Il nous faut accélérer le rythme du changement : changement de mentalité, changement de comportement à tous les niveaux. Le temps est venu pour chacun d”assumer ses responsabilités, toutes ses responsabilités. J”y veillerai !", a conclu Amadou Toumani Touré.
A. LAM
L”Essor du 28 juin 2007
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