Rapport 2009 du Bvg : Le Trésor public épinglé pour près de 86 milliards de FCFA

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Le rapport 2009 de Bureau du vérificateur général est sans commentaire sur la gestion des services d’assiettes et de recouvrement des finances publiques. Sur un manque à gagner de 112 milliards décelés, cette année, le Trésor public se taille la part du lion avec un trou de près de 86 milliards de FCFA. La Trésorerie de Sikasso arrive en tête avec 26,1 milliards. Elle est suivie de l’Agence du Trésor avec 21,97 milliards, la Trésorerie de Kayes (12,66 milliards) la Trésorerie régionale de Ségou (10,46 milliards). La rubrique transfert des fonds vers les Ambassades (10,18 milliards) et la Trésorerie régionale de Mopti ferme la marche avec 4,29 milliards de FCFA.

Selon le rapport 2009 du BVG, au niveau de la Trésorerie de Sikasso, les recettes non recouvrées sont importantes. Elles s’élèvent, plus précisément, à 8,4 milliards de FCFA. Les chèques sans provision et les chèques non présentés à l’encaissement se chiffrent à 7,77 milliards de FCFA.  Sur ce montant, des chèques totalisant 5,43 milliards, transmis à l’Agence comptable centrale du Trésor (ACCT) pour recouvrement auprès des débiteurs, restent toujours impayés.

De plus, des chèques pour 2,34 milliards de FCFA sont encore en attente au sein de la Trésorerie régionale. Au niveau de la perception de Koutiala, figure un manquant de caisse de 200,97 millions de FCFA. Des dépenses non éligibles ont été exécutées, à hauteur de 3,66 millions de FCFA sur instructions d’un Préfet.

Au niveau de la Mairie de Sikasso, les recettes non recouvrées s’élèvent à 5,76 milliards de FCFA et les dépenses non justifiées à 10,9 millions de FCFA. Au niveau de la Direction régionale du Budget, des livraisons fictives, partielles ou non-conformes, ont été constatées pour des achats de matériels d’un montant de 8,09 millions de  FCFA. Au total, il est reproché à la Trésorerie de Sikasso un manque à gagner de 26,1 milliards de FCFA.

S’agissant de la Trésorerie régionale de Ségou, le document indique que le receveur des douanes délivre des quittances pour des montants supérieurs à la valeur des chèques délivrés par les contribuables ou leurs commissionnaires. Pour les trois années, l’écart entre les quittances et la réalité des chèques s’est élevé à 1,43 milliard de FCFA.

De même, il y a de nombreux chèques que le Receveur n’a pas transmis à la Trésorerie. Ils représentent 6,66 milliards de FCFA. Le Receveur des impôts n’a pas reversé les recettes recouvrées à hauteur de 9,44 millions de FCFA. Quant au commandant de la Brigade territoriale de gendarmerie de Ségou, il n’a pas reversé 1,21 million de FCFA. Les montants restant à recouvrer sont élevés. Le montant total s’élevait à 2,35 milliards de FCFA au 31 décembre 2008. La Direction régionale du budget (DRB) ne peut pas présenter l’intégralité des documents qu’elle a établis dans le cadre des dépenses de la région. Ainsi, sur 1 870 mandats demandés par cette vérification, elle n’a pu en présenter que 974, soit 52%. 

La DRB a dépensé en 2008 la somme de 1,96 million de FCFA sans pièces justificatives sous le motif d’aide aux démunis. D’autres dépenses ont été fractionnées sans que les conditions énumérées par le Code des marchés publics ne soient remplies. Ces dépenses se sont élevées à 18 millions de FCFA en 2008, au titre de l’achat de tables-bancs pour l’Académie d’enseignement (AE) de Ségou. La gestion des fonds alloués aux sessions de formation et aux ateliers divers comporte de nombreuses anomalies. 

Le total des perdiems alloués aux responsables de l’AE de Ségou et de ses Centres d’animation pédagogique (CAP) est supérieur au total des perdiems versés aux bénéficiaires des formations et des ateliers, qui sont des enseignants. En effet, en 2008 par exemple, les responsables administratifs (directeur de l’AE, son adjoint, un chef de section et le régisseur) ont perçu 190,47 millions de FCFA au titre des perdiems, alors que les bénéficiaires, eux-mêmes, n’ont perçu que 179,87 millions de FCFA.

La part des responsables administratifs représente 51% du budget total vérifié. Les responsables administratifs se sont accordé des perdiems au taux de 15 000 FCFA par jour, sans que les conditions ne soient réunies. De plus, ils se sont accordé des perdiems pour plusieurs activités qui se tiennent simultanément.

Le total des jours de perdiems pour un mois ou pour une année est supérieur au nombre de jours dans un mois ou dans une année. Ainsi, en décembre 2008, le total des jours d’activités ayant donné lieu aux paiements de perdiems a été de 285 jours pour une personne. Le montant total perçu dans ces conditions, par quatre responsables de l’AE de Ségou, s’est élevé à 35,57 millions de FCFA en 2006. Le Végal a épinglé la Trésorerie de Ségou pour 10,46 milliards de FCFA. 

La tenue de la comptabilité de la Trésorerie régionale de Mopti comporte des irrégularités. Au 31 décembre 2008, la Trésorerie présentait un solde de 3,29 milliards de francs CFA de créances antérieures non recouvrées. Le solde du compte "461.8, chèques impayés non régularisés", d’un montant de 80,94 millions de FCFA est constant depuis 2007.  Il est constitué principalement des chèques d’un seul contribuable à hauteur de 40%.

Aucune action de recouvrement n’est menée contre ce contribuable. Il est difficile de retracer les chèques reçus par  les services de recouvrement. En effet, certains services de recouvrement ne portent pas sur les quittances, les références des chèques remis par les contribuables. La gestion des "restes à payer" et des "restes à recouvrer" n’est pas rigoureuse. Le montant des restes à recouvrer des années antérieures est très important, au 31 décembre 2008, soit un montant  de 3,71 milliards de FCFA pour la région de Mopti. Les restes à payer au 31 décembre 2008, pour les trois exercices, s’élèvent à 573,62 millions de FCFA. La DRB a fractionné certains achats. Des irrégularités ont été constatées lors de l’acquisition de certains biens par la DRB. Ainsi, l’achat de 20 ordinateurs pour un montant total de 19,6 millions de FCFA a été fractionné en 2 commandes de 9,8 millions de FCFA chacune. Il est reproché au tresor de Mopti un trou de 4,29 milliards de FCFA.

La mauvaise gestion de la Trésorerie de Kayes a occasionné des pertes financières pour l’État à hauteur de 69,35 millions de FCFA, du fait de la non-déclaration de recettes, de l’utilisation de chèques fictifs pour justifier certains paiements. Elle laisse subsister des chèques revenus impayés ou encore des chèques déclarés à "l’encaissement" pour un montant de 3,46 milliards de FCFA.

La Trésorerie n’a pas utilisé tous les moyens légaux de recouvrement dont elle dispose pour recouvrer des créances fiscales d’une valeur de 4,05 milliards de FCFA. De plus, le Receveur du Trésor à la douane a utilisé des Acomptes sur divers impôts et taxes (ADIT) fictifs pour payer des droits de douanes à concurrence de 4,03 milliards de FCFA. 

La Trésorerie comptabilise des soldes créditeurs non justifiés de 1,06 milliard de FCFA. Le montant des restes à payer reste considérable. Bien qu’il ait beaucoup diminué  au cours des trois derniers exercices, le montant des restes à payer est passé de 1,7 milliard en 2006 à 791 millions de FCFA au 31 décembre 2008. Cela est dû au manque de coordination entre la DNTCP et la  Trésorerie régionale, dans le cadre du suivi des dettes devant être apurées par les mandats de paiement des services centraux. Le cumul du manque à gagner s’élève à 12,66 milliards de FCFA à Kayes.

Les Ambassades et les Consulats ne reversent pas l’intégralité des recettes de chancellerie. Le total des recettes de chancellerie non reversées atteint 1,51 milliard de FCFA pour la période 2006-2008. La PGT ne fait pas un recours systématique aux compensations des recettes de chancellerie au moment de leur envoyer le montant des mandats qui leur sont destinés. Ainsi, elle n’a pas retenu sur l’Ambassade du Mali à Genève la somme de 14,2 millions de FCFA correspondant au montant non compensé des recettes de chancellerie. Les ambassades et les consulats ne reversent pas à la PGT les gains de change qu’ils réalisent. Pour les années 2006, 2007 et 2008, les gains de change non reversés atteignent 2,39 milliards de FCFA.

Huit Ambassades, échantillonnées par la mission, ont dépensé en 2007 et 2008, au total, 7,14 milliards de FCFA de plus que les montants qui leur ont été affectés dans le Budget d’Etat. Les ambassades du Mali à Genève et à Alger n’ont pas respecté les taux de chancellerie officiels. Lorsque, par un arrêté du 23 juillet 2008, le ministre des Finances a augmenté le taux de chancellerie applicable à Genève, l’ambassadeur a ordonné à son agent comptable de ne pas l’appliquer. Ainsi, les recettes et les dépenses de l’ambassade ont continué à être enregistrées à l’ancien taux pendant 6 mois. Il en est résulté pour le Trésor public une perte potentielle de 111,33 millions de FCFA. L’ambassade du Mali à Alger n’a pas appliqué le nouveau taux dans certaines dépenses. Elle a ainsi perdu la somme de 29 millions de FCFA qu’elle aurait pu se faire rembourser au titre des pertes de change. L’ambassade du Mali à Genève n’arrive plus à régler ses factures.

L’Ambassade ne bénéficie plus de certains services indispensables (téléphone et fax) en raison de l’accumulation des factures impayées.

Le non-paiement des factures entraîne pour l’Ambassade des pénalités de retard qui atteignent parfois le quadruple de la facture initiale. Le personnel diplomatique ne bénéficie plus de certaines commodités et de certains remboursements de frais édictés en sa faveur par les textes en vigueur au Mali. L’accroissement anormal des charges de l’ambassade du Mali à Genève empêche son bon fonctionnement.

Les charges locatives (loyer et entretien) de 2006 à 2008 de la mission diplomatique, de l’ambassadeur, des conseillers diplomatiques et de l’agent comptable, ont coûté 859,60 millions de FCFA (au taux de chancellerie de 1 CHF = 408 FCFA). L’Etat du Mali, à travers l’ambassade, a été plusieurs fois, condamné à des réparations suite au licenciement des membres de son personnel local.

Pour l’un des cas, la somme de 96 879 francs suisses (soit plus de 40 millions de FCFA) reste due, sans compter les astreintes qui s’accumulent au fil des échéances.

L’Ambassade est classée sur une liste officielle de mauvais payeurs prévue par la législation suisse. De ce fait, les partenaires exigent des conditions difficiles de transactions ou rechignent à traiter avec la mission. L’Ambassade a un recours excessif aux avances à justifier. Ainsi, au 31 décembre 2006, les valeurs de caisse constituées d’avances à justifier atteignent 39,13 millions de FCFA. Le manque à gagner total est estimé à 10,18 milliards de FCFA.

La situation comptable des fonds disponibles en banque de l’Agence comptable du Trésor (ACCT) dépasse la réalité des disponibilités en banque de 17,81 milliards de FCFA. Le rapprochement bancaire n’inclut pas certains comptes sous la signature de l’ACCT ainsi que les comptes sous la signature du Ministre des Finances. Ces comptes ne sont pas intégrés dans la comptabilité.

L’ACCT n’a aucun critère pour la constitution des dépôts à terme (DAT). De plus, elle conserve mal les conventions de  DAT. Ainsi, plusieurs DAT sont en cours sans que l’ACCT n’en détienne ni les documents ni la situation. Ces DAT, inconnus de l’ACCT, totalisent 13,65 milliards de FCFA. De plus, les banques ne paient pas les intérêts conformément aux clauses. Ainsi, au total, elles doivent 292,1 millions de FCFA à l’ACCT au titre du différentiel entre les intérêts payés et les intérêts dus. Il faut y ajouter un montant de 498,78 millions de FCFA dont le compte BHM de l’ACCT a été irrégulièrement débité. Quant aux traites, l’ACCT n’en assure pas un suivi efficace.

A partir des documents, il est quasiment impossible de retracer les traites parce que les numéros et les dates ne sont pas mentionnés. Elle n’a pu faire la preuve de l’encaissement de traites pour un montant  total de 4,17 milliards de FCFA. De plus, l’escompte des traites a engendré, sur les trois ans, des charges financières de 78 millions de FCFA.  Ces charges financières sont imputables à de mauvaises décisions de gestion. En effet, elles empêchent l’exécution des dépenses budgétisées sur la base des recettes totales.

En outre, l’Etat supporte des charges financières pour escompte de traites alors qu’au même moment il dispose d’importantes sommes d’argent, notamment sous forme de dépôts à terme (DAT). La gestion des projets et comptes de dépôts présente beaucoup d’anomalies. L’ACCT ne détient aucune pièce justificative pour la somme de 2,83 milliards de FCFA qu’elle a décaissée sur les fonds de différents projets. Elle a fait plusieurs paiements sur budget d’Etat en dépassement de la quote-part de l’Etat. Ces dépassements totalisent, au moins, 166,88 millions de FCFA.

De nombreuses anomalies affectent le compte de la redevance informatique. L’ACCT a fait des décaissements en dépassement du montant des marchés pour 69,21 millions de FCFA. L’ACCT n’a pu fournir de justificatifs pour certains débits de ses comptes bancaires.

Le montant de 43,8 millions de FCFA a été débité sur les comptes bancaires de l’ACCT sans que celle-ci ne puisse produire des pièces justificatives valables. Au total, l’Agence comptable du Trésor est épinglé pour 21,97 milliards de FCFA.

Soumaila GUINDO

 

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