«Dans les normes de vérification financière de l’INTOSAI (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques) qui est la référence internationale en matière de contrôle, d’audit et de vérification des services publics, on ne retrouve pas l’expression ‘‘manque à gagner’’. Il y a lieu d’approfondir les investigations et éviter l’utilisation du terme ‘‘manque à gagner’’ qui n’est pas un terme approprié en matière de vérification». A cette remarque gouvernementale par rapport aux diff érents rapports du Vérificateur général s’ajoutent des reproches portant sur le fait que des dénonciations contenues dans les documents publiés par Sidi Sosso Diarra et son équipe ne comportent souvent aucun support . Alors que la loi y astreint le Vérificateur général. Ces informations ont été fournies aux journalistes, hier jeudi, au cours d’une conférence animée, au nom du Gouvernement, par les ministres Lassine Bouaré, Chargé du Budget et Maharafa Traoré de la Justice, Garde des Sceaux. C’était dans la salle de conférence du ministère de l’Economie et des Finances en présence du ministre de tutelle, Sanoussi Touré (qui a disparu juste après l’ouverture de la conférence) et son homologue chargée des relations avec les institutions et porte-parole du Gouvernement, Fatoumata Guindo
Dans notre parution du jeudi 10 février, nous nous interrogions sur l’objectif véritable de la conférence de presse que le Gouvernement animait hier. Etait-ce pour contester les rapports du Vérificateur général Sidi Sosso Diarra en fin de mission dans quelques semaines ? C’est, désormais, chose faite. Même si les ministres Maharafa Traoré et Lassine Bouaré se refusent à être en " campagne de communication offensive " contre les rapports produits par le Bureau du Vérificateur Général, la communication qui a été faite ressemble fort bien à cela.
Expliquer les termes du rapport 2009
Dans son introduction, le ministre Chargé du Budget, Lassine Bouaré, a rappelé que la lutte contre la corruption et la délinquance financière est un objectif fondamental du Gouvernement. Ce qui s’est manifesté par la tenue des états généraux sur la lutte contre la corruption sanctionnés par l’élaboration d’un plan d’action de mise en œuvre des recommandations de ce forum. Un des axes de ce plan d’action est la sensibilisation par rapport aux actions menées dans le cadre de la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Selon le ministre Bouaré, on ne peut sensibiliser le peuple sur les efforts faits dans ce sens sans faire le point de la mise en œuvre des recommandations contenues dans les rapports du Végal. Ce point a fait l’objet d’un rapport mis sur le site de la primature. C’est donc pour mieux expliquer les contours de ce travail que le Gouvernement juge bon de rencontrer la presse pour lui donner d’amples explications. Il s’agit, a-t-il déclaré, de " présenter une grille de lecture de ces rapports " et s’attarder particulièrement sur le rapport 2009 du Vérificateur général.
Pour le ministre du Budget, la notion de manque à gagner, qui revient souvent dans les rapports du Végal soulève certaines difficultés.
Des termes inappropriés?
"L’utilisation du terme ”manque à gagner” est source de nombreuses confusions. Et Lassine Bouaré d’expliquer que de l’analyse des constats et des montants incriminés dans les rapports de vérification, il apparaît clairement que le terme ”manque à gagner” se rapporte effectivement à des situations assez diverses et variées bien éloignées de ce que pourrait comprendre le grand public. " Il s’agit notamment de la non-application des textes, de l’absence de mentions obligatoires sur les factures, du non-recouvrement de la Taxe sur la valeur ajoutée et de créances, de dépassement de mandatement, de paiements sans mandatement, de l’absence de l’avis de la Direction générale des marchés publics". Il a pris certains exemples portant sur l’Agence Comptable Centrale du Trésor (ACCT), l’Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE), la Délégation Générale aux Elections (DGE), la Direction administrative et financière de la Primature. Au niveau de ces structures, respectivement, les montants de 166 880 612 F CFA, 176 910 000 F CFA, 241 930 000 F CFA et 6 190 000 F CFA de «manque à ganer» ont été relevés. Alors qu’en réalité selon le ministre ce ne sont point des manques à gagner. Ce sont soit des pénalités de retard, avantages perçus sans texte de base alors que le Consel d’administration a délibéré sur lesdits avantages, dépassement de quota, etc.
Pour le Garde des sceaux, ministre de la justice, Maharafa Traoré, le Bureau du Vérificateur Général n’est la justice et ne saurait se substituer à une institution judiciaire. A priori, a-t-il expliqué, le rapport 2009 du Vérificateur général contient des constats et des recommandations. Mais il faut faire une distinction entre la plainte et la dénonciation. Pour le ministre Maharafa Traoré, les rapports du Végal n’entraînent pas une saisine automatique du juge. La justice est saisie lorsqu’il ya une dénonciation avec un apport de supports documentaires. Ce qui n’est pas souvent le cas. Il a, en outre, précisé que les rapports du Végal sont destinés, non à l’autorité judiciaire, mais au président de la République en tant que première institution et premier magistrat de la République, au Premier ministre comme étant le chef de l’administration et aussi au président de l’Assemblée nationale, chef de l’institution législative. C’est le président de la République qui, le cas échéant, transmet le rapport à la CASCA avec instruction de saisir la justice(en cas de dénonciation constitutive d’infraction à la loi pénale).
«Or, en la matière, la loi pénale ne comporte aucune infraction qualifiée de ‘‘manque à gagner’’…», a-t-il ajouté. Et le ministre Maharafa Traoré d’enfoncer le clou: «la justice a toujours réservé des suites aux dénonciations faites par le Bureau du Vérificateur Général. mais, il faut préciser que l’expression, largement utilisée, ‘‘manque à gagner’’ n’est ni constitutive de dénonciation; encore moins une infraction à la loi pénale»
d’autres intervenants, tels que le Procureur Sombé Théra, le Contrôleur Amadou Gadaiaga du Contrôle général des services publics, ont relevé quelques insatisfactions par rapport au contenu du rapport du Végal. Pour M. Thera, le terme «manque à gagner» sème la confusion dans les esprits, alors que pour M. Gadiaga, les «normes professionnelles de vérification» n’utilisent pas cette expression.
Rapports contestés
Comme on le voit, même si certains intervenants, comme le Procureur de la République près le Pôle économique Sombé Théra, le Contrôleur général Gadiaga, affirment que le travail du Vérificateur doit être félicité, il n’en demeure pas moins que leurs explications manifestaient clairement une désapprobation sur les méthodes de travail de vérification et certains termes utilisés dans les rapports produits
Les rapports du Vérificateur Sidi Sosso Diarra ont, pourrait-on dire, été démontés, en grande partie lors de cette conférence de presse. Il faut reconnaître que les rapports annuels que rend publics le Bureau du Vérificateur général n’e sont point applaudis depuis la création de cette institution. Les documents produits par le Végal et son équipe sont régulièrement contestés par plusieurs cadres de l’Etat. L’on se rappelle la récente contestation du président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie du Mali (CCIM), Jeamille Bittar, qui a battu en brèche tous les arguments développés par Sidi Sosso Diarra et son équipe de vérificateurs. Avant lui, le directeur général de l’ANICT, l’ancien ministre Mohamed Ag Erlaf, avait aussi contesté la pertinence des arguments de mauvaise gestion contenus dans le rapport 2009.
Bruno D SEGBEDJI
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