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En Afrique et dans le monde, très peu de pays ont pris l’option d’instituer un Vérificateur général. C’est qu’au delà de la noblesse de sa fonction, la création d’une telle institution de contrôle requiert, non seulement une étude munitieuse de la situation socio-économique du pays, mais aussi l’élaboration de textes et la mise en place de ressources humaines et de logistiques adéquates. Aussi, la volonté affichée, depuis 2002, par le Chef de l’Etat, de mettre fin au détournement des fonds publics, a entraîné la nécessité, sinon l’urgence de la mise en place d’un Bureau du Vérificateur général.
Une fonction d’abnégation
“Ce n’est pas par désir de nuire que nous rendons publics ces rapports”, précisait, d’emblée, le Vérificateur général, au cours de son point de presse tenu à l’hôtel Azalaï, le 29 juin 2007. Et d’ajouter : “Mais l’impact du manque à gagner est assez fort, et doit interppeller chacun d’entre nous.” Une interpellation qui a sans doute incité l’Etat à créer des structures de contrôle comme le Contrôle Général d’Etat, la CASCA, le Pôle économique et financier… en vue d’endiguer les effets pervers de la corruption.
Mais la délinquance financière allant grandissante, la nécessité s’est imposée d’instituer le bureau du Vérificateur général, dont les prérogatives vont au delà de celles des structures sus-citées, sans pour autant “marcher sur leurs plates-bandes”. Ce qui a obligé les missions du V.G. à effectuer beaucoup de recoupements et de déplacements, souvent hors du pays. Si bien que, compte tenu du volume du travail, la date de publication ce “Rapport Annuel 2006” a pris deux semaines de retard. Avant l’élaboration de ce rapport, le V.G et ses collaborateurs ont eu des séances de travail avec les structures vérifiées. Toute chose qui dénote la véracité de résultats du contrôle. Car, dira le V.G., “C’est capital de respecter le droit de réponse des structures vérifiées”.
Mais, (de ce rapport annuel, il ressort que toutes les structures contrôlées se sont rendues coupables de deux délits essentiels : la fraude et la mauvaise gestion. Pire, les vérifications financières de 2006 ont révélé qu’entre 2002 et 2006, l’Etat a perdu 102.631.496.281 FCFA. Un manque à gagner qui représente 69%s du salaire total annuel des travailleurs de la Fonction publique, et le double du budget annuel de l’administration publique. Et que dire, lorsque la DAF du ministère des Mines, de l’énergie et de l’eau s’illustre par une dépense de 11 millions de FCFA, rien qu’en… thé et en sucre?…
A cette allure, on se demande, avec effroi, quel résutlat nous réservent les contrôles du V.G., pour l’année 2007). Déjà, une cinquantaine de structures sont ciblées, et le travail de contrôle a déjà commencé. Un travail qui rend la fonction du Vérificateur général très pénible, souvent ingrate et impopulaire. Mais les rôle et mission du V.G. sont si décisifs dans le redressement de notre économie qu’ils revêtent le statut d’un noble sacerdoce.
Des secteurs épinglés
De 2004 à 2006, le bureau du Vérificateur général a effectué deux séries de 37 missions. Pour la période 2004-2005, ses contrôles ont essentiellement porté sur le recouvrement et le reversement des taxes et droits de douane et sur la vérification de la gestion de la Banque de l’Habitat du Mali (BHM) et des Directions Administratives et Financières (DAF) de certains départements ministériels. Le résultat fut accablant : plus de 15 milliards de FCFA de manque à gagner pour l’Etat, dû à la mauvaise gestion des recettes et au non reversement desdits droits et taxes. Pire, jusqu’à nos jours, il n’est pas encore établi que ce montant a été recouvré…
En 2006, les contrôles se sont axés sur les recettes et dépenses de certains secteurs-clés : la Direction Générale des Impôts (DGI), le bureau douanier des hydrocarbures, les DAF des ministères de l’Education nationale, de la Culture, des Mines, de l’Energie et de l’eau, de la Santé, et le secteur social et agricole, dont la Direction Nationale de l’Hydraulique (DNH), l‘Office du Niger, le Programme d’investissement sectoriel pour l’éducation (PISE) et le Programme de développement socio-sanitaire (PRODESS).
A cette période, 47 plaintes et saisines ont été reçues et traitées, se rapportant à l’AGETIPE, la Commune de Baya et au Forum Social et Polycentrique de Bamako. A l’Office du Niger, 7 milliards de détournement de fonds ont été décélés. Le même montant a été constaté au sein des départements des Mines, de la Santé et de l’Education nationale. Ce ministère s’est, en plus, rendu coupable de livraison fictive de matériel scolaire pour un montant de 3 milliards de FCFA. Au PRODESS, plus de 7 milliards ont été détournés, soit plus de 6 milliards en “réceptions et missions”, plus d’un milliard et demi en “charges de véhicules”, et moins d’un milliard et demi en “dépenses pour la santé”.
Au PISE, à la DNH… et dans les DAF sus-citées, les irrégularités ont porté sur le détournement, les dépenses douteuses, le fractionnement des marchés, la violation de leurs procédures de passation… Les 7% du manque à gagner de 2006 (près de 103 milliards) constituent des redevances de la Douane et des Impôts. Soit près de 38 milliards d’impôts et taxes non recouvrés par la DGI sur des opérateurs économiques, plus de 15 milliards de droits de douane détournés dans les importations frauduleuses d’hydrocarbures, et 18 milliards en chèques impayés, dont 16 milliards ont quand même été régularisés avant la publication du rapport 2006 du Vérificateur général.
Il est indéniable que l’implication et la tenacité du burau du Véficateur général ont découragé bien des velléités de détournement des deniers publics. Et grâce au suivi de ses recommandatoins, un montant de 19.268.515.958 FCFA a été récupéré avant même la fin de l’année 2006. Soit 16.958.406.755 FCFA à titre de paiement, par chèque, de droits et taxes sur les produits pétroliers, 2.249.139.683 FCFA à l’INPS, 58.233.255 FCFA à la Pharmacie Populaire du Mali, 2 millions de FCFA à l’hôpital du Point G, et 736.265 FCFA à l’hôpital de Kati.
Autant de performances qui ont valu au bureau du Vérificateur général de bénéficier d’un regain d’estime au sein de la population.
Oumar DIAWARA
Les missions et leur impact
Institué par la loi N°03-030 du 25 août 2003, le Vérificateur général – tout comme son adjoint – est nommé pour 7 ans non renouvelables. Le bureau qu’il dirige compte 102 employés, et au nombre de ses cadres techniques figurent 13 vérificateurs et 40 assistants-vérificateurs. Le quart de ce personnel technique a été choisi au sein des maliens de l’étranger. Un mode de recrutement qui présente deux avantages : il assure la “virginité” des hommes de Sidi Sosso Diarra dans d’éventuelles compromissions au sein de l’administration ; il leur permet aussi de donner toute la mesure de leurs qualités, compétences et expériences, pour l’exercice correct de leur fonction.
Le bureau, dont l’effectif est constitué, à 20%, de femmes, compte en plus, 3 directions : finances et administration, communication et informatique. N’eut été la compétence de ce bureau, son effort pourrait être jugé insuffisant, au regard de la difficulté des missions qui lui sont assignées. Des missions “d’élaboration des politiques publiques, de contrôle de la performance de la qualité des services et organismes publics (notamment les programmes et projets de développements), de la régularité des recettes et dépenses des institutions de la République, des administrations d’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et autres organismes financiers bénéficiant du concours financiers de l’Etat”.
En plus de ce travail, le bureau se doit de proposer, aux autorités publiques, “des actions et mesures propres à assurer une meilleure adaptation du coût et du rendement des services publics, à rendre plus pertinent l’emploi des ressources publiques et à garantir le fonctionnement régulier des organismes et structures publics”.
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