Dans le cadre de ses missions, le Bureau du vérificateur Général (Bvg), s’est intéressé au Fonds du Plan d’actions gouvernemental pour l’amélioration et la modernisation de la gestion des finances publiques (Pagam/Gfp), et au Fonds d’Equipement. Ces deux fonds sont gérés respectivement par la Direction des Finances (Dfm) du Ministère chargé des Domaines de l’Etat et la Direction nationale des domaines et du cadastre (Dndc).
Le Pagam/Gfp a pour objectif de renforcer la gouvernance économique et financière du pays à travers notamment la maîtrise de l’assiette fiscale et la modernisation des administrations financières. Quant au F.E, il vise à renforcer des capacités opérationnelles de la Dndc et permet à cette structure de faire face à certaines dépenses d’équipement et de fonctionnement, de renforcer les compétences du personnel par des actions de formation et de motiver les agents à travers le paiement d’heures supplémentaires. Cependant, la gestion de ce fonds a fait l’objet de polémiques incessantes de la part du Syndicat qui voulait en savoir plus sur son exécution. Pour l’utilisation des ressources financières, la Dfm du MDE et la Dndc sont accusées de détournements, de fraude et de mauvaise gestion pour une bagatelle de 257 millions Fcfa. Ces irrégularités portent sur des dépenses non justifiées, des achats fictifs, des travaux payés doublement, des dépenses irrégulières. Pour mieux démontrer les démontrer, le Bvg a retenu des griefs au détail.
Gestion du Pagam/Gfp: la Dfm du Ministère chargé des Domaines de l’Etat supporte des charges irrégulières.
La Direction des Finances et du Matériel a conclu des contrats simplifiés et des marchés avec une entreprise ne remplissant pas les conditions d’éligibilité. En effet, l’attributaire du marché relatif à l’élaboration d’une application de gestion des concessions urbaines et des concessions rurales a présenté dans sa proposition technique les curricula vitae de deux autres fonctionnaires ne remplissant pas les conditions fixées par le cahier de charges. L’attribution du marché à un soumissionnaire ne remplissant les conditions fixées par les cahiers de charge met en cause la transparence dans l’accès à la commande publique.
La Commission de réception d’un marché relatif à la fourniture de matériels informatiques pour le compte de 14 bureaux spécialisés des Domaines et du Cadastre a admis sans réserve les acquisitions non conformes aux spécifications techniques du cahier de charges.
Il a été ainsi irrégulièrement dépensé sur le fonds Pagam/Gfp, destiné à la Dndc, un montant de 81,56 millions de Fcfa. A titre illustratif, aucun des serveurs achetés dans ce cadre n’est encore opérationnel. La non-opérationnalisation de ces matériels due à leur non-conformité ne permet pas d’informatiser les processus de gestion des recettes domaniales et foncières encore moins de faire des contrôles appropriées sur ces recettes.
Le directeur des Finances et du Matériel a conclu des contrats de formation irréguliers. Le contractant de la formation a intégré dans sa facture les frais de déplacement des agents alors qu’il n’a effectué aucune prestation y afférente. Le directeur des Finances et du Matériel a néanmoins autorisé le paiement de ces frais de déplacement sans qu’ils ne soient la conséquence nécessaire et directe des prestations.
De plus, la preuve de paiement aux participants desdits frais n’a pas été fournie. Le montant total de ces irrégularités s’élève à 15,32 millions de Fcfa.
Le directeur des Finances et du Matériel a fait payer doublement des travaux. Deux contrats simplifiés de 2011 relatifs à des travaux effectués au niveau des Directions régionales des Domaines et du Cadastre de Sikasso et de Koulikoro ont servi à payer des dépenses déjà incluses dans les marchés initiaux de 2008 concernant la construction de ces mêmes Directions régionales. Le montant total indûment payé s’élève à 39,07 millions de Fcfa.
Le directeur des Finances et du Matériel a effectué des achats fictifs sur le fonds Pagam/Gfp. En effet, il a effectué, suivant contrats simplifiés, des acquisitions de motos, de matériels de quincaillerie, la réalisation de travaux de mise à jour des registres fonciers urbains, des formations, le déploiement d’un logiciel de gestion des actes administratifs et l’élaboration d’une application de gestion des concessions urbaines et rurales à usage d’habitation sans que l’existence et la réalité de ces acquisitions et prestations de service ne soient établies. Le montant total des prestations fictives payées se chiffre à 88,17 millions de Fcfa.
Gestion du F.E par la Direction nationale des domaines et du cadastre : des fonds détournés.
Les dépenses effectuées sur le FE ne sont pas exécutées suivant les textes relatifs aux dépenses publiques. En effet, aucune disposition régissant le budget d’Etat ne permet de déterminer le cadre budgétaire du FE. En outre, ces dépenses n’apparaissent pas dans le budget de la Dndc pour la période sous revue. L’absence de règlementation sur la nature budgétaire du FE ne permet pas de s’assurer de la transparence de sa gestion encore moins du respect de la réglementation en vigueur.
L’Agence comptable centrale du Trésor (Acct) n’exerce pas les contrôles requis en matière de paiements des dépenses effectuées sur le FE. Or, l’article 22 alinéa 2 du Décret n°2014-349/P-RM du 22 mai 2014 portant Règlement général de la comptabilité publique dispose que le comptable public de rattachement a l’obligation de contrôler sur pièces et sur place les opérations et la comptabilité des régisseurs et ajoute qu’il est personnellement et pécuniairement responsable des opérations des régisseurs dans la limite des contrôles qui lui incombent. De plus, malgré l’absence d’actes de création de la régie et de nomination du Régisseur de la Dndc, l’Acct a toujours accepté les pièces justificatives apportées par le Comptable-matières Adjoint, agissant en qualité de Régisseur de fait du FE. Ces faiblesses peuvent favoriser le paiement de dépenses non éligibles et non justifiées.
La Dndc a effectué sur le FE une dépense dont l’appréciation du caractère de petite dépense d’équipement et ou de fonctionnement est équivoque. En effet, l’article 3 de l’Arrêté Interministérielle n°03- 2902/MDEAFH-MEF du 31 décembre 2003 portant répartition du produit des pénalités, amendes et prime sur les recettes domaniales
et foncières dispose que le fonds d’équipement est destiné à effectuer certaines dépenses de petits équipements et/ou de fonctionnement sans indiquer le montant plafond par dépense. Or, la Dndc a acquis un véhicule à 30 millions de FCFA sur le FE. L’absence de seuil indiquant les montants des petites dépenses d’équipement et/ou de fonctionnement est de nature à favoriser l’exécution des dépenses non éligibles sur ce fonds.
Le Directeur national des domaines et du cadastre a effectué des dépenses irrégulières sur le FE. Il s’agit de dépenses d’un montant de 17,94 millions de Fcfa ne rentrant pas dans l’objet du fonds. Il a accordé des appuis à son personnel pour des évènements sociaux et à d’autres agents partant ou déjà admis à la retraite, ainsi qu’à des agents du Ministère de tutelle. Par ailleurs, il a payé des frais de nettoyage des locaux qui, légalement, sont à la charge du budget de la Dfm du département de tutelle pour un montant de 1,5 million de Fcfa. Le montant total des dépenses ainsi effectuées se chiffre à 19,44 millions de Fcfa.
Le Gestionnaire du FE a effectué des dépenses non justifiées. Sur autorisation du Directeur national des domaines et du cadastre, il a décaissé des montants sans justificatifs, relativement à un appui à l’armée nationale. En outre, il n’a fourni aucune pièce pour d’autres montants figurant sur les états récapitulatifs de justification des décisions. De plus, des pièces ont été doublement utilisées pour justifier des décaissements. Le montant total des dépenses ainsi effectuées se chiffre à 4,88 millions de Fcfa.
Le Directeur national des domaines et du cadastre a effectué des achats fictifs de logiciels antivirus. Le 16 mai 2013, le Dfm a conclu, sur le fonds du Pagam/Gfp, un contrat simplifié pour la fourniture de 135 boites d’anti-virus pour le compte de la Dndc. Parallèlement, le directeur national des domaines et du cadastre a conclu un contrat sans numéro à la date du 12 juillet 2013 pour le même objet, la même quantité et le même montant. Cependant, contrairement au directeur des finances et du matériel, le directeur national des domaines et du cadastre n’a pu fournir la preuve de réception des 135 boîtes d’anti-virus qui auraient été achetées sur le FE pour un montant de 8,76 millions de Fcfa.
A.B.HAÏDARA