Pour fraude et mauvaise gestion portant sur 4,7 milliards de FCFA : L’Initiative riz épinglée par le Rapport du Végal

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L’Initiative Riz (IR) désigne le plan lancé en mai 2008 par le Gouvernement du Mali pour accroître la production de riz, à partir de la campagne agricole 2008‑2009. L’objectif était de produire 1,62 millions de tonnes de paddy, soit une hausse de 50% par rapport à la campagne précédente, 2007‑2008. Ce niveau de production de riz paddy devait permettre de dégager une production de riz marchand de l’ordre de 1 million de tonnes et de couvrir les besoins internes du pays, estimés à 900 000 tonnes. L’excédent commercialisable attendu était donc de 100 000 tonnes de riz marchand.

 

À travers l’IR, l’État devait permettre aux organisations paysannes d’avoir accès aux intrants (engrais et semences) à des prix raisonnables, grâce aux subventions. En particulier, les paysans qui ne pouvaient pas accéder au prêt bancaire ont pu bénéficier de crédits d’engrais auprès des services techniques de l’Etat. L’État a aussi préfinancé des équipements agricoles et renforcé l’appui‑conseil aux organisations paysannes.

L’Initiative Riz, qui a pris fin sous cette appellation en 2009, était sous la responsabilité du Ministère de l’Agriculture, assisté d’un Comité de pilotage et de suivi. Le Ministère de l’Économie et des Finances en a géré les ressources financières.

L’Initiative Riz a fait l’objet d’une vérification financière et d’une vérification de performance par le BVG pour les campagnes 2008‑2009 et 2009‑2010. La vérification financière avait pour objectif de s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations financières et d’examiner les remboursements des crédits d’engrais et d’équipements agricoles. Quant à la vérification de performance, elle a consisté à examiner dans quelle mesure les critères d’économie, d’efficacité et d’efficience ont été observés dans la mise en œuvre de l’Initiative Riz, et aussi à déterminer si les résultats d’impact global prévus par le projet ont été atteints.

Pertinence

De 2006 à 2008, le monde a connu une augmentation exceptionnelle des prix des céréales, en moyenne de 88% sur la période, selon l’indice FAO. Cette augmentation brutale des prix a semé la panique et provoqué des soulèvements populaires dans de nombreux pays, y compris dans la sous‑région ouest africaine (Burkina Faso, Guinée, Mauritanie, Sénégal, etc.). Le Mali n’a pas fait exception, les mécontentements des populations se faisaient sentir de plus en plus.

Pour donner une réponse, à la fois conjoncturelle et structurelle, à cette flambée des prix des céréales, qui semblait s’inscrire dans la durée, le Gouvernement du Mali a décidé, pour la campagne agricole 2008‑2009, de mettre en œuvre un plan de production renforcée de riz, dénommé "Initiative Riz". Cette opération visait essentiellement à dynamiser la production du riz à l’échelle nationale et à mettre les populations maliennes à l’abri des soubresauts des marchés internationaux.

A l’issue de la première campagne, le Gouvernement a étendu l’Initiative aux campagnes agricoles suivantes et l’a élargie à d’autres céréales, dont le mil, le sorgho et le maïs.

Pour la campagne 2008‑2009, l’Initiative Riz a bénéficié de ressources financières qui ont totalisé 34,54 milliards de FCFA, dont 13,14 milliards de FCFA apportés par l’État et les PTF (soit environ 38%) et 21,39 milliards de FCFA apportés par les producteurs (soit environ 62%).

Vérification financière : Faits constatés

[Fraudes, Mauvaise gestion, Total, Montant proposé au recouvrement: 1.493.224.713,86]

La gestion de l’IR n’a pas intégré certains principes fondamentaux de la comptabilité publique:

– Aucune procédure financière et comptable formelle n’a été mise en place pour la gestion des deux campagnes;

– Le décaissement des subventions n’a pas respecté les quatre phases des procédures d’exécution des dépenses publiques, en particulier pour la campagne 2009‑2010, financée entièrement sur les fonds publics. Le contrôle a priori du Contrôleur financier n’a pas été exercé. Les pièces justificatives n’ont pas été conformes à la nomenclature fixée par l’arrêté n°04‑1886 du 24 septembre 2004;

– Aucun référentiel comptable spécifique n’a été défini pour prendre en compte les particularités de la gestion de l’IR;

– Le montage financier pour la fourniture d’engrais a comporté des anomalies, occasionnant un manque à gagner de 4,31 milliards de FCFA;

– Pour le financement de l’achat d’engrais destinés aux producteurs, un pool bancaire, avec comme chef de file la BNDA, a accordé au groupement des sociétés Togouna Agro Industries et Partenaires Agricoles un prêt d’un montant de 12,63 milliards de FCFA, garanti par l’Etat et adossé au compte "Subvention Intrants 2008/2009 Initiative Riz". Ce montage financier a coûté 852,13 millions de FCFA au titre des intérêts payés par le Trésor public;

– Dans le cadre de l’approvisionnement en engrais des producteurs, l’Etat a conclu, par entente directe, trois contrats avec le Groupement des sociétés Togouna Agro Industries et Partenaires Agricoles, pour un montant total de 12,63 milliards de FCFA. Ces marchés ne répondent à aucune des conditions définies à l’article 34 du Code des Marchés Publics, justifiant ce mode de passation. En outre, la mission n’a pas constaté l’implication de la DGMP, contrairement à l’article 36 du Code des Marchés Publics.

De plus, dans ces contrats, l’Etat s’est engagé à régler les fournisseurs avant la livraison, ce qui est contraire à la règlementation.

Les prix négociés avec le Groupement ont été supérieurs à ceux appliqués sur le marché, au même moment et dans les mêmes zones, occasionnant un surcoût de 2,32 milliards de FCFA. Enfin, ces marchés n’ont pas été enregistrés, ce qui a engendré un manque à gagner de 1,14 milliard de FCFA pour le Trésor Public.

La DAF du Ministère de l’Agriculture a irrégulièrement attribué les contrats de fourniture d’équipements agricoles, entraînant un manque à gagner de 353,63 millions de FCFA;

– Les offres les moins‑disantes ont été systématiquement remplacées par d’autres, en violation des dispositions du Code des Marchés Publics. Certaines offres ont été revues à la hausse sans raisons valables.

Ainsi, la meilleure offre pour la fourniture des décortiqueuses a été écartée, au motif qu’elle propose une variante, alors qu’elle ne comportait pas une telle proposition. Ceci a engendré un surcoût de 59,15 millions FCFA sur les prix.

La meilleure offre pour la fourniture des batteuses a été revue à la hausse de 70,05 millions de FCFA pour impôts et taxes. Cependant, dans les rapports d’ouverture des plis et d’analyse des offres, le prix proposé était toutes taxes comprises.

Enfin, le paiement des fournisseurs a inclus 151,23 millions FCFA de TVA, alors que cette taxe devrait être retenue à la source et reversée au Trésor public par le Ministère des Finances, selon la législation fiscale. Par ailleurs, la mission n’a pas constaté la déclaration de ladite taxe, pour un montant de 97,15 millions de FCFA, au niveau de la Direction Générale des Impôts.

Les structures d’encadrement n’ont bénéficié ni d’outils pour la gestion des crédits d’intrants ni de renforcement des capacités;

‑ La vente des engrais n’a généralement pas fait l’objet de contrat entre les structures d’encadrement et les bénéficiaires. Le taux de remboursement en juin 2010 est de 90% et le montant des impayés s’élève à 647 millions de FCFA;

– La répartition des équipements n’a pas été effectuée suivant les besoins réels :

‑Sur les 250 batteuses et décortiqueuses livrées, 62 n’ont pas encore été enlevées par les producteurs. Trente‑deux des batteuses et décortiqueuses non enlevées sont exposées à l’air libre, sans aucune protection.

(A suivre)

Chahana TAKIOU

 

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