Le Vérificateur général a remis officiellement son rapport annuel 2019 au Président de Transition. Le document s’articule autour des trois types de vérifications, notamment les vérifications de suivi des recommandations, les vérifications de performance et les vérifications financières. Selon le Végal, ce rapport, deuxième de son mandat, au-delà de l’exigence légale d’informations sur la gestion publique, reste une opportunité d’échanges sur l’actualité et les grandes tendances qui ont marqué le Bureau du Vérificateur Général (BVG) en 2019. Et de poursuivre que la publication du rapport annuel est un moment privilégié de réflexion et d’appréciation de l’état de la gestion de nos administrations, de nos établissements et organismes publics, de nos Collectivités territoriales et des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation financière durant les périodes sous revue. A cet effet, dira-t-il, ce rapport se veut l’expression de la mise en œuvre de sa vision stratégique empreinte d’ouverture, de renforcement de l’expertise et de développement des synergies dans le domaine de la vérification. Une vision axée sur la création d’une synergie quadripartite qui ambitionne d’adjoindre au contrôle du Vérificateur Général, les efforts d’un contrôle parlementaire plus accentué, d’un contrôle citoyen plus outillé et une collaboration dynamique avec les acteurs judiciaires, pour éradiquer la mauvaise gestion et la délinquance économique et financière.
le rapport comporte les synthèses de 31 missions de vérifications effectuées au titre de l’année 2019 et qui se répartissent entre les vérifications de suivi des recommandations formulées par de précédents travaux, les vérifications de performance et les vérifications financières ou de conformité. Ces vérifications ont concerné des secteurs importants de l’État comme l’Agriculture, dans laquelle travaille la majorité de la population active, la Santé qui touche directement le bien-être des citoyens, l’Éducation, base essentielle du développement socio-économique, le secteur minier, important pourvoyeur de recettes pour l’État avec un impact considérable sur l’environnement, les Collectivités territoriales jouant un rôle prépondérant dans la gouvernance locale ou encore les Affaires étrangères qui portent l’image et la voix du pays sur la scène internationale.
Il faut souligner que dans le cadre de l’exécution des missions du Bureau en lien avec la vision du Vérificateur Général, l’année 2019 a été particulièrement marquée par diverses activités tant au sein de la structure qu’en direction des parties prenantes. Au titre de l’année 2019, des missions de vérifications financières ou de conformité, de vérifications de suivi des recommandations et de vérifications de performance ont été effectuées. Ces missions de vérification ont été réalisées dans les administrations d’État (services centraux, régionaux, organismes personnalisés, autorités administratives indépendantes, services diplomatiques et consulaires), dans les Collectivités territoriales et les sociétés minières dans lesquelles l’État détient une participation au capital.
31 rapports individuels de vérifications produits
A en croire le rapport, les 31 rapports individuels de vérification produits sont publiés sur le site du BVG. Il s’agit de 15 rapports de vérification financière, huit rapports de vérification de performance et huit rapports de suivi des recommandations.
S’agissant des principales réalisations du BVG en 2019, le rapport indique qu’elles s’articulent autour de plusieurs activités tant au plan national qu’international.
Au plan national, les réalisations ont porté essentiellement sur le renforcement de la synergie avec les institutions de contrôle (le Contrôle général des services publics et les Commissions chargées des finances et des lois de l’Assemblée nationale) ; le renforcement de la collaboration avec la Section des comptes de la Cour suprême, les Tribunaux de grande instance chargés des Pôles économiques et financiers et le Conseil national de la société civile ; le renforcement du partenariat avec les Partenaires techniques et financiers (Ptf) (la Représentation de la Banque mondiale, la Délégation de l’Union européenne, la Représentation du Fonds monétaire international, la Coopération Suisse, les Ambassades du Canada et des Pays-Bas).
En ce qui concerne l’exécution du programme annuel de vérification, elle s’inscrit en droite ligne de la mise en œuvre des missions de vérification programmées et planifiées par le Vérificateur général. Ainsi, 31 missions ont été réalisées sur 32 programmées qui ont concerné les services centraux, régionaux, diplomatiques et consulaires, les organismes personnalisés, les autorités administratives indépendantes, les Collectivités territoriales et les sociétés minières.
Par rapport aux saisines et dénonciations, le rapport estime que pour le fondement légal de la saisine, le Vérificateur général, en qualité d’autorité administrative indépendante investie de missions de contrôle administratif externe, est largement ouvert à la saisine de tout citoyen et de toute personne morale pour signaler des faits susceptibles de constituer des irrégularités administratives et/ou financières.
39 saisines adressées au Bvg en 2019
Ainsi, il ressort que le Bvg a noté, en 2019, un accroissement des exigences des citoyens en matière d’amélioration de la bonne gouvernance et de transparence de la vie publique. Et l’augmentation des saisines adressées au Vérificateur général en est une parfaite illustration. Si en 2018, les saisines étaient au nombre de 10, elles sont passées à 39, en 2019. Ces saisines provenant de différentes couches sociales ont porté, entre autres, sur la gestion des deniers publics, ainsi que la gouvernance des services publics de l’État, des Collectivités territoriales et des organismes personnalisés.
Le rapport mentionne que les suites réservées à ces 39 saisines reçues par le Vérificateur général se présentent ainsi qu’il suit : quatre saisines ont donné lieu à la réalisation de missions de vérification financière ; quatre ont fait l’objet de missions programmées pour l’exercice 2020 ; cinq ont fait l’objet de transmission à l’autorité hiérarchique de l’entité mise en cause ; 14 ont été classées ; 12 sont en cours d’examen.
Pour les dénonciations, le rapport précise que la dénonciation est l’acte par lequel une autorité constituée porte à la connaissance des autorités judiciaires ou administratives compétentes des faits susceptibles de constituer des infractions à la loi qui est consacrée par la Loi instituant le Bvg.
Au Bvg, la dénonciation des irrégularités financières aux autorités judiciaires requiert la préparation d’un dossier comprenant : un acte de dénonciation, une note explicative, un dossier de corroboration et un exemplaire du rapport de vérification. Cela procède du souci d’une meilleure exploitation des rapports de vérification par la Justice.
A cet effet, le Vérificateur Général a procédé à 27 transmissions et 27 dénonciations respectivement au Président de la Section des comptes de la Cour suprême et aux Procureurs de la République, chargés des Pôles économiques et financiers près les Tribunaux de Grande instance de la Commune III du district de Bamako, de Kayes et de Mopti.
25 dossiers de dénonciations
La situation de ces dénonciations se présente comme suit : 25 dossiers de dénonciation au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier ; un dossier de dénonciation au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Kayes, chargé du Pôle économique et financier ; un dossier de dénonciation au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Mopti, chargé du Pôle économique et financier.
A la lecture du rapport, il ressort que les vérifications financières ou de conformité ont concerné notamment la gestion de l’Ambassade du Mali à Washington aux États-Unis d’Amérique ; la gestion de l’Ambassade du Mali à Rome en Italie ; la gestion de l’Ambassade du Mali à Madrid en Espagne ; la gestion de l’Ambassade du Mali à Abidjan en République de Côte d’Ivoire ; la gestion de l’Ambassade du Mali à Ouagadougou au Burkina Faso ; la gestion du Consulat Général du Mali à Douala au Cameroun ; la gestion de la Mairie de la Commune II du district de Bamako ; la mise en œuvre des conventions d’établissement de la Société des Mines d’or de Loulo (Somilo-sa) et de la Société des Mines de Gounkoto (Gounkoto-sa) ; la mise en œuvre de la convention d’établissement de la Société des Mines de Syama (Somisy-sa) ; la gestion de l’Office de radio et télévision du Mali (Ortm) ; les opérations de recettes et de dépenses liées au pèlerinage à la Mecque ; la gestion de l’Agence malienne de radioprotection (Amarap) ; la gestion de l’Office malien de l’habitat (Omh) ; les opérations de perception des redevances et autres produits dus à l’État et l’exécution des conventions et contrats signés entre l’État et les personnes et opérateurs soumis à la régulation de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications, technologies de l’information et de la communication et des postes (Amrtp) ; la gestion de la Pharmacie populaire du Mali (PPM).
La vérification des représentations diplomatiques citées plus haut ont décelé une irrégularité financière de près de 2,7 milliards de Fcfa. Celle de la mairie de la commune II du district de Bamako a fait ressortir des irrégularités financières qui s’élèvent à 153,64 millions de Fcfa composées principalement de l’utilisation non justifiée par le maire de la commune II du don de l’Ambassade de Chine d’un montant de 28,90 millions de Fcfa ; du paiement des salaires aux agents recrutés sans délibération du Conseil communal pour un montant de 7,02 millions de Fcfa ; de la non perception d’un montant de 314 400 Fcfa correspondant aux 10% des frais d’édilité dus à l’État ; de la non perception des recettes de location de magasins d’un montant de 10,36 millions de Fcfa ; du non reversement des recettes issues de la délivrance d’actes de mariage pour un montant total de 35,70 millions de Fcfa ; de l’utilisation de la subvention Anict à d’autres fins pour un montant de 16,82 millions de Fcfa ; du fractionnement de dépenses pour un montant de 54,53 millions de Fcfa.
Irrégularités constatées dans la gestion des sociétés minières (Somilo-sa, Gounkoto-sa et Somisy-sa)
Pour les sociétés minières, notamment la Société des mines d’or de Loulo (Somilo-sa), la Société des mines d’or de Gounkoto (Gounkoto-sa) et la Société des mines de Syama (Somisy-sa), les irrégularités financières sont estimées à plus de 288 milliards de nos francs.
Toujours selon le rapport, les irrégularités financières décelées sur les opérations de recettes et de dépenses liées au pèlerinage à la Mecque s’élèvent à 639,86 millions de Fcfa dont les principales portent sur l’enregistrement gratis irrégulier au profit d’un titulaire de marché pour un montant de 46,71 millions de Fcfa ; le paiement indu à une agence de voyage pour un montant de 50 millions de Fcfa ; le non-paiement des droits d’enregistrement pour un montant de 19,57 millions de Fcfa ; le non-paiement de la redevance de régulation pour un montant de 12,47 millions de Fcfa ; l’octroi d’indemnités indues au personnel du Consulat pour un montant de 7,65 millions de Fcfa ; le paiement d’indemnités de mission non justifiées pour un montant de 13,5 millions de Fcfa ; la double utilisation des mêmes pièces pour justifier deux dépenses pour un montant de 4,28 millions Fcfa ; les dépenses irrégulières effectuées par l’Agent comptable de la Mdh sur le fonds épargne pèlerinage pour un montant de 130,68 millions de Fcfa ; l’émission irrégulière de chèques au nom du régisseur d’avances ordinaire pour des retraits non justifiés sur les fonds destinés à la prise en charge de la Commission nationale d’encadrement pour un montant de 225 millions de Fcfa ; les dépenses inéligibles effectuées sur les fonds destinés à la prise en charge de la Commission nationale d’encadrement pour un montant de 130 millions de Fcfa.
Vérifications de performance
Quant aux vérifications de performance, elles ont concerné la gestion de la subvention d’intrants “Coton” ; la gestion du matériel roulant de l’État par la Direction générale de l’Administration des biens de l’État (Dgabe) ; la gestion de la Collectivité Région de Kayes ; la gestion de la Collectivité Cercle de Kayes ; la gestion de la Mairie de la commune urbaine de Kayes ; la gestion de la Collectivité Région de Ségou ; la gestion de la Collectivité Cercle de Ségou ; la gestion de la Mairie de la commune urbaine de Ségou.
541 millions de Fcfa d’irrégularités financières constatées à l’Amrtp, l’ORTM, l’Amarap, l’Omh et la Ppm
Selon le rapport, les vérifications de suivi des recommandations ont concerné des vérifications initialement réalisées en 2016 et 2017. Les vérifications réalisées en 2016 ont porté les opérations de recettes et de dépenses du Centre hospitalo-universitaire du Point G, les opérations de dépenses effectuées et de conformité des conventions et contrats de l’Énergie du Mali-sa, les opérations de dépenses et de recettes du Laboratoire central vétérinaire (Lcv). Et celles réalisées en 2017 ont porté sur la gestion financière de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (Armds) ; les opérations de recettes et de dépenses de la Trésorerie régionale de Mopti (Trm) ; les opérations de recettes et de dépenses de la Direction régionale du Budget de Mopti (Drb-M) ; l’exécution budgétaire de la Direction régionale du Budget de Ségou (Drb-S); les procédures de création et d’exploitation des établissements de santé privés dans les districts sanitaires de Bamako et Sikasso.
Les irrégularités financières consécutives à la gestion des autorités administratives indépendantes et organismes personnalisés, notamment l’Autorité malienne de régulation des télécommunications/tics et postes (Amrtp), l’Office de radio et télévision du Mali (Ortm), l’Agence malienne de radioprotection (Amarap), l’Office malien de l’habitat (Omh) et la Pharmacie populaire du Mali (Ppm) s’élèvent à plus de 541 millions de Fcfa.
Pour les vérifications de performance, il ressort du rapport que le Bvg a réalisé, en 2019, huit missions de vérification de performance qui ont concerné les subventions agricoles, les Collectivités territoriales et le matériel roulant de l’État. S’agissant particulièrement des Collectivités territoriales, le Bvg a effectué des missions tests de vérifications intégrées prenant à la fois en compte la vérification de conformité et la vérification de performance. Au cours de ces missions de vérification, les outils existants dont celui de l’autoévaluation des performances des Collectivités territoriales et le guide de contrôle de la gestion des communes au Mali ont été testés. Ce test a révélé des insuffisances liées à l’utilisation de ces outils.
146 recommandations formulées
Précisons que des irrégularités financières s’élevant à plus d’un milliard de nos francs ont été constatées suite à la vérification intégrée (performance et conformité) ont concerné les collectivités territoriales (la collectivité région de Ségou, la collectivité cercle de Ségou, la commune urbaine de Ségou, la collectivité région de Kayes, la collectivité cercle de Kayes, la commune urbaine de Kayes) et celles-ci ont fait l’objet de transmission et dénonciation de faits aux autorités judiciaires.
Pour les vérifications de suivi des recommandations, le rapport révèle que le Bvg a, au cours de l’année 2019, exécuté huit missions de suivi des recommandations sur des vérifications réalisées en 2016 et 2017. Ces missions totalisent 146 recommandations sur lesquelles 12 sont non applicables. Une recommandation est classée non applicable lorsque les raisons qui lui ont donné lieu n’existent plus ou parce que la question a été remplacée par un nouveau processus ou programme. Ainsi, l’évaluation des 134 recommandations applicables a donné les résultats ci-après : 60 entièrement mises en œuvre, soit 45% ; 22 partiellement mises en œuvre, soit 16% ; 52 non mises en œuvre, soit 39%.
En termes de perspectives, le Vérificateur général envisage la poursuite de la mise en œuvre de sa vision stratégique qui s’articule autour de deux axes majeurs, à savoir la vérification et évaluation ; les partenariats et synergies. Ainsi, un accent particulier sera mis sur la mise en œuvre du plan stratégique (2020-2025). Aussi, la publication des rapports individuels sera poursuivie. Quant au volet communication, il sera renforcé à travers l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de communication.
La première mission d’évaluation des Politiques publiques sera lancée au cours de l’année 2020. Le renforcement des capacités du personnel se poursuivra afin de le doter d’outils et de compétences lui permettant de s’approprier davantage les normes et standards internationaux en matière de vérification. Enfin, en ce qui concerne le partenariat avec les autres parties prenantes, il sera maintenu et renforcé.
En conclusion, la publication du rapport annuel, loin d’être une simple obligation légale, constitue un moment privilégié d’appréciation de la gouvernance des entités vérifiées durant les périodes sous revue. Elle permet aux décideurs concernés d’avoir à disposition un outil d’inspiration en termes d’analyses rétrospectives et prospectives quant à l’amélioration de la gestion des affaires publiques. Les constats et les recommandations formulés à l’issue de nos missions de vérification démontrent à suffisance des besoins de changements de paradigmes au niveau des responsables des entités vérifiées.
Synthèse de Boubacar PAÏTAO