Le rapport du Bureau du Vérificateur général (BVG), un condensé de récriminations sur les conditions d’octroi de la 3e licence, jette un pavé dans la mare.
Il était attendu depuis des mois, il est enfin là ficelé depuis courant septembre 2013. Le rapport du bureau du Vérificateur général (BVG) démonte les conditions d’octroi de la 3e licence de téléphonie globale. Comme toute mission du Végal, la présente vise à s’assurer de la régularité et de la conformité de l’attribution de la licence tant du point de vue des textes, de celui de l’entité qui a conduit l’opération d’attribution que du recrutement du cabinet-conseil en passant par la conformité aux textes de l’octroi de la licence par entente directe et l’absence de caution bancaire.
Le rapport dénonce au premier chef la responsabilité que le ministère des Postes et des Nouvelles technologies (MPNT) a prise pour “instruire, préparer et mettre en œuvre le processus d’attribution d’une licence de téléphonie mobile”. Cette compétence revient au Comité de régulation des télécommunications (CRT) et ce en conformité avec la loi n°01-005 du 27 février 2001, qui tire son essence de l’harmonisation des politiques et du cadre réglementaire du secteur des technologies de l’information et de la communication (Tic).
Selon l’esprit de la loi citée ci-dessus, “le CRT prépare et adopte la procédure de sélection des candidats pour l’exploitation des licences de télécommunication”.L’article 3 de l’ordonnance n°2011-024P/RM du 28 septembre 2011 portant régulation des télécommunications et des postes dispose : “Il revient à l’Autorité malienne de régulation des télécommunications et des postes (AMRP) d’instruire en matière des télécommunications/Tic, les demandes de licences, préparer et mettre en œuvre les procédures d’attribution de licences par appel d’offres prévue par la loi relative aux télécommunications et aux technologies de l’information et des télécommunications (Tic) et plus généralement conduire le processus technique d’attribution des licences individuelles”.
Le Comité technique interministériel d’appui (CTA) à l’attribution de la 3e licence créé pour jouer le rôle de l’ARMPT, sous l’autorité du ministre des Postes et des Nouvelles technologies, ne pouvait pas de ce fait avoir la compétence matérielle qui lui a été indûment attribuée. Selon le rapport, “l’Etat du Mali devait strictement appliquer les textes nationaux et les instruments communautaires relatifs à l’entité compétente pour conduire la procédure de sélection des candidats à l’obtention des licences de téléphonie globale”.
Un autre point de violation de la réglementation en vigueur, décelé par le rapport, est l’attribution par attente directe de la 3e licence à l’opérateur économique burkinabé, Apollinaire Compaoré, bien qu’il n’ait pas été nommément cité. Le Végal note que “le MPNT a octroyé la 3e licence par entente directe, en violation des textes en vigueur”. Il fait référence à l’article 13 de l’acte additionnel de la Cédéao AS /A/3/01/07 du 19 janvier 2007 relatif au régime applicable aux fournisseurs de service. Celui-ci dispose, “lorsqu’un Etat membre a l’intention d’octroyer des licences individuelles : il les octroie selon des procédures ouvertes, non discriminatoires et transparentes et, à cette fin, soumet tous les candidats aux mêmes procédures à moins qu’il existe une raison objective de leur appliquer un traitement différencié”.
Notons que le CTA qui avait lancé un appel d’offre international a fini par conclure une entente directe avec un groupement (Planor-Afrique) suite à l’annulation du précédent appel d’offre en janvier 2013 et dont le même groupement était membre. Tout a été conclu sur la base d’une “Convention de concession pour l’exploitation d’une licence de téléphonie globale (fixe, mobile et Internet)” signée en février 2013.
“L’entente directe ainsi usité, s’écarte des principes supranationaux mais aussi des dispositions nationales”, dit le rapport. Ces arguments sont sous-tendus point par point par des arsenaux juridiques sur les plans national et sous-régional, qu’il serait fastidieux d’énumérer ici. Le Végal bat en brèche les raisons “d’extrême urgence d’avoir de l’argent pour faire face à l’effort de guerre et à la délicate situation financière”, entre autres, évoquées par le MPNT pour conclure le marché par entente directe.
Tout s’est passé sans que l’adjudicataire qui a eu la licence à 55 milliards de F CFA (dont 33 milliards de F CFA ont été payés au départ) ait payé une caution bancaire. Le reliquat des 22 milliards de F CFA payables dans 90 jours en est à son sixième mois de retard avec une nouvelle échéance fixée au 13 novembre 2013. Par ailleurs, le cabinet-conseil de droit sénégalais sélectionné sans manifestation est une autre entorse à la loi.
Plusieurs autres manquements à la loi et à la procédure en la matière, signalés dans ce rapport remis au ministère des Postes pour le respect du principe du contradictoire, remettent en cause l’attribution de la 3e licence à Apollinaire Compaoré de Planor-Afrique et qui n’a pas pu se mettre à jour vis-à-vis de l’Etat du Mali.
Abdrahamane Dicko
Les ECHOS