Le Directeur Général du Centre Universitaire Hospitalier du Point G (CHU-Point), le Pr Ilo Bella Dial, est sur la sellette. Les fouilles « archéologico-financières » réalisées dans cet hosto sont sans appel : surfacturations à la pelle, fraude et détournements de fonds. Auxquels s’ajoutent, des dépenses injustifiées et le changement des règles de la comptabilisation, d’une année à l’autre. Autant de pratiques qui selon le rapport d’enquête financière du Bureau du Vérificateur Général (BVG) ont pulvérisé les fonds du CHU du Point. Avec à la clé, plus de 764 millions de francs CFA (764 906 904F) qui ont pris une destination, jusque-là, encore inconnue pendant les exercices 2018, 2019, 2020 et 2021 (30 juin), soit 2 ans et six mois de gestion.
Le CHU du Point G est une structure majeure du système sanitaire du Mali qui reste confronté à de nombreux dysfonctionnements des dispositifs du contrôle interne et irrégularités financières. Les dysfonctionnements du contrôle interne concernent essentiellement la déficience des outils de gouvernance stratégique et gestion administrative et financière, notamment le projet d’établissement, le manuel de procédures administratives, financières et comptables, le budget de la pharmacie et la tenue de la comptabilité mais aussi le non-respect des procédures de passation de marchés et la faiblesse du suivi des recettes de l’établissement.
Les irrégularités financières sont liées, particulièrement aux défaillances dans le processus d’achat, de mouvement et d’utilisation des consommables de dialyse ; de réception des biens ; de contrôle des opérations de recettes et de dépenses au niveau des régies ; de gestion des cotisations fiscales et sociales.
L’Hôpital du Point G est l’un des plus importants centres hospitaliers du Mali, avec pour mission, l’assurance des soins de santé publique. Mais ce service, ploie sous l’effet de la plus pernicieuse forme de corruption systématique, adoptée sur les plans financier et technique de chaque travail ou paiement organisé par le CHU. À cette fin, voici des cas de mauvaises gestions au sein de cet établissement hospitalier de notre pays, relatif aux opérations d’exécution de recettes et de dépenses.
Les recettes et les dépenses du Point G entre parenthèses
Le Chef du Service de néphrologie de l’Hôpital du Point G, le Dr Hamadoun Yattara, n’a pas pu justifier l’utilisation de 10 999 séances de dialyse correspondant à un écart entre le nombre de kits et solutions mis à sa disposition par le service de la pharmacie et le nombre de kits et solutions utilisés lors des séances de dialyse effectivement réalisées et communiquées par lui-même à l’équipe de vérification. Sur la base des devis des marchés de la période sous revue, le montant de cet écart non justifié est de 377, 44 millions FCFA (377 449 430 F). De plus, elle a constaté que le montant de plus de milliards de nos francs ( 3 610 987 910 FCFA) des trois marchés de kits et de solutions de dialyse passés au cours de la période sous revue a été intégralement payé alors qu’un stock de 84 756 consommables de dialyse était disponible chez le fournisseur à la date du 16 septembre 2021 en violation des principes des marchés à commande qui s’exécutent au fur et à mesure des expressions de besoins et de l’émission des bons de commande. La valeur monétaire du stock disponible chez le fournisseur est de 194,31 millions (194 314 660 FCFA). Le montant total des irrégularités sur les consommables de dialyse s’élève alors à plus de 571 millions (571 764 090 FCFA).
Plus grave, l’Agent Comptable du CHU du Point G, Mme Keita Fanta Traoré, n’a pas reversé la part des produits issus de la vente des dossiers d’Appel d’Offres destinée à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics et de Délégations de Service Public pour un montant de 270 millions FCFA. Au même moment, le Contrôleur financier, M. Cheick Oumar Koné, a apposé son visa sur les pièces d’engagement et de paiement de marchés sans vérifier les prix par rapport à la mercuriale en vigueur. En effet, il a apposé son visa sur les pièces d’engagement et de paiement de quatre (04) marchés sans vérifier les prix par rapport à la mercuriale. De ce fait, les acquisitions concernées par cette inobservation de la mercuriale des prix sont : la fourniture de climatiseur Armoire 5 chevaux marque Sharp ; la fourniture de sucre au CHU du Point G ; la fourniture de produits alimentaire sucre en poudre au CHU du Point G et la fourniture de sucre au CHU du Point G. Le montant total des écarts des prix des fournisseurs par rapport aux mercuriales de la période sous revue s’élève à 9,6 millions de nos francs (9 691 500 FCFA).
Et comme si cela ne suffisait pas, la Commission de réception du CHU du Point G a élaboré des procès-verbaux sans les supports justifiant la quantité des repas livrés au personnel de garde de l’Hôpital. En effet, elle n’a pas pu mettre à la disposition de l’équipe de vérification le nombre de plats livrés au personnel de garde sur la base duquel les procès-verbaux (PV) de réception ont été établis. De plus, les quantités de plats consignées sur les PV ne correspondent pas au nombre de jour homme de garde. Ainsi, au cours de la période sous revue, l’écart total entre le nombre de plats payé et celui correspondant au nombre de jour homme de garde s’élève à 304 185 plats, soit 118 263 en 2018, 77 922 en 2019 et 108 000 en 2020. Le montant total équivalant à cet écart s’élève à plus de 115 millions de nos francs (115 291 278 FCFA).
D’embrouilles en magouilles
Le Surveillant Général de l’Hôpital du Point, M. Gaoussou Diallo, a donné, sur la dotation mise à sa disposition pour les besoins des ambulances, du carburant à l’attributaire du marché relatif à l’évacuation des ordures à partir des cartes d’approvisionnement des ambulances du CHU du Point G. Or, le contrat de ce fournisseur ne contient aucune clause relative à la prise en charge de la dotation de ses véhicules en carburant par le CHU du Point G. Le montant de la dotation irrégulière en carburant du prestataire chargé de l’évacuation des ordures s’élève à 254 350 FCFA.
Ensuite vient, le paiement d’indemnités indues par le Directeur Général du CHU du Point G, le Pr Diall, à son personnel participant aux sessions du Conseil d’Administration. En effet, au cours des 41ème, 42ème et 43ème sessions du Conseil d’Administration, il a octroyé des indemnités de 100 000 FCFA par participant non administrateur au lieu de l’indemnité de 75 000 FCFA autorisée. En somme, 16 participants non administrateurs ont bénéficié de ces indemnités pendant les 41ème et 42ème session du Conseil Administration et 19 participants durant la 43ème session. Le montant total des indemnités indues s’élève à 1 275 000 FCFA.
Par ailleurs, le DG du CHU du Point G, le Pr Ilo Bella Dial, a procédé à un fractionnement de dépenses. En effet, il a autorisé, sur la régie d’avances, six achats séquentiels de consommables informatiques en mars et en avril 2018 pour un montant cumulé de 979 400 FCFA afin d’éviter un marché par demande de cotation qui nécessite au moins la sollicitation de trois fournisseurs.
Et comble de la « mangecratie » au CHU du Point G, le chef du service de chirurgie, le chef du service de maintenance, le chef du service de néphrologie et le chef du service de cardiologie n’ont pas justifié l’absence de matériels qui leur ont été affectés par le Comptable-matières. En effet, ils n’ont pas pu justifier l’absence de certains matériels affectés à leurs services au cours des travaux d’effectivité réalisés par l’équipe de vérification avec la comptabilité-matières du CHU du Point G. Le montant total des matériels manquants au cours du contrôle d’effectivité de l’équipe de vérification s’élève à plus de 3 millions (3 087 177 FCFA).
Enfin, lors des opérations d’encaissement des recettes hospitalières du CHU du Point G, pendant la période sous revue, les Guichetiers et le Régisseur de recettes ont annulé des recettes sans émission d’ordre d’annulation par l’ordonnateur. La pratique consiste à annuler des quittances émises contre remboursement des montants encaissés par les Guichetiers et le Régisseur. Le montant total des recettes annulées durant la période sous revue s’élève à plus de 25 millions (25 163 606 FCFA).
En chiffre, la mauvaise gestion en cours au CHU du Point G pendant les exercices 2018, 2019, 2020 et 2021 (30 juin), a occasionné un trou béat de 764,90 millions de francs CFA dans la caisse. C’est pourquoi les enquêteurs du BVG ont transmis le dossier de centre hospitalier à la justice.
En attendant, les responsables de l’Hôpital du Point G et leurs complices ne dorment plus que d’un œil.
Youssouf Konaré
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