Le Bureau du Vérificateur général a rendu publics ses rapports individuels assortis de ses vérifications financières et administratives de plusieurs structures ainsi que certaines Ambassades et représentations diplomatiques du Mali, notamment les ambassades du Mali au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, aux Etats-Unis d’Amérique et en Espagne. Au cours de ces différentes vérifications de nombreuses irrégularités et manquements ont été constatés dans la gestion des ressources financières mises à la disposition de ces entités. En ce qui concerne la pertinence de ces vérifications, le rapport indique clairement que les Ambassades du Mali sont des services extérieurs du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Elles sont chargées de la mise en œuvre de la politique extérieure du Mali dans le pays d’accréditation. A ce titre, les postes diplomatiques et consulaires du Mali reçoivent des fonds des Directions des Finances et du Matériels (DFM) du Ministère chargé des Affaires étrangères pour leur fonctionnement, du Ministère de l’Education nationale pour les bourses et du Ministère de la Santé concernant les évacuations sanitaires. Ces fonds leur sont transférés par la Paierie générale du trésor (Pgt) de la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique (Dntcp), qui relèvent du Ministère de l’Économie et des Finances. En plus, les missions diplomatiques et consulaires perçoivent des recettes de chancellerie et les produits issus de la vente des timbres fiscaux. Aussi, sous l’autorité du Ministre chargé des Affaires étrangères, les Ambassades ont pour mission la mise en œuvre, dans leur juridiction, de la politique extérieure du Mali. Pour la réalisation de ses missions, l’Etat alloue des ressources financières aux Ambassades. Les Ambassadeurs en sont les ordonnateurs. Un Secrétaire Agent Comptable est chargé de l’exécution des dépenses.
Ambassade du Mali à Abidjan (Côte d’Ivoire): 7 978 779 FCFA pour les frais des cartes de recharge téléphonique et des abonnements à Canal+
Selon le rapport, pour la période sous revue, les ressources allouées par la Pgt à l’Ambassade du Mali à Abidjan s’élèvent à 1 349 518 227 Fcfa pendant la période sous-revue. La vérification a relevé des irrégularités administratives caractérisées par des dysfonctionnements dans le contrôle interne. Ainsi, il ressort que le Secrétaire agent comptable (Sac) ne tient pas tous les registres comptables. La mission a également examiné les registres tenus par le Sac et procédé à une entrevue. Ainsi, elle a constaté que le Sac ne tient pas l’ensemble des registres comptables. En effet, le livre-journal des commandes, le registre des droits des créanciers, le livre-journal des matériels et matières et le compte de gestion des matériels ne sont pas tenus. Et la non-tenue desdits documents ne permet pas à l’Ambassade d’établir une situation financière exhaustive.
Le rapport indique aussi que le Sac ne tient pas correctement les relevés détaillés des dépenses. Sur ce point, la mission a examiné les relevés détaillés des dépenses de la période sous revue. Ainsi, elle a constaté que le Sac n’établit pas de relevés détaillés des dépenses conformes. En effet, les pièces des dépenses n’y sont pas enregistrées individuellement et chronologiquement, mais sont regroupées par nature et par mois avec l’inscription du montant global. Ainsi, il n’y a pas de référence de pièces ni de date de paiement encore moins de désignation des bénéficiaires. La non-tenue régulière des relevés détaillés des dépenses ne permet pas de faire un contrôle de cohérence avec les autres documents et registres comptables.
Selon toujours le rapport, l’Ambassade du Mali à Abidjan dépasse le plafond d’encaisse autorisé. Ainsi, elle effectue des approvisionnements de caisse dont le montant par opération dépasse 250 000 Fcfa et peut atteindre 4 000 000 Fcfa. “Le Sac ne porte pas sur les pièces de dépenses l’imputation budgétaire, les références du mandat émis par le Directeur des Finances et du Matériel (Dfm), la date de paiement et les références de l’entrée au livre-journal. La non-inscription desdites mentions sur les pièces de dépenses rend difficile l’établissement d’une liaison entre les pièces de paiement et les documents budgétaires et comptables”, peut-on lire dans le rapport.
Au chapitre des irrégularités financières, la mission de vérification a relevé que le montant total des irrégularités financières s’élève à 166 287 446 Fcfa et elles se présentent comme suit : l’Ambassadeur du Mali à Abidjan a procédé à l’acquisition de biens sans respecter les procédures de passation de marchés publics dont la valeur est estimée à 25.000.000 Fcfa, l’achat uniquement sur factures de deux véhicules Toyota pour un montant total de 65 577 067 Fcfa, le payement des factures non accompagnées de bordereau de livraison dont le montant total des factures concernées s’élève à 56 178 802 Fcfa, l’octroi d’avantages indus au personnel pour un montant total de 450 000 Fcfa, le paiement des cartes de recharge téléphonique et des abonnements à Canal+ pour un montant total de 7 978 779 Fcfa… “Le Chargé d’Affaires et le SAC ont pris en charge des factures d’achats divers, au nom du SAC pour un montant de 2 416 590 Fcfa. En janvier 2016, l’Ambassadeur et le SAC ont acheté deux téléphones en leur propre nom pour des montants respectifs de 155 000 Fcfa et 39 000 Fcfa. Le montant total des avantages irréguliers accordés s’élève à 11 039 369 Fcfa”, mentionne le rapport.
S’agissant des irrégularités financières, le rapport estime qu’elles s’élèvent à 166 287 446 Fcfa. Elles découlent notamment du non-respect des procédures de passation des marchés publics, du paiement de factures sans preuve du service fait, des avantages indus accordés au personnel, des dépenses exécutées non justifiées et de la prise en charge de dépenses inéligibles.
Ambassade du Mali à Madrid (Espagne) : Le premier Conseiller et l’Agent consulaire n’avaient pas encore pris service
Selon le rapport, les montants totaux des recettes et des dépenses sur la période sous revue s’élèvent respectivement à 2 300 285 160 Fcfa et à 1 814 431 021 Fcfa. Ainsi, les recettes se décomposent en transferts de fonds du Trésor Public pour 1 794 627 161 Fcfa et en recettes de chancellerie et celles issues de la vente des timbres fiscaux pour 505 657 999 Fcfa. De sa création à nos jours, l’Ambassade n’a fait l’objet d’aucune vérification par le Bureau du Vérificateur Général.
La mission de vérification a indiqué que les irrégularités administratives relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne. Ainsi, il a été constaté que des postes ne sont pas pourvus. En effet, sur une prévision d’effectifs de 21 personnes, l’Ambassade du Mali n’en compte que 15. A titre illustratif, le poste de traducteur n’est pas pourvu. Par ailleurs, le premier Conseiller et l’Agent consulaire n’avaient pas encore pris service au moment de la vérification bien que ceux-là aient été nommés suivant l’Arrêté n°2018-2513/ MAECI-SG du 16 juillet 2018.
Cette situation ne favorise pas le fonctionnement efficace de l’Ambassade. Aussi, notre représentation diplomatique à Madrid ne dispose pas de manuel de procédures. En effet, la mission a constaté, entre autres, que l’Ambassadeur a cédé un climatiseur en décembre 2017 à un prix forfaitaire de 750 euros soit 491 968 Fcfa sans qu’aucune commission ne soit mise en place, que les livres comptables ne sont pas tenus, que l’Ambassadeur qui est l’ordonnateur du budget de l’Ambassade n’a pas vérifié la caisse au 31 décembre 2017.
Quant aux irrégularités financières, le rapport a souligné que le montant de celles-ci s’élève à 51 047 885 Fcfa et elles se présentent comme suit : la modification irrégulière des rémunérations du personnel local, les modifications de salaire sans tenir compte des procédures budgétaires, le paiement des dépenses non éligibles, le paiement des dépenses indues de frais de restauration et d’hébergement tant pour le personnel de l’Ambassade que pour le personnel extérieur au service.
Sur les dénonciations et transmissions de faits par le Vérificateur général au procureur de la République près du Tribunal de grande instance de la commune III chargé du Pôle économique et au président de la Section des comptes de la cour Suprême, le rapport souligne que celles-ci sont relatives notamment à la prise en charge des frais de restauration indus du personnel de l’Ambassade pour un montant de 4 063 089 Fcfa ; à la prise en charge indue des frais de restauration et d’hébergement de la délégation du Ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile pour un montant de 1 927 320 Fcfa ; au dépassement du coût d’acquisition d’un véhicule pour un montant de 5 298 225 Fcfa ; au paiement en l’absence de facture définitive et d’attestation de service pour un montant de 1 866 086 Fcfa ; au double paiement de frais d’entretien pour un montant de 1 821 461 Fcfa ; au paiement d’indemnités de déplacement indues pour un montant de 10 804 769 Fcfa ; aux modifications irrégulières de rémunération du personnel local pour un montant de 25 266 935 Fcfa.
Ambassade du Mali à Ouagadougou (Burkina Faso): Près de deux milliards de Fcfa d’irrégularités financées constatées
Durant la période sous revue, la Paierie générale du Trésor (Pgt) a transféré 2 878 200 261 Fcfa à l’Ambassade du Mali à Ouagadougou. Sur lequel plus de 1,5 milliard de Fcfa de dépenses ont été effectuées pour la construction de la nouvelle chancellerie. Aussi pour la même période les recettes de chancellerie ont été évaluées à 189 131 238 Fcfa. Par ailleurs, cette juridiction n’a pas fait l’objet de vérification par le Bureau du Vérificateur Général. Au regard de ce qui précède le Vérificateur Général a initié cette mission de vérification financière de la gestion de l’Ambassade du Mali à Ouagadougou.
La mission de vérification a relevé que les irrégularités administratives relèvent de dysfonctionnements du contrôle interne et se présentent comme suit : le non-respect par le Ministère des Affaires étrangères et la Coopération internationale et l’Ambassade des dispositions du cadre organique, les postes d’Ambassadeur Représentant Permanent Adjoint, de troisième Conseiller et d’Attaché de défense ne sont pas encore pourvus, le Sac ne tient aucun des documents ci-dessous, le non-respect du montant plafond autorisé à détenir en espèces.
L’équipe du Bureau du Bureau Vérificateur général a constaté que l’Ambassade du Mali n’a pas mis en œuvre les recommandations de la Mission conjointe de l’Inspection des Services Diplomatiques et Consulaires et de l’Inspection des Finances du 18 février au 1er mars 2017.
A la lecture du document, il ressort que le montant total des irrégularités financières constatées s’élève à 1 836 065 838 Fcfa et elles se présentent comme suit : l’Ambassadeur du Mali n’a pas justifié l’utilisation du carburant acheté pour un montant total de 23 452 160 Fcfa, le Sac a irrégulièrement dépensé les recettes de Chancellerie, le Sac a dépensé les recettes de Chancellerie sans l’autorisation préalable du Payeur Général du Trésor pour un montant total de 189 131 238 Fcfa sur lequel 64 806 500 Fcfa ont été compensés et il reste un montant de 124 324 738 Fcfa non compensé, le Sac a effectué des paiements de 1 369 201 299 Fcfa pour la construction de la Chancellerie sans les pièces justificatives requises.
Au titre des paiements irréguliers effectués au profit des E.O.MO.F pour un montant total de 105 151 000 Fcfa, sur ces paiements, la mission a constaté que 102 036 000 Fcfa ont été payés aux E.O.MO.F, sans contrat, sur présentation de factures non liquidées par l’Ordonnateur et ne comportant pas de prix unitaire et de quantité ou de nombre. La mission a également constaté l’absence de documents de la comptabilité-matières pour attester la réalité des acquisitions.
Selon le rapport, les transmissions et dénonciations de faits par le Vérificateur général au procureur de la République près du Tribunal de grande instance de la commune III chargé Pôle économique et financier et au président de la Section des comptes de la cour Suprême sont relatives: à l’utilisation non justifiée du carburant acheté pour 23 452 160 Fcfa, à les dépenses non autorisées sur les recettes de chancellerie pour un montant de 124 324 738 Fcfa, aux paiements irréguliers de 1 369 201 299 Fcfa pour la construction de la chancellerie, aux chèques non justifiés émis et payés en faveur de certains membres du personnel de l’Ambassade d’un montant de 225 344 521 Fcfa à des paiements non justifiés de frais scolaires d’un montant total de 64 530 000 Fcfa, aux paiements indus des indemnités de premier équipement d’un montant total de 7 500 000 Fcfa, à des frais de mission non justifiés pour un montant de 9 373 120 Fcfa, aux paiements indus de loyers pour un montant total de 11 340 000 Fcfa, au paiement non justifié de 1 000 000 Fcfa représentant le prix de cession du véhicule reformé Toyota Fortuner.
Ambassade du Mali à Washington (Etats-Unis d’Amérique) : 181 498 020 Fcfa d’irrégularités financières décelées
Les vérifications effectuées dans la gestion des ressources de l’Ambassade du Mali à Washington ont relevé un montant total de181 498 020 Fcfa d’irrégularités financières qui se présentent comme suit : l’Ambassadeur procède au remboursement de frais médicaux indus pour un montant de 15 005 732 Fcfa, l’Ambassadeur a accordé des frais indus de communication téléphonique et d’Internet pour un montant de 67 930 088 Fcfa, l’Ambassadeur a indûment payé pour le compte de certains agents du personnel local des cotisations à l’Inps et à la Canam estimé à 69 346 053 Fcfa.
Par ailleurs, le rapport indique que chaque virement engendre un frais bancaire de 500 USD pour l’Ambassade, l’Ambassadeur a octroyé au Sac des bonifications pour non jouissance de congé pour un montant de 1 394 407 Fcfa et 1 314 911 Fcfa soit l’équivalent de leur salaire mensuel comme indemnité compensatrice de congé.
La mission a également constaté que le Ministre-Conseiller et le Conseiller à la Communication en fin de mission n’ont pas restitué les tablettes “Microsoft Surface 3” qui leur avait été affectées. “Lesdits matériels, achetés sur le budget de l’Ambassade, demeurent les propriétés de l’État. L’Ambassadeur et le Sac ne respectent pas le principe de la non-contraction entre les recettes et les dépenses.
La mission a constaté que l’Ambassadeur ordonne et le Sac exécute les dépenses sur l’intégralité des recettes réalisées dont celles provenant de la vente des timbres fiscaux qui reviennent à la Recette Générale du District. En effet, cette consommation des recettes est faite, sans aucune autorisation préalable du Payeur Général du Trésor. Pour la période sous revue, le montant total des recettes réalisées et consommées par l’Ambassade s’élève à 545 540 610 Fcfa“, précise le rapport.
Il a également été constaté que le Sac utilise irrégulièrement des fonds destinés au paiement des salaires et accessoires du personnel. En effet, sur les états de virement des salaires du personnel de la période sous revue, le compte 0407078564, identifié par le numéro matricule E0225D avec “Amba Mali” et “Washington” comme Nom et Prénom, n’est pas soutenu par des pièces justificatives de paiement de salaire.
Selon le rapport, les transmissions et dénonciations de faits par le Vérificateur général au procureur de République près du Tribunal de grande instance de la commune III chargé Pôle économique et financier et au président de la Section des comptes de la cour Suprême sont relatives: au remboursement indu des frais médicaux d’un montant de 15 005 732 Fcfa, non pris en charge par l’assurance ; aux avantages indument accordés d’un montant de 67 930 088 Fcfa ; au paiement indu de cotisations Inps et Canam d’un montant de 69 346 053 Fcfa ; aux bonifications irrégulières accordés à des agents pour un montant de 5 377 792 Fcfa ; aux dépenses Amba-Mali non justifiées se chiffrant 23 838 355 Fcfa.“La vérification de la gestion financière de l’Ambassade du Mali à Washington a relevé des dysfonctionnements au système de contrôle interne, mais également des irrégularités financières. Ils ont pour cause, en général le non-respect des procédures d’exécution des dépenses publiques, mais particulièrement de l’instruction fixant les règles et procédures budgétaires et comptables applicables aux ambassades et consulats “, a-t-il conclu.
Synthèse de Boubacar PAÏTAO