Le contrôle effectué par le Bureau du Vérificateur Général (BVG) à la Mairie de la Commune Urbaine de Bougouni (CUB), pendant la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019 est édifiant : la gabegie de l’équipe communale a occasionné, en deux ans de gestion, un trou de plus de 208 millions FCFA (208 143 787F) dans la caisse de la municipalité. Le Maire Mamourou Coulibaly risque gros. Très gros. Ces complices aussi. Accablant !
« Aujourd’hui, nous avons honte de dire que nous sommes des travailleurs de la Mairie de Bougouni ; car, la municipalité a perdu son prestige d’antan. Aux détournements des fonds, s’ajoute un désintéressement quasi-général pour le travail d’agent de la Mairie. Sans compter les scandales, qui ne finissent pas de finir au sein de l’équipe communale ».
Les gestes hauts et forts, un travailleur de la Commune Urbaine de Bougouni résume, en ces termes, la situation désastreuse de la gestion de sa municipalité. Avant d’ajouter, ému : « tout ce que nous demandons, à nos autorités, c’est de traduire les auteurs de ces détournements devant la justice. Et à défaut, de nous débarrasser de notre encombrant maire qui a précipité la Mairie de la Commune urbaine de Bougouni dans l’abîme ».
Selon nos sources, la Mairie de Bougouni est dans l’agonie. Détournements à la pelle, corruption, favoritisme… seraient à l’origine de la mort prématurée de cette municipalité, pourtant promue à un bel avenir.
D’abord, la mauvaise gestion. À en croire nos interlocuteurs, elle va de mal en pis. Et aujourd’hui, de pis en pire.
D’embrouilles en magouilles
De janvier 2017 à décembre 2019, expliquent nos interlocuteurs, le sport favori du Maire de Bougouni, M. Mamourou Coulibaly et de son équipe a été « l’indiscipline budgétaire » qui s’est traduite par la gabegie. Sur la base de documents, un travailleur explique le dysfonctionnement du dispositif de contrôle interne de la Mairie. S’y ajoute, le non-reversement des produits issus de la vente de DAO (Dossier d’appel d’offres) pour un montant total de 950 000 FCFA et le paiement de salaires d’enseignants n’existant pas dans la Commune de Bougouni pour un montant total de 126,7 millions FCFA (126 712 156 F). Autres gaffes relevées dans la gestion de la Mairie de Bougouni, le non-recouvrement du tarif minimal de transfert de parcelles de terrain pour un montant total de 53 millions de nos francs (53 999 750 FCFA) et l’encaissement de recettes sans délibération pour un montant total de 10 millions (10 124 250 FCFA).
Et le hic qui fait tilt selon nos sources, c’est que le Maire de Bougouni, M. Mamourou Coulibaly, perçoit à lui seul, des avantages indus d’un montant total de 3,8 millions FCFA (3 875 000 F).
En bloc, des travailleurs de la Mairie de Bougouni révèlent que les dysfonctionnements décelés dans la gestion de l’équipe communale sont d’ordre législatif et réglementaire. S’y ajoutent, des irrégularités financières dans la gestion des fonds. Et nos interlocuteurs de poursuivre que les différents acteurs de la gouvernance de la Mairie n’assument pas pleinement leurs rôles et responsabilités, toute chose qui agit négativement sur l’atteinte des résultats escomptés.
Du coup, les insuffisances constatées dans le cadre de la gestion de l’état civil empêchent la municipalité de Bougouni d’être efficace et efficiente dans la fourniture des services aux citoyens. Concernant la gestion domaniale et foncière, nos sources révèlent que la Mairie de Bougouni n’a pas entrepris les actions nécessaires pour l’atteinte des objectifs qui lui sont assignés, en l’occurrence, l’information et le traitement équitable des citoyens lors de la cession des parcelles de terrains. L’absence d’un mécanisme de promotion des agents entrave une utilisation efficiente du personnel de la CUB. Et aujourd’hui, la comptabilité-matières telle qu’elle existe à la Mairie de Bougouni, n’est pas efficace à cause de la non-tenue des documents essentiels pour assurer le suivi et la sauvegarde des matières.
À en croire les témoignages documentés de nos interlocuteurs, le Conseil Communal de Bougouni a accordé par délibération des avantages indus au Maire Mamourou Coulibaly, aux membres du bureau municipal, à des agents communaux, aux membres des commissions techniques de travail et des subventions à certaines structures techniques déconcentrées de l’État.
Et nos sources de rassurer : « À la Mairie de Bougouni, le Vérificateur a constaté que le Conseil Communal accorde des avantages indus comprenant des indemnités spéciales financières et des dotations en carburant. Les bénéficiaires desdits avantages sont : le Maire, les membres du bureau municipal, des agents communaux et les membres des commissions techniques de travail ». Avant de préciser : « Suite à la Délibération n°005/CCB du 28 juin 2010, le Maire Mamourou Coulibaly a pris la note de service n°06/CUB du 29 mai 2017 portant notification au Régisseur et au Billeteur pour la mise en exécution de la seule indemnité spéciale du Maire. Ainsi, il est procédé au mandatement de la somme de 125 000 FCFA par mois au nom du Maire, sur laquelle 75 000 FCFA représentent l’indemnité financière et 50 000 FCFA pour la prise en charge des frais d’énergie et de téléphone du Maire ».
Pourtant, ces avantages ne sont pas prévus par la réglementation en vigueur. Le montant total indûment payé au Maire pendant la période sous revue s’élève à 3 875 000 FCFA.
Flagrant délit de fraude
Par ailleurs, nos sources ajoutent que le Régisseur de recettes de la Mairie de Bougouni n’a pas reversé au Trésor public des produits issus de la vente des Dossiers d’appel d’offres (DAO). Sur un total de 1,8 millions de nos francs (1 850 000 F), la mission de vérification n’a obtenu que les preuves de reversement pour un montant de 900 000 FCFA. Le montant total des produits des ventes de DAO non reversé est de 950 000 FCFA. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Même le Maire Mamourou Coulibaly de la Commune Urbaine de Bougouni n’applique pas de pénalités sur les marchés dont l’exécution enregistre un retard. En effet, les titulaires des marchés n°046/CUB DRMP-DSP SIK 2018 relatif aux travaux de construction de trois (03) salles de classes , d’un bureau-magasin équipé, deux (02) blocs de trois latrines dans les écoles de Dialanikoro, Heremakono Nord Annexe dans la Commune Urbaine de Bougouni ; et n°047/ CUB DRMP-DSP SIK 2018 relatif aux travaux de construction des murs de clôtures des écoles de Dougounina, Heremakono Centre et les CSCOM de Massablacoura dans la Commune Urbaine de Bougouni ont dépassé les délais contractuels sans que le Maire Mamourou n’ait appliqué les pénalités de retard. Ces pénalités non appliquées s’élèvent à la somme de 8 462 631 FCFA.
Pendant ce temps, nos sources signalent que l’équipe de vérification a examiné les délibérations portant institution et révision des tarifs et taxes dans la Commune Urbaine de Bougouni, les comptes administratifs, les livres-journaux de recettes et les contrats de bail. Des entretiens il ressort que le Président de la commission des finances a irrégulièrement encaissé, en lieu et place du Régisseur, les recettes de location des magasins de l’ancienne auto-gare. C’est ainsi que pendant la période sous revue, sur un montant total de 5 760 000 FCFA encaissé au titre des loyers des magasins, le Président de la commission chargée des finances a versé un montant de 650 000 FCFA à la Régie de recettes, puis apporté la preuve de reversement de 1 090 000 FCFA après le passage de l’équipe de vérification. Le montant total des loyers non reversés par le Président de la Commission chargée des finances est plus de 4 millions (4 020 000 FCFA).
Des montages grotesques
La gabegie en cours à la Mairie de Bougouni dépasse l’entendement. Du coup, nos interlocuteurs expliquent que le Directeur de l’Académie d’Enseignement de Bougouni a, irrégulièrement, soumis à l’ordonnancement du Maire Mamourou Coulibaly, des salaires des enseignants mutés hors de la Commune Urbaine de Bougouni. En effet, l’équipe de vérification a constaté que, sur la base des états de salaires établis par l’Académie d’Enseignement, le Maire de Bougouni, Mamourou Coulibaly, a ordonné le paiement des salaires des enseignants des Collectivités Territoriales mutés hors de sa Commune alors que le délai réglementaire de prise en charge desdits salaires est dépassé. Le montant total indûment payé, pendant la période sous revue, s’élève à plus de 126 millions de nos francs (126 712 156 FCFA).
Et comble de la gabegie financière, l’équipe du vérificateur a décelé que le Régisseur de recettes de la Mairie de Bougouni ne respecte pas le tarif minimal du transfert de parcelle de terrain fixé dans les délibérations pendant la période sous revue. Ainsi, après une analyse succincte des enquêteurs, des quittances, des dossiers de transfert de parcelles de terrain de la période sous revue et les délibérations et rapprochement des montants figurant sur les quittances à ceux fixés dans les délibérations, il apparaît que le Régisseur de recettes de la Mairie de Bougouni a encaissé, au titre de certains transferts de parcelles de terrain, des montants inférieurs au seuil minimal requis. Le montant total des minorations, différence entre le seuil minimal fixé par les délibérations et les montants encaissés par le Régisseur de recettes pendant les exercices 2018 et 2019, est de 24 479 750 FCFA. Comme si cela ne suffisait pas, pour d’autres transferts de parcelles de terrain en 2018 et 2019, aucun recouvrement de recette n’a été constaté pour un montant total de plus de 29 millions (29 520 000 FCFA). Les recettes totales non encaissées se chiffrent à 53,9 millions FCFA (53 999 750 F). Également en 2017, au titre des transferts de parcelles de terrain, le régisseur a irrégulièrement perçu un montant de 10 millions (10 124 250 FCFA), en l’absence de délibération.
Le développement local entre guillemets
Rien qu’au cours de ces différents hold-up financiers, les caisses de la Mairie de la Commune Urbaine de Bougouni, ont saigné à hauteur de 208 millions FCFA (208 143 787 F), précisent nos interlocuteurs. Pour qui, le comble de la « mangecratie » à la municipalité de Bougouni est, aussi, le résultat du refus du Maire Mamourou Coulibaly de ne pas rendre publics les comptes rendus de sessions. De même signalent-ils, le Maire n’a pas mis en place un comité de suivi et évaluation du PDESC (Programme de développement économique social et culturel). Avant d’ajouter qu’il attribue irrégulièrement des marchés ; et ne procède non plus, à l’autoévaluation des performances de la Commune.
Outre, cette mauvaise gestion, nos sources révèlent que la Mairie de Bougouni est malade. Malade de son Maire, Mamourou Coulibaly, dont les magouilles sont de notoriété publique. Malade, aussi, de la corruption et du népotisme, érigés en mode de gestion. Les maux de la Mairie de la Commune urbaine de Bougouni se résument en peu de mots : affairisme, détournements de fonds et gestion clanique des ressources humaines et financières.
La preuve : plus de 208 millions de francs CFA manquent à l’appel de la caisse de la Mairie. D’où une recommandation du Vérificateur général de restituer les sous volés ; mais aussi d’adresser une dénonciation de faits à la Justice.
Nous y reviendrons !
Jean Pierre James